Tanang post ni Gael Gerard

Je vois des chose si belles

Je vois des choses si belles
Et si familières
Que l’acide des pensées
Ne pourrait recouvrir
D’un mouchoir blanc sur le quai d’une gare.

Heureux moment
Que celui de se réjouir
D’un sous-bois à la tombée du jour
Mains devant les yeux
Un trait de lumière entre les doigts.

À même l’agitation du merisier
Les fleurs répertoriées
Vibreront d’une danse éternelle
Prêtes à me trancher la gorge
Pour me ressusciter.

Je suis inrévélé
Bulle de verre traversant la clairière
Au passage des marcassins
Suivant de près la laie
Auréolée d’un peu d’or sertie de suint.

Virons de bord
Accrochons le ciré à la patère
Petite flamme montant à l’étage
Poussant la porte palière
Au ciel ouvert de l’écriture silencieuse.

Souple saint Hubert
Le cerf apparaîtrait
Sur le tapis brun de feuilles sèches
Encre violette dégoupillant le mot de grâce
Comme on rêve.


1598

Mes coups de soleil

Mes coups de soleil
En urgence émargeront
Le chemin couvert de ronces
À empaqueter la journée
Sans que paraissent
Les nuages encombrants
De mon cœur éprouvé.

Le ciel est somptueux
La caravane s’est arrêtée
Au bord du ruisseau
Les bêtes plongent le museau dans l’onde claire
Naseaux frémissants
À partager avec les araignées d’eau
La fatigue de la journée.

À même l’horizon
Les fantômes circassiens ont monté la toile
Jusqu’à l’extinction des feux
Et nous luttons pour de bon
Dans l’enclave des habitudes
Pour rendre le paysage
Digne du crépuscule.

Par les drailles
Rôde l’odeur du sanglier
Et me poursuit la pluie
Par-dessus le cri de l’orfraie
Mains serrant le col du manteau
Tout contre la gorge
Un coup de froid est si vite arrivé.

Là l’homme m’attendait
Dans le combi aux rideaux tirés
Il faisait nuit noire
Et l’odeur de ma peau
Chargée du suint des bêtes
Énumérait les moments de la journée
Comme petits cailloux en gage de légitimité.

À minuit étoilé
Le silence sera
Et j’ouvrirai grand les yeux
Une dernière fois
Sans me soucier de la suite à donner
Puisque ma main glissant sur la paroi rocheuse
Je chuterai hors de l'alcôve.


1597

Au soleil des cimes

Au soleil des cimes
Pendant que déboule
L’ombre des sapins
Je convoque la vie
Je garde le troupeau
Je fais des petits ronds dans l’eau
À saute-ruisseau.

Tranquilou
Je dégage le sac de dessous le bras
L’ouvre
Saisis le sandwich
Dans son papier gras
Réajuste la tranche de pain
Et croque à pleines dents les picots de la croute.

Pressurer la grosseur
Entre les traits de la mamelle
Faire suinter le pus
Entre pouce et index
Jusqu’à ce que le sang paraisse
Puis inciter le chien à lécher la plaie
Avant d’écarter la bête d’une tape.

Je dessine dans la terre grasse
Quelques signes avec le bâton
Que je saupoudre de sauge
Je calfeutre de mousse un trou du mur
Je gratte la suie du dessus de la pierre avant de m’assoir
J’écoute le cri du milan
Qui passe et repasse.

Je consigne au vent
D’éviter le genévrier
Un reste de flamme danse sur le tas de cendres
Je m’adosse à la paroi
Rajuste la casquette
Reboutonne la veste de cuir
La légende des cœurs perdus peut aller se faire voir.

Tout murmure m’amuse
Telle friandise dans le pot de verre chez l’épicier
Alors que claque de la langue
La Riquette en son écuelle
La ramure du frêne
S’en vient frotter sur la vitre
Les chiures de mouches.


1596

Tu te retournes

Tu te retournes
Et ne vois rien
Hormis cette lumière
Présence claire
D’appartenir au monde vrai.

La dernière feuille tombe
Dans le square des pompiers
Un enfant appelle sa mère
Son prénom, Coco bel-œil
Sinon peut-être rien.

Que vienne le couchant
Sans oublier la prison moite
L’inapaisable effarement
De la pointe du couteau
Dans le long chant de la révolte.

Rejoindre l’enveloppe pulvérulente
D’une photo enveloppée
Entre le rire et le dire
Memorya
Et quelques mots flamboyants.

Nga mahimong, règne la chenille
Sur la branche noire
Invisible
Entre les échos figés
D’un silence compatissant.

L’horizon tranche de saumon
Se prête au massacre des enfants d’Yzieux
Premières étoiles montantes
Faisant fuir nuages et oiseaux
Au passage de l'ombre maculée.


1595


Elles marchent

Elles marchent
Ouvrage inaugural
D’une démarche immémoriale.

Demain c’est la fête
Après l’école le réconfort
Auquel l’air froid cède le pas.

Corps en gloire
Bravant l’asphalte
En deçà, au-delà.

Appel persistant
De l’oreille droite à l’oreille gauche
La vie afflue.

Semelle de vent
Âmes retrouvées, âmes errantes
La vaste rythmique du monde.

Sommes-là
Les parturients de l’esprit
À cisailler d'anonymes brumes.


1594


Toi qui entends

Toi qui entends
Toi qui vois
Tu te retournes
Dans la lumière
Poignante ouverture
Hors des portes du temps
Sinon peut-être.

Lancée sur le frêle esquif
Hors le lancinant effarement
De toute beauté
Appelée jusqu’à l’oubli
Il eût fallu se muer en chant d’été
Sinon Être
Rayons d’abeilles.

Ferrures signées et résignées
À voix basse
Refaire le chemin parcouru
Entre le cri des oiseaux
Les cris de douleur
Et de plaisir
Qui tant se ressemblent.

1593

Bruissante assemblée

Bruissante assemblée
Extraite du coquillage
Il fût aise
Au sortir de l’église
Par le geste du chambellan
De se posturer
Dans la splendeur d’une après-midi ensoleillée.

Promesse du vol de l’aigle
Le souffle des origines
Pouvait par l’œilleton du porche
Dégager le crève-cœur
Des âmes en partance
Âme-sœurs évaluées
Au pesant de l’insouciance.

Plissement des yeux
Éclat des sourires
Les pingouins de l’Antarctique
Jasant sur la dalle dégagée des glaces
Comme pétales sous un vent de printemps
S’étaient emparés du sceptre des accoutumances
Sans que grâce ne pâtisse.

1592

Finalement de rester coi

Finalement 
De rester coi
Devant Grand-Chat
Permit au temple des saisons
De faire passer
Brume anonyme d’une ultime gloire
Cette chaise en bois
Pour le réceptacle des choses à venir.

À parader
De gestes et paroles mêlés
Bésicles sur le nez
Offre à l’écriture
D’héler en bord de chemin
La paille et le grain
Pour chasser les brigandes émotions
Du matin des magiciens.

Mille fleurs alentour
Dans le giron d’une personne aimée
Avons barguigné
Jusqu’à tard le soir
Pour un morceau de lard gras
Sur la tartine épaisse
Sortie moelleuse et croustillante
Du tiroir aux miettes tapissé.

1591

Santé !

Tâches jaunes sur les marches du chœur
Je pris garde de tenir le lys bien droit
Et bien me prit de laisser choir quelques larmes
Au sortir des aurores boréales
Qu’un ciel de traîne avait garni de sang bleu.

Étrange demeure
Irradiée par le bris des vitres
À la renverse
Catapulte asservie
Sur ordre démoniaque des corbeaux de la nef.

Chut ! Dis-moi ton secret
Servons nous du souvenir des anciens
Soyons le charbon rougi irradiant le tintamarre du laminoir
Pour passage des truites bleues
Connaître la lumière de nos yeux.

Sirène hurlante en fin de journée
Le silence envahit l’île aux oiseaux
Île à ne jamais piétiner
Pour ne pas écraser les œufs
Que la houle régale d’un onguent salé.

Dans la prairie des salicornes
Le corps d’une blancheur sépulcrale
Évacuait le secret des fillettes
Par les meurtrières du donjon
Passeport pour l’invisible.

Le printemps pouvait concasser le grésil
D’une main la terre ourlait les lèvres de l’estuaire
De l’autre main le ciel filtrait un dernier regard
Avant que l’église disparaisse sous les eaux
Par un clou planté au pinacle de la raison.

Punto sa kaguliyang
Au corps à corps des inclinaisons
De délicieux jeunes gens frôlèrent la correctionnelle
D’être un mètre plus haut
Que tout un chacun l’ombre de l’objet.

Détachez vite le Christ de sa négritude
Au Golgotha des habitudes
Les poches pleines du miel des altitudes
Serviront de flambeaux
Devant l’averse inattendue des contre-vérités.

Entassement
À corps et à cris
Des béni-oui-oui de la gloquitude
Qu’une guerre insensée fit remplir de charniers
Avant les charmes de l’Annonciation.

Voiles gonflées au vent folâtre
Ils traversèrent la mer
Trompettes en tête
Mesurant au pas de l’oie
L’ordinaire de l’esprit planté là.

En toute civilité malheur est bon
À bout d’oreille la belle connaîtra joie souveraine
Sur le pas de porte d’un seuil
Plus grand encore que les compassions accumulées
Par le beau couvert des estafilades de la malitude.

Entendons
L’âme veiller sous l’arche d’un fin écho des rues
Brume déchirée
Par les aiguilles de pin de la solitude
Flaque d’eau répandue à même l’ordre nouveau.

(Œuvre de Jean-Claude Guerrero)

1590

Les trois sœurs

Quand je lisais « la manu »  d’avant-guerre
Il y avait des bicyclettes, des fusils
Des instruments de cuisine, des articles de jardin
Et même des vêtements dessinés en taille douce
Sur les feuilles racornies et jaunies.

Au loin les monts du Cantal
Par-dessus les frênes du Pradou
De l’autre côté du jardin
La fontaine aux belles dalles
Et ce pré de descente en vélo vers l’abreuvoir.

Il y avait là, les trois sœurs
Devant la clide près de la gargote
À parader sur les biclous sortis de l’écurie
Fernando, Jeanne et Renée
Drivées par Gérard, Claude et Georges.

La route n’était pas encore goudronnée
Les flaques d’eau laissaient libre court à la patauge
Le tertre était raide
Une alouette parfois tirlipotait
Dans la ruine des Matillou.

Les poules gloussaient librement dans la cour
Leurs crottes collantes nécessitaient
De frotter les chaussures sur les pierres de l’entrée
Augurant quelques remarques parentales
Quand les rires débordaient la vigilance.

Vaisselle faite sous l’ampoule unique de la salle
Il fallait jeter l’eau souillée
Le plus loin possible sans se mouiller les pieds
D’un geste ample de semeur
Faisant se courber orties et framboisiers.


1589