Biloba

Biloba
Des baraques en bois
La bile fait tâche d’huile
Sur l’eau d’en bas.

Farfadet biscornu
D’un lapsus inconnu
Même avec binocles sur le nez
Le bilboquet se tient coi.

Biloba aux ailes de joie
Il eût été céans
De sortir du rang
En ignorance du chemin de croix.

Monsieur Biloba
Aux belles manières adombré
N’avait de sérail
Qu’à l’ombre des batailles.

Millepertuis du sans-souci
Bill au pas de course
Parcouru les derniers mètres de la parodie
D’un retour strié.

Billevesée des choses ordonnées
Au sortir du corral
La poussière endimanchée
Fût perçue comme un râle.

Biloba
Bisque de homard au repas
Voila sa voix
D’une blessure d’icône dans le noir.

Biscarosse
D’une longue flamme rousse
Épongea le soupir des livres
D’une poignée de givre.

1552

Au saut du lit de la merveille

M’émeut de toi
À a riva di a furesta
Le doux enchantement
Du désir de liberté.

Visage aimé
De la vie en ses errances
Me plaît d’ajuster quelque ballade
Comme pain de chaque jour.

Même du temps volé à la régalade
Ai clopiné derrière les astres
À rire et à pleurer
Jusqu’à la statuaire vide des officiants.

D’être guidé à l’entrée de l’espace céleste
Cause abandon définitif
De la mer abusive
Aux dépouilles carnassières.

Pénates endimanchées
De l’absence à la sagesse
Eûmes par le passé
Les prolégomènes d’un conte de fée.

J’ai ouï dire de la beauté du monde
Les ressources parnassiennes
Prospérer d’une langue fantôme
Aux pieds légers du poème.

Bien me pris
Par l’esprit de la barbichette
D’occasionner moult rencontres
Parmi les vivants.

Prurit du mal-aimé
Saignée en bord du chemin
Tout demeure halluciné
Quand claque des doigts l’accompli.

Avanti tutti
Toute mesure est blessée
Au sortir du bois
Le buccin sonne l’hallali.

La veilleuse fait bloc
Avec le souvenir
Ni plus ni moins
Qu’un macaron de principes.

Plaît-il dirent-ils
À dormir ensemble
Fabrique l’entendement d’être humain
Au carrefour des attentes.

Plume d’ange
À l’intelligence étrange
Cueillons le réel
Au saut du lit de la merveille.

1550

L’immédiateté de l’instant

Un peu plus qu’un trou noir
Aspirant une étoile
Avons perçu
La petite cellule des égarés
Comme barque sans lien
Cherchant parabole

Au couchant
Que la coquille du mental ergoteur
Se brisera
Sur la tranquille inflexibilité
D’un cœur appartenant aux nuages.

Toileux frimas des orifices
Que de gloses faut-il
Pour aborder
Pas de deux oblige
Les simagrées d’un poème qui n’en est pas un
Alors que dehors
Il ne faut tarder
À nourrir
Bouches petites
Comme des chas d’aiguille
Éternellement sur le qui-vive
L’immédiateté de l’instant.

1549

Puisque telle est la loi

Au Rond-point des Bergères 
Palinodie de la Défense
Se départir du déjà-là écrit
Pour se défaire de l’écriture
Allonger le pas sous les lilas de l’allée
Passer devant les toilettes sèches
Cueillir une cerise
Et croiser le chien Noir
Qui rendu à la porte du jardin
S’appuyait contre la barrière
Pour faire la fête à quelque passant.

Black m’avait juste frôlé
Sans s’arrêter
J’étais invisible !
Je revenais dans le jardin de Tante Marie
De la chambre à la cuisine
Puis de la cuisine à la table dressée sous les noisetiers
Il y avait fort à faire
Gabriel parlait de la Tirtaine
Kabou de la Kabylie
Samir du FLN et du MNA
Quant Luce accourant joyeusement
Vint nous montrer les fraises qu’elle avait cueillies.

Il était question du meilleur des couscous
Que Samir recevait du bled
Avec ses graines roulées à la main.

Black venait se blottir entre leurs jambes
Superbement il m’ignorait.

J’étais là
Seul
Décalé
Tous ces gens autour de moi
Pour qui je n’existais pas.

Une auto passa dans la rue
Le crissement des pneus brouilla la scène
Je me retournai
Le jardin était dévasté
Un tractopelle était passé
Amoncelant arbres et buissons
Planches et Parpaings
Dans un méli-mélo surmonté d’un chat trois couleurs.

De mes poches
Tombaient mes carnets à spirales
Attachés l’un à l’autre par la guidoline d’un vélo.

L’on entendait « la vie est belle »
Chantée par Brigitte Fontaine et Zaho de Sagazan
Ultime prêt-à-porter
D’un silence qui broutait le ciel
Rémanence lente des Shadocks
Remontant la piste de luge
En pompant la neige de leurs bâtons de ski.

Un loup passa
Il faisait nuit
Ses yeux blancs immobiles
Un œil pour mon père
Qui venait de quitter son EPAHD
L’autre œil pour mon fils
Qui enfonçait le couteau dans son ventre.

Rideau tiré
Les spectateurs restèrent coits
Une petite lumière en fond de salle jaillit
« Bonbons, caramels, glaces ! »

L’entracte fit s’ébrouer les têtes
Avec un grand panneau publicitaire
Descendant des cintres
Devant le rideau de velours.

C’était un 30 Nuvembre
À 16 ore 30
Il y a 70 ans.

Je pouvais me le permettre
Avec cette cognée de charpentier
D’équarrir les poutres de la Forêt
Pour ce soir
Una ultima volta
Ranger le Pokémon
Sous le sapin des attentes
Une pluie de paillettes d’argent
Sitôt au sol devenir glace vive
Au Vel’ d’Hiv des reflets
Esse, dans le nuage
Que nul ne vit
Si troublante était la cohorte
Des hurlants de faim et de soif
Inondant de miasmes le devant des portes
Bloquées à jamais par le barou des turpitudes.

Je sortais
Il y avait printemps en paradis
È 30 Nuvembre
Quelle surprise !

Bien m’en avait pris
D’aller au ciné
Voir « Bambi » et « Johny Guitare »
Avant les fêtes de fin d’année
D’autant qu’à l’entresol
Je croisais ma compagne éternelle
Lune trois fois lune
À la chevelure rousse
Hennissant un sourire
Si bon
Devant la série de portraits d’Harcourt
En Noir et Blanc
Puisque telle est la loi.

1548



Mantene fora di a mattina

Mantene fora di a mattina
Se tenir par la main
Sans rien y comprendre
Pour combien de temps encore
Dans l’embarras d’un hiver froid
À se demander …

Accrocher les vêtements mouillés
À la rambarde rouillée
Au dur de la pierre
Recluse sous ses paupières
Du pont au Change
Disposés à contre-courant.

D’aujourd’hui et d’hier
Les militants défilant sous le balcon
Dans un brouillamini de mort-de-faim
Ont subtilisé la mesure de la halle aux grains
Pour plus de grandeur encore
Panthéoniser la croix et la bannière.

Frères des monastères
À mesure des verstes franchies
La carlingue de l’avion vibre encore
Vibrato unique de la carence affective
Des nonnes nos sœurs
Se figeant en infirmières dédiées.

Courant comme paille sous le sabot
La litière fut rapidement disposée
Tels coquelicots d’or
Murant d’effets spéciaux
Les portes du palais
Aux occasions manquées.

Pleutre
Mais conquis par la résonance
Des dalles d’ardoise soumises aux grêlons
Il fût aisé de se croire en été
Balle de glaise
Épousant à l’eau claire le lac de Jade.


1547

Pareidolia d'ombra

Pareidolia d'ombra
Ici
È 30 Nuvembre
À u ritmu di u djembe
U sussurru di l'altru
Per avè significatu un avvenimentu
Pigliatu da u scogliu di u collu
Cum'è un gattu
Ci hè - hè quì
Pensu da u tettu
Inquilino abusatu
Griglie di luce è tubi tondi.

Per avè cercatu u so locu
Julia ieri partì
Oghje à diritta
In a descrizzione solu
A respirazione prufonda di u bufali
U reversu
U silenziu chì casca
Illusione cunjugata
Scappatu da a finestra
A pesca
Hè apertu
U mondu ùn esiste più
Aghju scontru quellu chì vene
Canta i mo canti di gloria
Cum'è u babbu Magloire
Nantu à a tavola epossidica
Ùn vene nunda
Pensu chì ùn hè ancu principiatu
U più tardi pussibule
Fate senza u futuru
Per cambià u passatu.

Di vacche morte quasi cuntigue
Da u mo babbu à u mo figliolu
I revers crepe di a giacca
Ansimanti
U vapore esce da i narici.


In a terra libera
U surrisu di i nuvuli
Per prevene ciò chì succede troppu prestu
È chì a memoria accumula.

Questa pala di ricordi
Gettatu in u focu di a macchina
La viltà sguassata
Di a bestia umana.

Surrisu, site filmatu
Gap per lascià u paisaghju scappà
U dettu nantu à l'ochju
Per cambià a visione
Miraculu di a Luna Verde
U tempu passa per piglià u vostru tempu.

Mathieu-Benoît u fratellu di l'auto mancante
L'afflitti
A curva
À a strada di ritornu in casa
Esse
I minuti entranu in variazione di l'animazione
À a regula
U margine disegnatu
Da manca à diritta ùn sò micca
Ùn a sò micca
Ùn aghju mai sapè
Saperaghju di novu.

Pusatu cum'è pits di ciliegia
Vicinu à u torrente in Ardèche
Ogni core hè u dipositariu di una intenzione
Impulsà u core pinchendu u pollice è l'indice
Cusì
Cume vene
Ogni core cadutu dà risposta
Nantu à una petra
Nantu à una foglia morta
Nantu à a furchetta di un ramu
Daretu à una roccia
Moltu vicinu à u mo pede
In l'acqua muscosa
Accantu à un insetti bastone.

U tempu ùn esiste micca
A sincronia ci hè
Semu unu
Sò unu
L'attenzione crea significatu
Allora calà u voluminu
Finu à a quiete
Nisun rumore
Una porta sbatte
mi scappu
Vaiu in mè stessu
È principia di novu
Un soffiu di ventu apre a porta
Hè ghjunta in casa
L'ombra
In una motocicletta rocciosa
Si avvicinò
È a forma nera m'hà pigliatu
Mentre luttava debbuli
Finu à u svegliu.

Mela caramellata croccante
Ejecting i so sementi
In u chiaroscuru di a fine di u ghjornu
Di fronte à a strada bagnata
I pneumatici facenu scandalosamente
Un sonu di una lavatrice
À quale l'oblò saria statu cacciatu.

Fora di u passu
Da u sediu di misericordia
À a rotonda
A giraffa alza a testa sopra l'acacia
Arburu abbandunatu da u Picculu Principe
Dopu à una notte
Per aspittà l'altru
A mancanza
A decadenza di a carne impiccata
Toccu a terra cù l'intrestri spilled
Lasciate i corvi picchi
Ghjallu
Mentre Penelope
U so tissutu hè scunfittu
Coquetry afflicte cù un sguardu tristu
Destinatu à l'aumentu di l'orizzonte
In fronte di u raghjone di u tsunami
Inaugurendu i difetti di l'apparenza
In scatula di torte secche
Ochji di vetri
Mani in a pusizione di u straneru
À u risicu di stendu u tarrenu
Per u passaghju obligatu da a stanza di u locker
Fighjate a bocca di u Komodo
Carte vitali outdated
Per un ultimu viaghju.


1446

A scorcia di u core

Vol à voile
De la sagesse
En vision suprême
Le bleu des Dieux
Coule des jours heureux
Au travers du torrent médian
Des écorces du cœur.

Choses inanimées
En interdépendance précaire
La réalité est apparitionnelle
Dans l’expérience du présent
Au nom de l’esprit
Ni torrent ni source advenants
Et essence vide.

Saillie pusillanime
D’une lune claire
Par blanches nues déposées
Le lotus né de la boue
Immobile au creux du mouvement
Frissonne d’une chanson sage
Excluant la moindre émotion.

Il n’est de route
Pour la céleste randonnée
Des chevaux aériens
Sur la trace de la huppe
Que le guide du monde intercepte
Quête et progrès
Étant vains et déprimants.

Gros-Jean comme devant
Nous obligerons l’essentiel de la troupe
De retrouver
À grands coups de chasse-mouches
Les tenanciers de la pollinisation
Là où les plaisirs montants
S’effacent devant la nature.

Ne pas paniquer
Rester calme et serein
Tout nu
S’envoler dans le tel-quel de l’instant
Pour que sans esprit
Le refus de croire impose
L’unique langage universel, puesia.

1545



Le chapardeur

Les mémoires du chat
Du début des temps
Au cerveau d’aujourd’hui
Sont la solution
Qui ne soit pas auto-créée.

Le sentiment d’avoir un problème
Est réaction à ce qui est
Permettant la résolution
Des idées préconçues
Pour s’adapter au but espéré.

Maquillage des prunelles de l’âge
La descente de l’escalier
Mène aux normes sociales
De l’exigence en conformité
Extérieures à l’idée qu’on s’en fait.

Le mot tisse
Entre le passé et le futur
Sur le métier du présent
L’œuvre d’affinité
La réponse en perspective.

Être une porte sur le monde
Impose la contrainte de connaître
Alors que l’accumulation des connaissances
N’est pas une fin
Juste l’insaisissable Saint Graal.

Le chat part à point d’heure
Il rogne tel le roi du chêne de Vincennes
Sur le rebord de la fenêtre
Dans l’inconnu d’une situation
Le connu des outrances.


1544

L’œuf de l’art

Aimé de toi
L’œuf de l’art
La pierre
Le caillou
Pondu là
Entre les Êtres et les Choses
Embrassant la diversité des pas
En refusant toute excentricité.

Paysage de fleurs et d’oiseaux
Dernier éclat de la mousse
Souffle de la source
Élevant le nuage des humeurs
En variations subtiles
Jusqu’aux confins d’un murmure.

Forme puisée
Propice à l’incitation
Du haut des murs de Babylone
Ouvert de toutes ses fenêtres
Vol des grues par nuit de lune
Adouci au loin
Par l’émergence des phrases isolées
La trame du vivre ensemble
Au cœur de l’homme.

Palmeraie
Aux jeux phoniques délicats
Élaborant symphonie langagière
Cordes vibrantes
Pure résonance
D’un regard qui sait voir
Œil scrutant le paysage
Imprégné de substances
Appuyant la dilatation de la coquille
De pulsions saccadées
Signant de son sang
Le suprême aboutissement
De la rotondité.

Circularité inextricable
Rehausse des désirs informulés
La vision de l’infini
Vibration sobre et élégante
D’une plasticité énamourée
Aux interférences complexifiées
Que le mystère adombre
Au sortir de l’errance
Ombre offerte
Comme carénage d’un cercle
Propulsant hors toutes
Les notes manuscrites
De la confession orale.

Embrasse l’un
Cultive l’autre
Brume des désirs
Le tapotis des doigts
S’adonne à l’universelle présence
D’un balancement prolongé
De traces non traces
Sur le visage sage.

La bête est creuse
La montagne déserte
Personne n’est en vue
L’écho des voix
Somme d’arrimer le socle
Aux cornes du cerf de circonstance.

Refuge des oubliés
Inaugurant
Le plan céleste-terrestre
Par la visée de sélection
De l’ordre vécu et rêvé
D’un déploiement d’ailes
Aux confins visibles et invisibles
De la beauté
Répandue irrévérencieusement
Zeste des fruits mûrs
Le déjà-là
De la levée inaugurale
Du bâton de plumes
Sous le regard vif et profond
De celui qui
De celui quoi
De celui qui pour quoi
Mêle argile et eau
Au service de qui vit.

(œuvre de Martine Cuenat )

1543


La présence à ce qui s'advient