Archives de catégorie : Octobre 2023

Cette croix

Je n'échapperai pas   
À cette croix   
Moi le corps   
L'aléatoire de mon apparence.      
 
Nourris d'enveloppes légères   
Invisibles, immortelles   
Les rêves excitent le désir d'utopie   
Dans le couvige ensoleillé.      
 
Mes paupières baissées sont vues   
Dans l'embrasement de l'aube   
Où le repliement sur soi   
Saccage les échanges.      
 
Visage à même de rétablir le fil ténu   
De la vie minuscule   
À l'épuisement parodié   
Par l'écho des battements du cœur.      
 
Ma place est là   
Et il est demandé à ma peau de  répondre   
Moi l'emmaillotée   
En quête de la certitude d'être.      
 
Un peu de folie fera le reste   
Pour repriser les trous de l'enfance   
À l'œuf des origines   
Le fil et l'aiguille de l'opportunité.      
 
Le regard, la voix et le silence   
Feront du berceau   
Le retour à l'intensité   
De quelque chose qui se produit.      

( Peinture de Frédérique Lemarchand )
 
1356

Le matin à la pointe du stylo

Le matin   
À la pointe du stylo   
Il y a l'eau et le refrain   
D'une contine   
Remontant par bulles   
Du frigo qui se décongèle   
En glougloutant.      
 
Les feuilles tombent   
Et je ne me vois pas   
Car la nuit tous les chats sont gris   
À recouvrir pudiquement   
Jusqu'à l'incantation   
Des générations de mots   
Au porte-à-porte de l'acceptation.       
 
Écouter avec les yeux   
Pour ne pas avoir à entendre   
Le murmure des à-valoir   
À fond la caisse   
Dans le jour recommençant   
De mille pensées      
Nous cachant le salut des âmes.      
 
Tout est fait tout est dit   
La souffrance surjoue   
Dans la répétition du mal   
Swastika sur le revers du manteau   
La souffrance se rejoue   
Sur le visage en pleurs   
Un deux trois soleil !      
 
Quelqu'un m'a suggéré   
Qu'il fallait accrocher la clé de la réussite   
Au cou de mon ange   
Pour qu'alors la corde cède   
Et recevoir une dose de peur   
En remontée de l'instant   
Apte aux multiples renaissances.      
 
Hacher menus quelques morceaux d'amour   
Augure du dernier repas   
À l'abri des regards   
Sans croyances   
Pour voler à tire d'aile   
Telle parole fraîche   
Brume et ciel bleu liés par le secret.       
 
1355

Éprouver de parler est grande clarté

À même cette chose   
En soi   
Qu'un rien dérobe   
Cet hors de vue   
À rebondir par dessus la nacelle.      
 
Je l'ignore   
Ce vocabulaire de vieux crins   
Fait d'emphase et de mort   
je l'attends je l'entends   
Depuis si longtemps.      
 
Même les anges   
Porteront mon dernier souffle   
De la rue monte la colère   
À me prêter une pensée   
Ils seront les officiants.      
 
Fatigue bouillonnante   
Jambes lourdes aux guêtres fières   
J'ai rendu ce qui me convient   
Pour ne pas m'informer   
Du lendemain.      
 
À l'usage   
Ils me manquent   
Les buissons bruissants   
Des battements d'ailes   
D'une croissance hors d'âge.      
 
Mesure d'usage   
Effet de commérage   
J'écris   
le son la balle et le grain   
Des batteuses d'antan.      
 
Il y eut grand tapage   
Quand l'ouvrier passa   
Lampes de mineur, gants de cuir épais   
Lourdes bottes de sept lieues   
Au temps des cerises.      
 
Je m'enfermai   
Jusqu'à point d'heure   
Dans la clairière de l'au-delà   
À compter les jours   
D'un clignement de paupières.      
 
Ces gens dehors   
Perdus dans l'indolence   
Les éclats de voix caillassant le silence   
Des notes de musique jaillissant des berceaux   
En vrac.      
 
Quand à elle   
Pleine d'encre et de jeux d'enfant      
Je la soustrais à la page blanche   
Libellule parvenue   
Dans la transparence d'un tulle au vent.      
 
Et les pages passent   
Métamorphoses de l'instant   
À se ranger contre le trottoir   
Miettes de pain offertes   
Aux pigeons de l'Arche.      
 
Même pas mort   
J'aurai la clé   
Pour parler clair   
T'entendre et te voir   
Dans la borie des Claparèdes.       
 
1354

Lila

Lis, là   
Contre mon épaule   
Pour solder   
Exercice mental aux mélèzes associés   
Que la gourde vaille bien la montre   
Quand elle est pleine   
Et que la montre à l'abri des impulsions   
Fasse temps d'arrêt.      
 
Cette scène   
De planches disjointes    
En forêt à taper du pied   
Le temps d'une représentation   
À ne plus se souvenir   
De quoi il était question   
Si ce n'est   
Que le ciel était bleu.      
 
La grande fille    
Me passait un paquet ficelé   
À hauteur des yeux   
Pour m'en mettre plein la vue   
Alors que mes compagnons   
Fumaient la cigarette   
Métamorphose du langage   
À portée de voix.      
 
Elle me répondait   
" Oui "
Et cette histoire un peu compliquée   
Me renvoyait sur les chemins   
Dans la forêt pluvieuse   
Des premiers jours d'été   
À entendre que toute absence   
Était de la nourriture pour l'âme.      
 
Goûter le jour   
Vertu consolatrice   
Aux chants que nul n'entend   
Si ce n'est d'exister   
Pour planter les salades   
Cueillir les mûres   
Dormir au pied d'un arbre   
Une pincée de sel aux coins des lèvres.      
 
Regarde   
À ne plus ressentir la grosse laine   
Sur ses épaules nues   
En doutant de loin en loin   
Que l'arrivée du soleil   
N'altère le rouge-gorge de sa respiration   
Grenouille vermifuge   
Ronde de joie à me donner le tournis.      
 
Passèrent   
Le présent   
Accompli en ses formes et mesures   
Le passé   
Aux bons soins de la souvenance   
Et l'avenir   
Dentelles taillées à la hache   
Sans que cil ne bronche.      
 
 La marmotte crie   
Au parti pris de ce que tu dis   
À franchir le gué   
Une pile de livres à bout de bras   
Altière et fenouillarde   
La transparence accablée   
Par le soucis de plaire   
Jusqu'au plus petit moucheron de la création.      
 
Siffler est jouer   
De la corne de brume   
Pour ouvrir l'espace   
Et laisser venir   
d'un cœur léger   
La main légère   
D'une vie légère   
Comme rai de lumière traverse un feuillage.      
 
1353

La bicyclette éternelle

Elles ont glissé   
Leurs patins d'air   
Sur la fontaine des souvenirs   
Les araignées fines funambules  
Marquant d'auréoles concentriques   
La douce arrivée d'eau   
Pour que rase rassasiée   
S'échapper par la motte de terre soulevée   
En contrebas du pré.      
 
Le travail des herbes folles   
Déposées à la surface du sourire   
Faisait lumière au sortir de la goule   
Renouveau accompli   
À mesure de l'esprit   
Échappé des traverses lourdes   
Le long de la voie ferrée   
Du grain de la  phrase   
Entre deux éclats de rire.      
 
Une pluie mercenaire   
Faisait se courber les scabieuses    
En réjouissant les vaches   
Aux mufles lustrés   
À la robe dégoulinante   
Les dix doigts diligentés   
Sur le combat Villemain Dauthuille   
À piqueter le papier    
Sous les pins de l'orage.      
 
En attente d'un bleu prophétique   
Glorieux d'avoir exhumé la pierre ténébreuse   
Où déposer la mousse humide   
Du face-à-face mélodieux   
Avec le merle aux pattes fil-de-fer   
Il eût été branche molle du cerisier   
Plus apte à soutenir les ténèbres   
Que d'évacuer l'écureuil du square des pompiers.      
 
La main suggère le souffle   
De concert avec le parfait récital   
Quand miettes retenues par la serviette   
Éteindre la lumière   
Pour ne plus entendre le bruit de l'ampoule   
Marche forcée de la créature incommodée   
Aux yeux de pêche   
Reproduisant la Cène   
Des amitiés carillonnantes.      
 
Effluves légères
Soupir évoqué
Pensée permise
Les nœuds se délient
Tapis de prière déposé
Encore une minute ou deux
Pour faire de l'enfant au regard doux
La source du réel pur
Les mains sur les cocottes d'une bicyclette.
 
( Encre de Pascale Gérard )
 
1352
 

L’homme de pierre

L'homme de la pierre   
Assis devant la rose   
Comptait lentement   
Ses années passées   
À la lumière sèche de son visage   
Reflétant la brume montante de la vallée   
Aux messages imaginés.      
 
Afin de complaire à cette maraude   
Il écrivait calme et appliqué   
De sa plume sergente major rêche   
Quelques faits de ses origines   
D'un tremblement des mains   
À faire coupe rase   
Du regard des vivants.      
 
Au mitan de la nuit   
Ses ailes avaient fleuri   
À battre campagne   
Dans les halliers de l'oubli   
Quand paupières sèches   
Les algarades des regrets   
Somnolaient naufragées.      
 
En fin de journée   
Alors que les chasseurs brûlaient leurs dernières cartouches   
Il avait remis son tablier bleu   
Par dessus son pull effiloché   
Pour entonner une dernière fois   
" Sur le pont du Nord   
Un bal y est donné ".      
 
Fissures à l'âme   
Son cœur de crépon tremblait   
Devant l'évidence   
Sa proie ses repères   
L'absolue déliquescence des jours   
Passés en retour   
À pourvoir aux brûlures du désir.      
 
L'absence le tirait par la manche   
Au pied de cette allée couverte   
Carrefour des remontées   
À écouter le chant déclinant des oiseaux   
Dans l'attente de ce qui reste à faire   
Avant que ne s'échappe de la forêt   
Le hululement de la chouette.      
 
1351

Poli comme un sou neuf

Poli comme un sou neuf   
Devant la maison   
Attendre que la famille soit prête   
Surtout ne pas se salir   
Et ce petit frère qui vous colle aux basques   
Monter sur le chemin   
Puis redescendre dans la cour.      
 
La gifle est partie   
Sourde et intense   
Marquante jusqu'à l'infini   
Pour une éducation d'aimer   
D'aimer à palier au recroquevillé de l'âme    
Aimer jusqu'à tendre l'autre joue   
Au delà des yeux du silence.      
 
Le trajet vite fait bien fait   
En Vedette, en Deudeuche ou en Quatre chevaux   
L'habitacle empli d'un bouquet de parfums   
Pour devant l'église    
Se retrouver en cercle   
À chercher l'endroit adéquat   
De la photo de groupe.      
 
Le monument aux morts est là   
Enferré par la grille fermée à clé   
Surmonté par un poilu au regard bleu   
Avec sur son socle   
Le nom des héros de la Grande Guerre   
Et un rajout de ceux de 39 - 45   
Dans un jardinet paré de buis et de graviers.      
 
Dans l'église froide   
Femmes en noir aux premiers rangs   
La voix du curé s’est élevée   
Apaisante fleur vitrail hors la chaire   
À évoquer la mémoire des disparus   
Et le beau temps espéré     
Pour les moissons de l'Assomption.      
 
Les cloches ont sonné la fin de l'office   
Sommes à nouveau rassemblés sur le parvis   
À se saluer entre connaissances   
Et s'enquérir de ce que deviennent   
Ceux qui ne sont pas là   
Pour ensuite passer à la boulangerie   
Chercher la tourte et la brioche.      
     
 
1350 

Une seule phrase

Une seule phrase   
Et tout se délie  
Hors ces sacs de jute   
Remplis à raz bord   
Après ma mort   
Où j'ai ouvert les yeux   
La première fois   
Pour entendre le chuchotement   
À l'oreille de l'agonisant   
Parole désuète   
Ou manque de parole   
À se faufiler   
Goûteur de vie   
Après la pluie   
Devant le parterre   
Couvert d'herbe bien verte.      
 
Trois jours comme ça   
À ne jamais se lasser   
Sur le pas de porte   
À ouvrir l'esprit   
Coquille cathédrale   
À l'impatience vraie   
Alors que se tenait   
À califourchon sur la clide   
La folie du monde   
En son extrême lenteur   
Dépliée le temps d'écrire   
Sur la pierre   
Quelques mots d'amour   
Avant le rendez-vous   
Sans se presser comme un dimanche.      
 
Joie et chaleur   
D'une journée à tire-d'aile   
Se sont joints les poussins de l'âme   
Rendus visibles 
Par les deux aiguilles de l'horloge   
Dandinement de la poule rousse   
Élevée hors abîme   
Un brin d'herbe au travers du bec   
Juste retour à la source   
Le cœur léger   
La main tendue   
Pour le grain à la volée   
En riant   
Devant le paillou vidé   
Poches trouées   
Sous l'ombre descendue du frêne.      
 
1349

La cible sur un chariot bleu

Alors qu'un crêpe noir recouvre le monde
Fait de meurtres et d'exactions en tout genre
Il est de bon aloi de retourner aux lisières de la beauté.
 
Feuilles de passage
Tombent en automne
Recouvrant la terre noire.
 
Palpation en saison
Sur le chemin creux
De la poussière à contre-jour.
 
Au plein de la nuit
Descendre les escaliers
Pour aller boire un coup.
 
Puis remonter
Père tranquille anobli des oublis
Mettre son mouchoir sur la terre dévastée.
 
Fine est l'ombre
De lune nouvelle
Dans son appel à Vénus.
 
Passeront la main
Les doigts ourlés de confiture
Un souci de moins devant la télé.
 
Près de l'âtre
Sans hâte
J'ai choisi la lentille de la planèze.
 
Des cercles olympiques tout partout
Enserrent la chambrée
De pleurs de joie.
 
Les fleurs à la tige fragile
Se courbent sous la pluie
Œil contre œil.
 
Mille moutons dévalent la colline
Clochettes en fête
Ponctuées de bêlements épais.
 
Puis remontant le drap jusqu'au nez
Attendons que le sifflement des missiles
Passent sans nous toucher.
 
1348

Au tabernacle des glycines

Au tabernacle des glycines   
Il y a l'inconstance   
Par la crainte avancée   
De l'homme perdu dans ses pensées   
Alors que la place était à prendre.      
 
Position médiane   
Aux carences affectives   
L'ombre caressait d'une tendresse feinte   
L'entrée dans l'atmosphère   
De la cage d'ascenseur.      
 
Pratique discrète   
Nous fîmes le tour de l'enceinte   
Pour quérir les faiblesses de la fortification   
À petits pas en retenant son souffle   
La mèche de cheveux relevée.      
 
Ouvrir la cage   
Me correspondait mieux   
Que la palinodie à régurgiter   
Flasque et collante   
Comme glaise à l'abri du soleil.      
 
Rencontrer le grincement des gongs   
N'arrangeait pas nos affaires   
D'accueil de la parole   
Aux effets feuilles à terre   
De l'automne déplié.      
 
Mettre en place la bougie neuve   
Eût solutionné la question   
D'avoir assimilé la verdeur de l'espoir   
Avec l'arrivée de Cybèle    
Oblate des plus ferventes parturientes.        
 
Par les anfractuosités du passé   
La mémoire fait mystère   
De l'impétuosité des origines   
En calmant par la pensée   
La peur et ses officiants du désir.      
 
Effleurer la joue du nouveau-né   
N'apporte de réel   
Que l'écueil d'avoir un jour une nuit   
Chevaucher la création en simple appareil      
Nous les conquistadores de la mort à soi.      
 
Un voile sur tout cela   
Ferait œuvre débordante   
Pour la nature qui nous enchante   
Cristo des occasions manquées   
D'avoir à mourir pour que l'autre naisse.      
 
Et de refermer la boîte   
Comme exclure d'une rebuffade   
L'enfant inquiet   
De la tâche immémoriale qui l'attend   
D'avoir à ramasser les mirabelles de l'esprit.      
 
Se contenir   
En marge du destin   
Et devenir   
Assemblage de constellations   
Dans un infini qui nous fuit.      
 
De composer sa cosmogonie   
Au travers des fissures de l'instinct   
Fait entrer en résonance   
Avec la pulsation de l'univers   
Le mieux que soi.      
 
1347.