Mga Arsip sa Kategorya: May 2013

au gré des ormes

 Ce carrelage fait d'hexagones rougis .
Cette allée d'arbres bruissante d'un printemps pluvieux .
L'escalier à la rambarde de fer forgé .
Ce jour par dessous la porte de la chambre qui laisse monter les éclats de voix provenant de la salle du restaurant .
Ces fenêtres avec leurs ferrures à l'ancienne .
Ce volet de bois mal fixé qui bat contre le mur quant une rafale de vent se lève .
Telle l'armoire avec sa vitre miroir d'un temps entreposé .

Adto didto
à l'ombre des choses en place
assis dans le fauteuil défoncé
des entrelacs d'idées mal négociées enturbannant mes pensées
souvenirs psalmodiés par une petite voix intérieure
je pris mes cliques et mes claques
boîte à images et carnet de moleskine
pour aller péleriner aux effluves d'antan .

Froidure et pluie métamorphosaient le sombre de l'air en plein après-midi
discret passage à cet état d'écoute permettant d'être dispos
pierre sur laquelle bâtir la cité des frères
Jérusalem céleste sans ses anges rendus visibles
Jérusalem juste existante pour accueillir le marcheur d'âmes
en quête d'un détour probable vers l'état prémonitoire des repentances
en quête de souffle et de lumière sur lesquels chevaucher
chercheur rendu à sa besogne
l'arceau d'un jeu de croquets alors obsolète
devant la maillet de la vacuité
le fomentateur des rencontres désirées
celles que la disponibilité sans attente permet de faire éclore
même au déplié des heures creuses
alors que monte d'entre les frênes et les ormes le chant froissé de pluie et de couleurs mêlées
au jardin lumineux et parfumé
phrasé de pleurs en printemps
à la confluence des charges sonores
d'une eau rageuse raclant de galets invisibles
les marmites de géants .


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Burzet

 De l'eau
de l'eau à foison
assignée au feulement incessant d'un chuchotis animal
froissement d'une voix contre la paroi de basalte
gouttelettes de perles au diapason d'un son guttural
claquement des mains velues contre le roc ensanglanté.

S'élève la monocorde allégeance
le faisceau continu
la plainte stratifiée des écobuages de la cité .

S'exprime l'alphabet en ses dissonances
ces frères dont la pratique artisane
fut emportée par la burle
vers la vallée des permissivités .

Seul le son d'une cloche
par dessus le courant d'eau
manœuvre à l'appel
les hommes de la magnanerie
alors qu'il fait encore noir
par ce matin d'hiver à traverser ce pont de bois
les sabots frappant de leurs ferrures le seuil de l'atelier .

Heureux événement
que l'arrivage des ballots de soie
hérissés de mille fils irisés
hors la grossière toile de jute
à l'arrêt comme hésitante
d'entrer dans la goule
où le mâche-menu des ferrailles associé au crissement des éraflures
gargouillent du lissage des textiles fins .
Maraude instantanée
du garçon derrière le bâtiment
ramassant vivement la musette pleine
posée sur le banc poisseux du vestiaire
le temps d'un saut dans l'ombre
hors du ravin des attendus
pour se retrouver ivre libre
ang pinitik nga kasingkasing
sur la sente caillouteuse
hors la promiscuité du bas
et haut les cœurs
apporter en la chaumière sans feu
les noires stries
d'un à-jour imprimé
sur le pourtour de son visage
de châtaignes et d'oignons
oings .

Message hors âge
des floricoles levées d'esprit
des génuflexions lasses
sur le chemin des trois croix
entre le Golgotha et la finitude de Marie .

Les femmes saintes seules admises
à retenir par le bras
les mâles de passage
para pahiyom
ameutés
disparaître dans le taillis
à la recherche de l'argousier
qu'ils feront suinter
sur la pierre des fièvres
histoire de se mettre en marche
sans compte à rebours
sur le chemin coquillard .

Les femmes saintes seules admises
en progression lente
vers l'amour et la compassion
chargées des brassées de genêts dorés
à la mesure des hautes portes des granges
enfouissant sous leurs amples jupes
les crânes des trépassés
les reins ceints d'une étoffe
si rouge
que le soleil levant
de par son disque iridescent
évoque le saint chrême de l'onction du mercredi saint
celui des faiseurs de jours
pour peu que la mise soit permise
sur le suin safrané
de la jument grise de maître Cornille
ébranlé de plaisir
à la vue de cette farine si blanche
que le puissant déplacement de la meule
pierre contre pierre
fait s'envoler
au gré des trilles du merle
sa kaadlawon
d'un matin de mai .


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mon amie

De t’avoir rencontrée me remplit de joie, toi, différente de moi et pourtant si proche .

Tu m’accompagnes et me calmes lorsque le temps est à l’orage, que de noires pensées montent de mes gouffres amers et que mes réparties sont excessives .

Tes fermes colères que l’on pourrait croire feintes me sont le remu-méninges vibrant et salvateur lorsqu’atteinte par un assoupissement de l’attention et de l’âme je balbutie de vagues réponses devant le risque de la nouveauté .

Je t’aime, sans l’ombre d’un doute, que même notre arrivée conjointe sur une autre planète ne pourrait nous dispenser d’exprimer notre folle envie en miroir de chercher et de comprendre à tous propos ce qu’est la vie .

Je t’admire au-delà de toute considération restrictive, d’une admiration dispose et large, que même l’envol tardif d’un perdrix devant nos pas ne saurait nous distraire .

Et pourtant Dieu sait que j’aime les perdrix rouges qui de leur vol lourd et plat pourraient réveiller dans un sursaut salvateur le dormeur du val que j’ai si souvent tendance à être .

Devant notre énergie d’hommes debouts chargés des possibilités de réalisation à venir, la terre, notre champ d’activité, est si vaste, puissante et fragile à la fois, sensible, amoureuse et réceptive, qu’il nous arrive même d’entendre le murmure du commencement des commencements .

Ta parole tournée vers l’éternelle urgence à énoncer l’essence des choses me permet de poursuivre mon chemin, délié de toutes entraves, vers le clair ensemencement de mes jardins les plus profonds .

Tu m’accueilles avec tant de générosité, de promptitude et de justesse que je n’ai même pas le temps de te remercier. Dès que je te vois, je suis à l’affût pour te consommer avec ma tête et mon coeur, et dès que je me consume, dès ce que tu m’offres pénètre en moi, alors tu disparaîs, alors je fonds .

Tu es mère, grande soeur, ange et félibrige de mon coeur pour qui l’émoi que je ressens à ton égard est de suite transformé en “sens” clair et profond au service de mon engagement de fidélité à ton enseignement. Toi, ma flèche lumineuse .

Et puis je t’ai librement choisie comme étant mon amie alors qu’on ne choisit pas sa famille .

Et je serais toujours l’arc pour bander tes pensées réitérées avec force tant il est impérieux pour toi que nous les prenions en compte. L’état du monde actuel en dépend .

Ton message passe. Ta parole est reine. La fluidité de ta vision m’épouse. Les traces que tu laisses derrière toi, je les recueille au plus fort de mes perceptions et de mes capacités mentales pour les intégrer le temps d’une communion venue .

Ton visage est inscrit au profond de mon âme et pour peu qu’un souffle vienne à passer, aussitôt je me lève pour reprendre ce chant mystérieux qu’au cours d’une de nos premières rencontres je murmurais et qui depuis toujours m’accompagne lorsque je croise ta route .

Ton regard signe les instances de ces lieux de paix et de convocation à la vigilance d’une attentive flamme de pertinence .

S’il arrive de nous perdre quelques temps et que je te retrouve, aucun préambule n’est de mise dans le premier regard que tu me portes. Tu es là, je suis là, corps, âme et esprit prêts à la tâche qui nous incombe, ce grand oeuvre tissé de chaleur humaine, d’intentions de bonté et d’exigences de compréhension quant à notre posture à tenir dans nos temps si troublés .

Et si tu partais en voyage, sache qu’ici ou ailleurs il y aura de la place pour tes disciples, pour mes frères et soeurs en toi, afin de perpétuer le feu d’entre les eaux et le crâne, et nous entretenir de ce qui reste encore à faire .

Et puisque la vie est quête et pélerinage continu, tu es le bourdon du pélerin, le précieux bâton qui me soutient et avec lequel je calligraphie dans la poussière du chemin les lettres sacrées de notre écriture universelle .

Je t’aime, mon amie .

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Juste un pas vers la sagesse

   Sagesse. Le motsagessevient du latinsapere”, d’où provient également le motsaveur”. La sagesse est l’art d’apprécier la saveur. Elle marque une attitude très concrète, très réelle, et assez éloignée d’une organisation conceptuelle élaborée. Il s’agit de trouver un art de vivre qui permette de goûter la saveur de la vie .

Comment ce concept de sagesse se relie à celui, plus occidental, saphilosophie ; car philosophie veut direamour de la sagesse”. Dans l’Antiquité les philosophes étaient des hommes dont on attendait qu’ils vivent selon leur philosophie qu’ils enseignaient. Philosopher impliquait une manière de vivre qui mette en harmonie la pensée et la vie .

Et puis au cours des derniers siècles, en Occident, la philosophie est devenue l’art de construire des systèmes de pensée, de les étayer, de les défendre et, dans desdisputationes”, des discussions, de prouver leur suprématie sur les autres. Dans la Chine classique, un des foyers de la sagesse du monde, celle-ci était conçue différemment ; ainsi l’on disait quele sage est sans idée, sans position, sans nécessité” .

Je pense qu’un sage est un être humain sans qualité particulière, sans idée déterminée à l’avance, sans position à défendre, parce qu’il veut rester ouvert sur la réalité, afin d’être frais et dispos à ce qui s’advient. C’est par cette posture que le sage peut le mieux refléter celui qui se confie à lui. La sagesse est donc à l’opposé de la crispation. Elle est proche de la sérénité .

Le sage necroitpas ; il a lafoi” .

Ang “croyance vient du latincredereet dans cette famille de mots on trouve notamment en françaiscrédulité”, c’est-à-dire une manière de donner son adhésion à des affirmations que l’on est pas capable de fonder rationnellement. Croire c’est adhérer à certaines affirmations .

Ang “foi vient du latinfideset dans la famille des mots issus de cette racine il y a en latinconfidere”, qui a donnéconfianceen français. Un homme de foi n’est pas avant tout un homme qui croit ceci ou cela, mais un homme habité de l’intérieur par la confiance. Avoir la foi, c’est avoir confiance dans la réalité ultime quelle qu’elle soit. Nous pouvons être habité par la confiance et la foi sans véritablement savoir quel est le fond du fond du réel .

Ne considérons pas lacroyancecomme une crédulité, mais comme étant d’un autre ordre niveau de conscience que lafoi .

Et sur ce chemin, nous sommes toujours en train de faire le premier pas. Quand nous faisons un pas, nous nous exposons à un déséquilibre. Nous acceptons un moment de perdre l’équilibre de l’immobilité jusqu’à retrouver un nouveau point d’équilibre, en remettant le pied par terre. Alors qu’il n’y a rien de plus rassurant que de rester immobile, avancer un pied devant l’autre, c’est prendre le risque de trébucher. C’est accepter le connu pour aller vers l’inconnu, Ug kini, sans savoir à l’avance si cela nous réserve joie et épreuve. A celui qui se lève et marche, s’ouvrira devant lui un vaste espace, parce qu’en fonction du cap qu’il se donneque ce soit la vérité, le réel ou la sagesse –  le “marcheur vrai ne peut qu’aller de commencement en commencement par des commencements qui n’ont pas de fin.

Ang “marcheur vraiest homme de ce monde. Il ne peut déroger à l’engagement qui au détour de son parcours de vie le convoquera à rentrer dans une histoire, à s’inscrire dans ce qui s’est fait ou pas encore fait avant lui et qu’il pressent qu’il faut faire. Il lui faudra prendre parti. Il lui faudra s’incarner pour contribuer à transformer le monde.

Ang “marcheur vraisemble aussi en dehors du monde. Il est en lui-même, pour lui-même, l’objet de sa réalisation par une voie intérieure. Il est en prise directe avec ce qui le dépasse et inexorablement avance vers l’innomable et l’innomé. Il donne et reçoit à mesure du temps qui passe et des rencontres qu’il fait sans prêter particulièrement attention aux conséquences de ses actes. Il estprésence sa unsa. Il est en confiance .

Ang “marcheur vraien quête de sa réalisation se doit de dépasser la contradiction entrel’engagement etl’intériorité afin de se situer aux portes du temple oùsagesse” et “kahibalo” sont à la fois différenciées et réunies. A ce point de son parcours, par un renversement de perspective animé par la foi, il peut dépasser le niveau de réalité au-delà duquel notre logique ne fonctionne plus. En effet, ce qui dans notre monde habituel semble inapproprié, peut apparaître au contraire en consonance, quand on change de registre, comme un nouveau niveau de réalité .

Il n’y a pas d’opposition entre la recherche de l’intériorité et l’engagement dans la vie du monde. L’un est presque la condition pour que l’autre ait une véritable efficacité. Celui qui resterait presque toujours enfermé sur lui-même dans une espèce de quête sans fond finirait par se dessécher sur pied car il manquera de l’alimentation de la relation avec tous les êtres qui l’entourent. Et celui qui s’engagerait dans la transformation du monde sans prendre le temps d’un retour vers son intériorité profonde, celui-là au bout d’un moment pourra s’éparpiller, s’émietter, se disperser, se chosifier .

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D’une relation l’autre

Il est admis que c’est seulement par l’expérience personnelle que nous pouvons accéder à un peu plus de connaissance .

Mettre dans un bocal tout le succédané des enseignements ne mène qu’à soumettre à l’épreuve de la saumure la pureté de la quête en ses préliminaires ; ça chauffe, ça brûle même, mais jamais ne parviendra à maturité ce chercheur des eaux obscures .

Tu n’attesteras pas de ton appartenance à quoi que ce soit, une joie illusoire pouvant se glisser entre ta parole et l’objet de ta recherche .

Sois vraiment toi. Au passage du gué, il y aura l’épreuve. Alors ne te raconte pas d’histoire. Et même, ayaw pagsulti bisan unsa. Garde le silence. Vois, et tu seras vu .

Si viens à passer le voyageur aux sept chameaux chargés de tapis, sa mga seda, de fourrures de parfums et de pierres précieuses, et que celui-ci veuille acheter tes vieilles chaussures toutes racornies, c’est que ces chaussures n’ont pas toujours été les tiennes et qu’un autre les portera .

Il te reste alors le chemin, et sois son obligé .

Ne sois plus la victime de ta croyance à être sur lebonchemin. Les grandes choses que nous puissions voir le seront par l’entremise des proches personnes qui t’entourent. Ta femme, ton homme, tes enfants, tes amis, tes voisins, te convoqueront à cesser d’être la victime de l’autre pour t’engager sur la voie de n’attendre rien .

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La simplicité

  Autant parler de moi .

Autant parler des pierres, des fleurs et puis des arbres .

Je leur ai parlé .

Je fais parti de cette confrérie des jardiniers de la création .

Je sais qu’il faut progresser les mains nues, oeuvrer dans l’instant, dans l’obéissance à ce qui est, être à l’écoute, et non pas s’affubler d’outils performants .

Et puis j’ai découvert que la nature parlait, et en l’écoutant, j’ai découvert le silence intérieur de la communion, de cette union de soi avec l’autre, que l’autre soit un minéral, un végétal, un être animal ou humain, ou bien une entité naturelle ou cosmique plus grande que soi .

Certes la nature ne parle pas français ou japonais, ni un langage symbolique, mais elle s’exprime parrésonance”. L’on se met en position d’attente sans attente, de prière, de contemplation et le cerisier vous raconte une histoire, et le frêne, une autre histoire, et le hêtre une autre histoire encore .

Avec les chrétiens, à Pâque, on touche le mystère de la mort : s’il n’y a pas de mort, il n’y a pas de résurrection. Si j’amène ma petite fille voir l’amande en train de pourrir, je ne lui dis pas : “Regarde l’amande en train de pourrir”, kadaghanan : “Regarde l’amandier en train de naître”. Pour l’amande, c’est certainement un moment terrible, mais cette amande donne la vie. C’est le lâcher-prise, l’abandon, la confiance .

Les arbres nous donnent à grandir .

Un jour en me promenant, je croisais un pommier, avec à son pied un petit pommier pas plus haut que trois pommes en train de pousser. Je levais les yeux et vis une pomme pourrie accrochée au pommier. Je compris alors qu’il existait deux morts. Cette pomme aimait tellement sa maman qu’elle n’a pas voulu couper le cordon ombilical et est resté accroché à la branche où elle a pourri sans donner la vie. Une autre pomme, siya, est tombée. Elle a pris le risque d’aller voir ailleurs et coupant le cordon ombilical est tombé à terre ; elle est morte, mais de cette mort est né un pommier .

La nature nous apprend qu’il y a des sauts, des morts, des émondages, des ruptures dans le rythme, une obéissance nécessaire à faire avec confiance afin de retrouver l’acte premier, l’acte créateur .

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