Archives de catégorie : Année 2024

Six heures quinze

Six heures quinze
De la clarté dans le sombre du ciel
Les prémices, la proche présence du feu de Dieu
Puissance
Calme
Le cœur bat
Chamade douce
Aspiré par la lumière
Élevée.

Guetter
Prêt à la lecture du grand Tout
Et de ses signes au-dessus de l’horizon
La barrière des nuages
Surmontée d’un trait de clarté
L’espace bien dégagé qui élargit le cœur
Vastitude du ciel et du cœur
Le cœur c’est le ciel
Je suis de là-haut
Je suis de là-bas.

Quelques tâches rougeâtres
À l’emplacement de la future venue
Se mettre à l’unisson
Élargir les bras
Creuser le ventre
Prêt à recevoir la clarté.

De petits homoncules traversent la rue
Quelques uns courent
D’autres laissent passer les véhicules.

La plage du ciel propice à l’accueil est large
Une grosse larve de nuages progresse de gauche à droite
Un larve annelée qui grossit grossit
À droite, calme et serein, le ciel attend
Au dessus de la larve, l’immense vide
Un halot orangé clair monte à l’horizon
Ça vient
Rien ne m’appartient
Et pourtant je suis bien là
Au plus prêt de ce qui est.

Un pigeon se pose sur le lampadaire
Il repart.

Le triangle pubien clair de clair
Fente fine et profonde au centre de la matière
Juste entrevue
Les larges cuisses refermant l’ouverture.

Le mirliton des teintes douces
S’essaye à quelques touches pastelles.

Les membres se déplient
Un coude
L’attache avec le cou
Un muscle rond
Le sein à l’aréole affirmée
La déesse dans un lent élan se farde devant l’enclume
La liberté guidant le peuple
Les musiciens rejoignent leurs places
Un premier son s’élève
Puis d’autres en désordre
Les musiciens se cherchent
Sur l’os de seiche de la philharmonie
De la gauche vers la droite en avant toute
Les cuirs et les anneaux se tendent
Le convoi se met en marche
Là, un linge blanc
L’ourlet avec le rien
Le crémeux de tes yeux
L’oiseau de la rambarde s’est envolé
Le frein retient la turgescence
Coquille des espaces.
Sept heures quinze.

Faut-il qu’il m’en souvienne
L’amour venait après la peine.

Les premiers rayons jaillissent
À l’horizontale
La bedaine des nuages s’éclaircit
Déchirure
Vagissement muet de l’aube
Les rayons balaient le dessous des nuages.

Un peu d’eau fraîche
À la tienne Soleil !
Pour ne pas retenir l’élan qui luit vers celui qui est.

Plusieurs pigeons se rassemblent sur la rambarde
La tête tournée vers le soleil.

Là
Un pilier 
Une aspiration
Un masque vénitien
Les yeux séparés par un nez acéré.

Il clique
Puis jaillit
Hors les limites bordières
Le disque se démarque de sa gangue.

Il luit
Le regard vers le bas
Ses pinceaux lumineux 
Rencontrent la brume qui monte des vallées.

Le sourcil épais
De l’eau dans la gorge
De l’eau et de la lumière
Bonne journée toi le jour d’aujourd’hui !

Don de lumière
Sur les pylônes de la voie ferrée
Un train entre en lumière.

Il est un temps pour tout
Et les doigts fins de l’infirme d’hier pianotent
Sur le suc de la Vie.

1446



Barcarole à Jouy

Barcarole à Jouy
Devant cette pièce d’eau noire
Le bruit de l’eau sortant du bief
Douche permanente
Provenant de la roue moussue.

La passerelle de bois humide et glissante
À la rambarde inégale et branlante
Jouait avec les reflets de l’eau du gué 
Pierres jointives et dorées
Permettant de suggérer l’autre rive.

Le feuillage abondant s’inclinait au–dessus de l’eau
Les lumières du soleil constellaient la frondaison 
Tout était mouvant et frissonnant 
D’éclats scintillants
Féeriques et menaçants.

Match équilibré
Mais entre qui et qui ?
La peur et la beauté
La fascination et la profondeur
J’avais onze ans et serai en sixième à la rentrée prochaine.

Grand’mère Danube était allée rejoindre sa sœur
En autocar du parc de La Villette jusqu’à Jouy
Elle nous avait sorti de Paris
Moi et Muriel la fille de tante Guitte
Saint Chrême enchâssé dans son écrin émotionnel.

Muriel avait neuf ou dix ans
Une brunette aux cheveux bouclés
Et aux yeux de jais
Qu’une autre fois j’emmenai promener entre les blés
Le cœur battant en nous tenant la main.

1445

La barque de l’avenir

Grandes et belles bougies
Dans le cadre sombre de la chapelle
Saint Bénigne avait raison
Pas de rapatriement
Avant le couvre-feu d’un bris de vitre.

Puis s’en retourner chez soi
Dans le blizzard
À grandes enjambées
En évitant les plaques de glace
Sans attirer l’attention du plus offrant.

Les chiens pouvaient se disputer
L’os à moelle des convenances
L’un d’eux s’échappera
Du corps à corps insipide des efforts
Pour soigner le mal par l’incartade du soi.

Pierre à feu
Feu du fer contre le mur
J’entends le creux des flammes
Se rebeller contre le tisonnier de mon enfance
À fleurir la barque des jours.

1444

Au court bouillon du goudron

Au court bouillon du goudron
Passent les cornettes des bonnes sœurs
Avions de papier en escadrille
Allant vers un avenir meilleur.

Me retrouver au sommet du petit tas de poussières grises
Me retrouver ouvrage fait
Rend la chose facile à dire
« La poésie c’est la vie ».

J’ai cherché les vers luisants
Pour les installant dans une coquille d’œuf
Être douce lanterne
Guidant l’enfant vers la fleur de nuit.

Il fût un temps
Où le scintillement de la lumière dans le feuillage
Me faisait tenir sous l’arbre
Le langage morse de la tradition.

Je suis arrivé dans l’écriture
Avec force vieilleries
De la culture, des histoires, de la mémoire
Du ressenti, de l’imaginaire, plein d’éléments à manger et à boire.

J’ai secoué tout ça
Pour que retombant d’oblique manière
Les transformées de l’immaturité
Deviennent graillons pour terre nouvelle.

Plan Z des affaires courantes
Déroulant le menu fretin de la rue
Je mesurai le parti-pris de l’esprit
Pour m’engager sur le chemin ferré.

Dans l’espace de vulnérabilité
J’ai dégagé la mélodie de sa gangue
Pour le bruit du ressac aidant
Mettre le matin en position d’attente.

.1443

Flûtiau d’argent

Flûtiau d’argent
Tenu à mains fermes
Qu’emporte au milieu de la plaine
La houle sans répit
En maîtrise de l'esprit.

Pour une journée
S’en fût une bonne
À mille lieues de l’ailleurs
Au crépuscule des origines
À manier l’émotion et ses effets seconds.

Des compayrès dodus
La voile des grands arbres
Par le vent cintrée
S’exhalait
L’avancée reine de l’âge.

Les six voies réunies
Engendraient l’outrepassé
Cet impur souvenir
À chercher le devenir de l’épuisement
Dans l’envoi doux et périlleux des opérations.

Large main posée sur la cupule
À haut goût de boutons d’or
Les gens de l’Aubrac
Portaient haut le pas-grand-chose toléré
Des besognes à l’arrêt.

Saillie considérée de spéciale
Le porte-à-porte s’ouvrit
Sur l’entablement des transformations
Prêtes à manifester l’accomplissement spirituel
Sans que chiens ne détalent.

1442

La rencontre absolue

Sur le perchoir du temps
Faire des œuvres de résurrection.

À la pointe de l’aiguille
Enfiler les points de suspension
De cette errance
Notre sœur d’ombre
Disposée là
Au carrefour de nos intentions.

Retour de mémoire
Culte de la soumission.

Qu’il soit colombe ou porte-croix
L’esprit occupe la place privilégiée
Pour qui viendra lui suggérer
Un voyage en terre sainte.

Reflet terrestre des soleils de l’Appel
Le troisième œil escarboucle le trésor principiel
Au centre de nos facultés élevées.

Profonde est l’attente
Du nouveau tour à rejoindre
Quand l’innocence de l’enfant
Prépare la nouvelle naissance.

Alors le vieux sage rassemble
Les moments du mouvement circulaire
Autour d’un centre
Que les trois personnages exaltent
En parfaite collusion
Avec le sens dextre de l’action.

Le cocon a été ouvert
La maturation lente et secrète s’effectue
Le moteur est à son point de fusion
Il étreint les visages
Pour le troisième œil ouvert
Effectuer la mission de relance
À se mouvoir
Selon le nouveau mode.

L’étreinte est ferme
Les éléments de la future perfection
Enlacent la chrysalide
La chenille devient papillon
En l’état de l’achèvement de l’œuvre
D’une pause l’autre.

À livres paginés avec soin
La topographie subtile
Entre en observation
Des lampées d’attention
Devenues familières.

La conscience roule ses yeux
Devant l’expérience
Le mariage est de retour
Autour de la corbeille
Les fruits de la Promesse
Trouvent les mains de la grâce
Pour que tenants et aboutissants
Se concertent
Et mènent à la fusion consommée
De notre véritable nature
D’éclore et de s’épanouir.

La Rencontre nourrit
Les gerbes liées 
Se courbent sous l’épi lourd
D’une fin de moisson
Qui a beaucoup donnée.

Font silence
Devant le nécessaire dédoublement
De notre puissance
Révélée au distillat du cœur
D’avec la contemplation de la nature.

La coupe se propose
À recevoir l’anneau des noces
Narines élargies
Au passage du train des anges
Empilant volutes de fumée
À gorges déployées
Beauté reconsidérée en ultime instance
Tels petits cris de souris
Marquant l’harmonie médiatrice
Des âmes harnachées pour la mission
Âmes prêtes à l’irrigation de l’instant
Par la conscience de l’absolu.

1441 


Le merveilleux Mystère

Toi qui a perdu ta route
Toi qu’un heureux abandon
Fait taire les attachements
Sois le nom nouveau
Du sommet de la montagne.

Rôde et fait effort
Pour colmater les sentes pierreuses
Prêtes à la divagation
Sois la clameur et te fait pousser des ailes
Dans l’immaculée de la Promesse.

Reste silencieux
Alors que se transmet la postérité
Résiste
Aux gelées et sécheresses
Pour que vienne le soleil de sapience.

Garde l’œil
Sur l’aigle des hauteurs
Cet être au cœur altier
Qui de la forêt claire à la lune bien ronde
Propose l’ouverture.

Le ciel brasse les nues
Chargé des ballerines de la grâce insondable
Il envoie sa puissante fantaisie
Cette nature fondamentale
Tendre nonchalamment la corde de son arc.

Là-haut
S’amuser ou nous punir
N’a pas court
Pour que subsiste hors basculement
Le prône digeste du merveilleux Mystère.

1440

Marie de Limagne

Je vous le jure
Elle s’appelle Marie
Danse par tous les temps
Se met en quatre à la moindre ondée
Pour aciduler de sa cape
Le granuleux esprit des mangeurs de brumes.

Amour compassion équanimité
Sa grande renommée emplit les horizons
De la poésie à la métaphysique
Nous pouvons convoler
Sur terre et dans le ciel
Joyeusement la tête couronnée.

Son Fruit est le Maître
Le Paraclet sitôt venu
Le souffre-douleurs des paparazzis
L’épingle d’or sur le coutil
À montrer le chemin du retour
Pour enfin discerner le réel.

Au long de la Limagne
Elle s’est nourri de baies et de fruits sauvages
La nuit au clair de lune
Elle s’est assise sur la chaire
Recevant la parole vernaculaire
De l’Éveil primordial elle s’est réjouie.

Inclinant la tête
Elle dort contre l’arbre
Le cœur emplit de claire lumière
À venir comme il fût dit
En vraie voyante
Nous enseignant l’impensable relation.

Et tout se tait
Le passé le présent le futur se sont joints
Indolente et plaisante
Elle a rêvé de la Source
Le sein offert aux bulles d’eau
Ses grandes ailes ouvertes.

1439

Le piquet mauve

Ai cru de toi
La montée sans parole
Des petites cellules égarées
Ni de soie ni de satin
Pour le culte en été.

Sagesse involutive
De l’âme s’échappant en fumées
Avec le temps qui passe
Et délivre profondes entailles
Dans l’ombre du chemin.

Assis contre le tertre
À caresser les herbes sèches
Pur éveil à l’infini
Ai déposé vin et fruits sur mon lit mortuaire
Livré aux nues autant qu’aux vers de terre.

Je me promenais là-haut
Sur les sommets
Et mon regard à l’horizon
Jusqu’à l’abîme
Y choyer l’impermanence des choses.

Je ne peux que dompter les piquets de clôture
Devenus spectres
Bien qu’il me soit interdit 
D’avoir des amis
Moi le promeneur solitaire.

Mauve offrande
Au bleu immaculé
La marche fût interminable
Épuisante même
Alors que la cime promise était déjà en vue.

1438

La Belle Ouverture

De la Belle Ouverture
Écartée des dix doigts
Entre la douceur des joues
Et les larmes de joie
L’à-plomb de qui aime
Passe passe passera.

La brume murmure
Casse-noisettes du blanc sommital
À effrayer le lièvre de mars
Parfaite soumission
Amenuisant le fondant de la neige
Par-dessus la dent du chat.

Palmée
Ourdie des mille traits de l’esprit
S’ouvre la vie
Où lire était le seul plaisir
Bien avant les rougeurs de l’aube
Où survivre tel poisson dans l’ornière.

Aïe !
L’initiative reine
À la dégaine furtive
Renâclant en bord d’abîme
À évaluer l’épaisseur de la paille
Pour âne au repos.

Livrant tunique
En sa générosité
La nuit détale
Hautes bannières au vent 
Pour entendre rire 
Le lagopède des lieux.

S’asseoir
Ouvrir le sac
Festoyer de vin et de sifflard
Grappiller quelques myrtilles
Le menton entre les mains
Attendre que ça passe.

1437