Le silence au théâtre

Le silence   
au théâtre   
d'une fin d'acte   
attriste la tombée du rideau.      
 
Goût d'irish coffee   
sente vermeille   
soufflant dans le buccin   
saute-menu par dessus l'orchestre.      
 
Les trèfles répandus   
piquetés de perce-neiges   
joie et saupoudrage   
Soir de Paris.      
 
Des arpèges plein les yeux   
de magnésie virevoltante   
sous le projecteur de poursuite   
mijotante apparition.      
 
Jupe ouverte   
sous le pandémonium des origines   
fixant par delà la poussière des cintres   
la fin de trêve.      
 
Mon frère   
en lune descendante   
rejoint la corne de Cerf   
par temps de regain sec.      
 
Lune rousse   
dans son étoupe duveteuse   
chevauche à l'envers   
le miroir aux attentes.      
 
 
1186

L’œuvre d’art

Toute activité suppose liberté  
de l'œuvre l'existence exaspère   
le trop plein de vitalité   
en marge de la surdité   
la relève assurée.      
 
Ça culmine en l'œuvre d'art   
cette prosopopée   
en rose et figuré   
l'émotion contrôlée   
d'un certain rythme d'un certain chant.      
 
A s'y perdre   
d'une culture d'origine inconnue   
la dernière s'appropriant le tout-venant   
pour figurer en haut de pile   
juste face à Baba Yaga.     
 
Être là   
en fin d'une histoire sans intérêt   
et n'avoir cure de la finitude   
en répétant à l'envie   
qu'il faut bien que tout le monde vive.      
 
Par soucis de l'autre   
avons parqué les vaches   
avant la dévalade   
nous les circum-touristes   
du barnum athlétique.       
 
Tout rebut à plénitude feinte   
suppose désir converti   
l'espace d'un moment   
d'avoir touché au désir   
sans porter ombrage à l'éternité.      
 
" C'est normal "   
qu'ils disaient à la sortie de l'usine   
d'aller en face boire un coup   
histoire de déchirer l'hébétude   
sans haine sans violence sans espérance.      
 
La tête est un miroir pour nos successeurs   
et qu'importent les invectives   
ce sera science nouvelle   
sur le terrain de la recherche   
comme neige au soleil.      
 
Marcher   
encore et encore   
est une fin parfaite   
mais en se méfiant des fanatiques   
bien plus que des belles âmes.      
 
( œuvre de Jean-Claude Guerrero )
 
1185

Le juge

Lui   
le juge des affaires courantes  
qui évalue   
plus qu'une opinion   
un fantasme.      
 
Je t'ai revu  sur le tard   
dans la Grand’rue   
me tendre la main   
un pas en arrière   
deux pas en avant.      
 
Pure forme de l'intuition   
tu accompagnais   
sous ton heaume   
courtoisement mais fermement   
le pourvoi en cassation.      
 
D'expérience   
je n'avais jamais vu ça   
éternellement apte que j'étais   
à tous les possibles    
qui vont et viennent.      
 
Nous nous sommes égarés   
juste un moment   
pour laisser le train des mines passer   
à la croisée des chemins   
un tien vaut mieux que deux tu l'auras.      
 
Aux lettres en veux-tu en voilà   
nous avons asservi les neurones   
Notes synallagmatiques   
d'une créativité du sensible   
naissant de l'invisible.      
 
Regarde ce Léviathan   
gigantesque remontrance   
arborant les symboles du pouvoir   
épée, couronne et crosse   
assignés à la résilience.      
 
Libido mon orient   
c'est le désir   
manifestation dynamique   
dans la vie psychique   
de la pulsion sexuelle.      
 
Des idées en deçà de la quincaillerie   
l'outre-passe tête vide   
rassemble encore d'avoir été   
les tressautements de l'âme   
vaille que vaille.      
 
 
1184

Avenir

Le mot existe   
"avenir"   
et ne pouvons résister   
pas plus qu'au passé   
de maugréer   
contre la contrainte.      
 
A briser la glace   
en abandon de la conscience universelle   
il suffirait d'avoir des yeux   
et de regarder au bon endroit   
cette catastrophe invisible et silencieuse   
qui à bas bruit fait ses petits.      
 
Traces humaines   
sur le mur des lamentations   
ont ôté toute implication   
à occuper sa place   
au risque d'aimer   
et de partager la libre nature.      
 
Sortir du sillon   
"délirer"   
pour attester de son bon droit   
de rester prisonnier de sa singularité   
au plus haut des sens   
le génie d'être fou.      
 
Victimes et coupables   
se sont organisés un point de rencontre   
où vivoter en délinquance juvénile   
alors que se paraît   
en délibération vraie   
le réel de l'époque.       
 
Une plaie béante   
et la douleur qui en résulte   
m'ont amputé de l'essentiel   
travail du deuil   
qu'ils disaient les affligés de la situation   
non contre l'amour mais pour aimer davantage.      
 
Le vivant   
lorsqu'il naît ou meurt   
exprime l'ordinaire   
à ne plus pouvoir pleurer   
mais vivre   
la béance de l'acceptation.      
 
Le vivant plaisant   
a fait de ses ridules   
la nuée du moment présent   
la création radicale   
en proie au tragique   
comme s'il fallait choisir.      
 
Ouverts aux diableries de l'instinct   
ils se sont étonnés d'avoir à être   
alors que par la déchirure   
passait le temps   
l'existant   
d'avoir à absorber l'éternité.      
 

1183

D’eau et d’argile l’homme s’époumone

D'eau et d'argile   
l'homme s'époumone   
pour se plaindre de sa fente labiale   
cette blessure   
par laquelle les monstres des abysses   
se plaisent à remonter.      
 
Altier et fragile   
tout à la fois fait et défait   
d'une maigreur ascétique   
il enfila la robe pourpre   
lui le grabataire   
pour se mouvoir vers le parvis.      
 
Se guérir je ne puis   
remontant à la source   
le coucher du soleil venant   
je glisserai comme soulier verni   
sur la planche inclinée   
à même les douves sombres.      
 
Se retourner se retrouver   
quérir d'une œillade   
le ralenti de sa démarche   
sans que le désir nous fasse défaillir   
en repensant aux doigts fins   
d'une silhouette aimée.      
 
Plein matin de maquillage extrême   
l'épreuve ne nous épargna pas   
nous les jolis cœurs nous les lisses de peau   
à conter par le menu   
les frasques chirurgicales   
élaborées autour du feu.      
 
Regarder la belle et le beau   
au jardin des délices   
amène   
révérence ultime   
le peuple à composer   
avec les hourras frénétiques.      
 
Et que coexistent   
l'ordre et le désordre   
la paix et la guerre   
la bienveillance et la colère   
la dame de nuit, Vénus   
appartenant au matin et au soir.      
 
Guigne de la volupté   
en s'imbriquant intimement   
ils visitent et subliment   
la matière sensuelle des corps   
devisant au champ sacré des brumes   
de l'art et du bien-être de jouir.      
 
S'accomplir, s'affirmer   
en parfaite volupté   
permet à nos tensions   
de se mouvoir   
de parer d'extase   
la frange rose du couchant.      
 
( drowing ni Jean-Claude Guerrero )
 
1182

Accordage

Ensemble   
nous avons croisé nos chemins    
et l'unique pince à linge   
n'y pouvait mais.      
 
Seul le Réel   
en la solennité de l'instant   
se révélait être l'accordage  
de l'éternité à l'éphémère.      
 
"Cœur de banquise   
j'aime mon fils unique"   
pour qui la vie nous honore   
d'être présent.      
 
Et demander votre accord   
en acceptant cette invitation à naître   
au carroyage des mots   
même pas achevés.   
 
La Grande Voie est ouverte   
au flot fluctuant de la marée   
pour que monte à la lumière du jour   
le reflet argenté des noyés.      
 
Attendre que lune vienne   
qui tantôt croît et décroît   
pour que soleil apparaisse   
qui ne croît ni ne décroît.      
 
Lever la tête   
en bienveillance   
pour mental éteint vivre l'infime   
qui ne refuse rien et ne prend rien.      
 
Même loin   
le ressenti de cette rencontre   
permet que se grave en nous   
le nouveau regard sur nous-même.      
 
Capter l'énergie   
la mettre à l'intérieur du ventre   
et la faire remonter   
jusqu'à la pointe des doigts.      
 
Laisser s'écouler la trame du vide   
promeut l'accordage à l'Univers   
en supprimant l'esprit d'attaque   
unique objet du ressentiment.      
 
La source toujours là   
rencontre la nef de la création   
pour que les yeux ouverts   
contempler le sourire vibrant de l'existant.      
 
1181
 

Sept mouettes

Elles étaient sept au couchant  
les mouettes   
bien avant que le paradis existe 
à remonter vers le nord.      
 
Sept fonctions   
appelées aussi les sept mémoires    
perpétuant l'entrée au jardin d'Eden   
lieu de toutes les origines.      
 
Il y a d'abord la fonction douce   
en majesté   
en relation avec la nature   
la tradition féminine.      
 
En s'éloignant du chemin   
il y a la fonction des épreuves   
désert où se rencontrer soi-même   
au risque de déjouer.      
 
Puis il y a les passions   
ces outils qui sont la chair de la conscience   
avec la plaie de l'amour de soi   
mirage à décoder pour ne pas se perdre.      
 
Il y a le centre   
terrain arable   
où naissent les pensées   
Terre ô ma mère.      
 
Il y a le cheval des émotions   
à chevaucher serré   
pour ne pas mettre le feu   
aux grandes herbes de la prairie.      
 
La voie du cœur est à ouvrir   
celle dont on parle peu   
car en bout de chemin   
elle est la grande résolution du mystère.      
 
La joie sans objet   
sera du vol   
la partie terminale   
passage vers la présence de l'Autre.      
 
1180

Chatteries

Histoire d’Auvergne

Histoire osée

Histoire d’oser

Histoire dosée.

L’image

L’image n’est pas là

Pour donner sens à l’ensemble

Pour illustrer

Pour teinter le texte, lui donner des couleurs

Pour tintinnabuler,

Pour secouer le texte et en extraire les impuretés et les beautés.

L’image est autre que le texte et elle rencontre le texte

Un en-soi rencontre un autre en-soi.

Deux univers se font face

Se glissententre ces deux mondes

La quête d’une Réponse à donner

Et si naissent les comparaisons, les rapprochements, les connivences, c’est le clic-clac de l’imaginaire qui s’ouvre.

Le texte

Un météorite qui tomberait devant soi, sa iyang kaugalingon, par surprise

Un fait

Une impasse

C’est le comparse qui apparaît

L’autre Moi venu d’ailleurs

Goulu d’ail à pointes d’herbes

Bien sûr que c’est moi qui ait écrit ça

Et pourtant il me semble qu’il y ait bien plus que du moi dans ces vers, ce vertige, cette verrine aux effluves épicées.

Que sont ces débris?

Chaque syllabe, chaque mot, phrase, sonorité, silence est rattaché à une parcelle de vécu

Tout élément peut être daté, répertorié sur la ligne de vie

Chaque carte participe du château de cartes convoqué pour une altière construction

L’objet château-de-cartes se mue en sujet pour devenir sœur-Anne-la-multiple qui de la plus haute tour perçoit dans le lointain le nuage qui poudroie.

Le vent qui monte, alors, enfle et souffle le château

Sur la plaine aux alentours les cartes éparpillées prennent la couleur du temps.

Il reste alors à ramasser ces vestiges blanchis, les humer, nganli sila, les rassembler, les grouper selon le codage du moment pour constituer un puzzle et conter par le menu les histoires qui émergent, suggérées, révélées par ce qui est làétalé devant soi, sa iyang kaugalingon.

L’élan du cœur, de l’esprit et de l’âme fait le reste pour s’engager dans une active production fait du bric à brac du passé, de l’inconscient, de l’émotion, mga mithi, de la réflexion et de l’habilité syntaxique du moment oùl’Eternel -Retourrassure et justifie notre disposition à nous transformer par le grand retournement.

« Crottes de bique

de mon désir

en souliers vernis

la varlope rit

au parti pris

de c’que tu dis. »

Le premier agencement fait, il est temps de se mettre à distance, pour comprendre, prendre avec, en orientant le « regard absolu » vers l’au-delà où je suis.

Entrons par la porte dérobée dans le mystère fait de recensions où lâcher les chevaux de l’imaginaire/imaginal sur le foirail des libertés.

L’image et le texte réunis deviennent la table de fête servie entre moi et l’Autre, le lecteur, le passeur, le pasteur parti faire paître la troupe ailleurs, là où l’herbe fraîche et drue transfigure l’affamé en un réceptacle de l’écho ressenti au plus profond de soi ce qui masque et démasque le chemin à parcourir.

L’Appel est lancé.

Les montagnes s’écrouleront, la bise glaciale ravagera végétaux, animaux et humains, les planètes s’entrechoqueront, les étoiles s’embraseront pour se rejoindre.

Nous ne serons plus, nous serons RIEN, et l’esprit stellaire sera TOUT jusqu’au coup de gueule d’un hasard de circonstance convoquant le monde nouveau à faire formes et figures sur fond d’Univers.

Loin, très loin, nous serons le groin du Rien à farfouiller dans les défesures, à la merci de celui qui nous exhumant, fera surgir l’homme de lumière d’or aux lignes rouges et noires.

1179

Encadrement

Chaude la main
Au carénage SNCF
De la table disposée.

J’y vas t’y, j’y vas t’y pas
Bien plus tard on m’apprit
Qu’en place de Grève le Christ était né.

Maîtrise du mot
Maîtrise de la main
L’agneau mystique gambadait.

Répondre 
à cette histoire commencée depuis longtemps
réveillons notre mémoire profonde.

A rester sourd et aveugle
Calme notre intransigeance
A être discret.

L’ombre
Il y a toujours l’ombre quelque part
Même engloutie dans la lumière.

Figure imparfaite
Dans le glacier aux mâchoires bleues
Neuf pétales à l’éternelle consistance :
          La parole devient muette, le silence parle
          De longues dents prélèvent une tranche de chair
          N'ayez que le strict nécessaire à l’entretien de la vie
          La conscience repousse l’ombre
          Tiraillé entre le haut et le bas, le salut
           Capter son âme, la guider afin d’épanouir ses dons
           Dans le charivari ne pas emprunter le pas du nouveau guide
           Chaque année l’arbre s’élève un peu plus vers le ciel
           Être capable de suivre la piste vers l’Invisible.

Quelques mots sur la pierre du sarcophage
« Consomme, digère et apprête toi 
A faire disparaître la trace de ce qui a été . »

1178

Le cheval rouge

Langue de feu
Morsure
Terrible impression
De ne pouvoir s’extraire
A l’heure venue

Tout le monde était là
Les affaires avaient été distribuées
Restait à genoux
L'ombre d’avoir vécu
Le basilic du renouveau.

Se rafraîchir se reposer
A l'entrée de la grotte
Augurait le déferlement des idées noires 
Mes sœurs de l’oubli
Promptes à l’évaluation.

Deux arbres de la même souche
De la joie à la paix 
Les deux branches de coudrier
Marquaient au fer rouge
La perméabilité de l’entre-deux.

En profondeur
Le cœur sailli de choix contradictoires
Il a rejoint le campement
Malgré l’embrouillaminis
D'une végétation première.

Les fruits de l’expérience
Ont consumé la  dernière sauge
Avant de poser la question
« Pour vous, qui suis-je ? »
Et de fuir sans livrer combat.

Former attelage
Sous la pluie grasse de l’orage
N’a rien d’attrayant
Si ce n’est leçon apprise
Aller en vie recueillir le Silence.

Il m’a montré ses images
Dans l’ombre de la forêt
Et la fleur a jailli
Mauve et secrète
Embaumer l’intime de l’abîme.

A point nommé
Du côté où l’on se trouve
Contrainte et Peur ferraillent une dernière fois
De chevaucher le cheval rouge
Est l’ultime cri.

1177