Ĉiuj afiŝoj de Gael GERARD

Ĉirkaŭ

 ovoŝeloj
 pli-malpli fleksebla
 lasu la tajdon fali
 pordo al pordo
 rigardantaj okuloj .

 En la lago de koloroj
 la mirliton de aferoj diris
 paŝtas per forko
 la enhavita ordo de la rompo de la spirito  .

 Estas vesperoj
 pli helaj ol aliaj
 kie la infano esperas
 ne trairu tion denove  .

 La spiro de antikvaj bestoj ,
 tiuj antaŭkambriaj maraj reptilioj ,
 kiam cerboj estis malpezaj plumoj ,
 longe antaŭ ol viroj estis ,
 sed tiu suno kaj luno kunvenis
 por iuj komparnormoj deponita
 antaŭ la fino de la rakonto  .


 212 

tu es seul, tu es nu

   Kaj tiel estas ,
 car cela n'a pas été facile
 d'oublier les guenilles
 de l'enfant construit dans l'obéissance
 et de l'adulte formaté
 sommé de fléchir le col
 devant le joug des savoir-faires sociaux .

 Tu as vécu
 tu as parcouru le monde
 tu as éprouvé la souffrance
 et muté
 sans toujours naître à toi-même  .

 Le mimétisme qui t'a fait survivre
 n'est qu'un cache-misère
 devant l'épreuve ultime ,
 n'est qu'un cache-sexe
 devant la pulsion à perpétuer l'espèce ,
 n'est qu'un cache-cœur
 par le forçage des sentiments à évacuer le malheur ,
 n'est qu'un cache-nez
 pour n'avoir pu respirer les effluves d'un nouvel-âge   
 n'est qu'un rince-doigts 
 pour n'avoir pu manipuler la connaissance ,
 n'est qu'un croche-pied
 pour tes envies d'espaces inassouvies ,
 n'est qu'un cloche-pied
 pour avoir fait des choix
 sans soutenir plus avant le paradoxe créatif
 marche imposée
 aurore vers la transdisciplinarité  .

 Tu es figé
 tu es fossilisé
 et le vent du désert
 au crible de ses particules
 fait disparaître les protections charnelles
 squelette vibrant
 livrer au grand vide  
 le chant premier des origines  .

 Il est des cadavres desséchés
 aux graphismes mystérieux
 que l'aventurier rencontre
 et croque sur le carnet de voyage ,
  menues tâches d'encres 
 traits aigus et blanchis
 d'entre les traces
 d'un temps ailleurs
 d'une conscience autre .

 Il est des parenthèses
 de mise en scène
 de rodomontades
 de mise sous tutelle
 où ne plus s'appartenir
 objet de convenances
 alors qu'il y a tant à faire
 ni  
 les sujets du royaume 
 en conquête de notre humanité  .

 Juste un geste
 juste une chanson pour embrasser l'univers
 pour signes de Vie
 unir l'eau et le feu
 sous l'arche des solitudes  .

 Être en étincelle d'être
 le frisson des morsures
 sans que l'esprit ne se relâche ,
 esti
 hors du chaos
 l'émerveillement
 nous les rousses fourmis livrées
 au précipité de nos occupations quotidiennes ,
 être impérativement responsable  .

 Puis avant que le sabot
 ne lève la poussière d'une sente blanche
 savoir couper court aux illusions ,
 être enjoué
 des souvenances passagères
 juste ce qu'il faut ,
 être en haleine
 à perdre le souffle
 et que vienne
 en notre attente
 la lumière du fond des âges
 au précipité des chose sues
 sans abris
 le regard levé
 la verticalité assumé
 le sourire aux lèvres
 gratifiant d'une entière acception
 Ĉi tiuj aferoj
 ces éclats
 ces brumes
 que nul enchanteur de pacotille ne peut déceler  .
 Reste à la mer de caresser la grève
 sous un ciel de traîne ,
 à contempler une fois encore
 notre chance d'être du mystère  
 pour que cela soit ,
 de faire 
 de défaire
 au fil à fil du chemin vert
 la bobine de bois ,
 dentelée
 élastique torsadé
 morceau de savon sec
 allumette désouffrée ,
 avancer sur le parquet disjoint
 aux épingles couturières abandonnées
 à la commissure d'un sourire igné .

 Ce qui est là ,
 cet inattendu ,
 d'une façon très intense ,
 c'est la vie avant la mort ,
 la nôtre
 celle qui me porte ,
 m'imprègne et m'anime  .

 Cette vie là ,
 l'éternité  .


 211 

Mise en portée singulière

 En haut du mur
 Cimaise de schiste chaud
 Éclat du visage aux yeux doux
 à la barbe blanche
 que la voix fait vibrer  .

 Écaille de vie
 tombée du reptile premier
 que le vent écarte de la sente
 aux bogues pirates  .

 Corne de brume
 lors du souffle de la bête
 remontant la vallée .

 Échancrure estampillée
 du nombre d'Avogadro
 dont la veste ouverte laisse entrevoir
 le cœur ceint de myrrhe  .

 Vol souple
 des anges par dessus
 le châtaignier et le chêne vert
 piliers de ma maison  .

 Pensée verticalisée
 hors la vague primesautière
 des effluves rugueuses
 d'empreintes échangées .

 Simplement soi
 en qui l'autre
 épargne la tradition  .

 Sagacité
 au risque d'être
 juste ce retournement
 à l'orée du jour commençant .


 210 

Toutes celles et ceux qui s’avancent

 Ĉiuj tiuj   
kiuj venas antaŭen
elirante el la arbaro
sur la rando de aferoj diris .

À celles et ceux
turmentita de malkongruaj pensoj
la fragmentoj de pasinteco
ke ni ne povas forgesi .

Al tiuj
kiu per manika efiko
montru sin ĉe la fenestroj
arangigante la amason de sennomaj .

Ĝi okazis al mi
kolektante miajn pakaĵojn
tuj antaŭ la foriro
senmovigi tempon .

Ĝi okazis al mi
sub la ombro de arbo
ĵetita de la luno
timi la malvarmon de novecoj .

Mi povus blovi en la konkon
kaj ne plu retenas miajn dezirojn
kunigi kun kalkano
la humoro de la floraj herbejoj .

Tiam revenu
al tiuj
kutimaj aventuroj
aliĝu al la homamaso
supraj koroj
strekkodaj pensoj
de la ĉiutaga vojaĝo .


208

la deziro al mistika kunfandiĝo sekvas la malordon

   Comme le disait Hérodote au deuxième siècle avant notre ère : ” … En vérité, aux tout premiers temps, naquit Chaos, l’Abîme-Béant, et ensuite Gaïa, la Terre, … et Eros “.

La Mystique est fille du Chaos .

Le Désordre, c’est le refus de l’illusion et de l’apparence, et c’est là qu’éclate la différence entre le mystique et le profane .

Il faut être fort pour refuser le confort de l’illusion et remiser le “moi” dans les oubliettes du dérisoire . Il faut être fort pour persévérer en solitude et en silence, dans le labyrinthe obscur des années des années qui passent, porté par la seule confiance en soi .

Mais quelle est la motivation de celui ou celle qui renonce à la facilité des apparences ?  Li estas, ou elle est, habité par une soif d’absolu .

Mais d’où lui vient cette soifmystique” ?  D’où vient cet élément, cet évènement, d’où germera cette incroyable et improbable démarche surgissant du fond du fond de soi-même ?

On parlera deprédestination”, d’ “insight”, de “grâce”, de “hasard”, d’ “occasion”, de “rencontre”, de “déclencheurdu fait d’une situation extrême, exceptionnelle ou traumatisante . Mais cela ne suffit pas car si la graine semée par une main extérieure est nécessaire, il faut aussi un terreau fertile pour recueillir la graine à l’intérieur de soi .

Seront-ce des hommes et des femmes porteurs de ce trésor, porteurs de ces prédispositions, de ces dons, de ces hasards et de ces éducations qui seront favorisés ? La question reste posée et le restera . Il n’y a pas de réponse toute faite, car il n’y aura pas de réponse pour qui ne se pose pas la question . Cela commence par l’art du questionnement, ou plutôt par l’art de l’étonnement, et même de l’émerveillement, car qui ne s’étonne de rien ne saura questionner quoi que ce soit .

Y aurait-il des moments favorables à cette rencontre ? L’histoire, l’anthropologie, la sociologie, la psychologie, la psychanalyse nous donnent des pistes ; ce sont durant les périodes les plus troublées, les plus chaotiques, les plus incertaines, que la Mystique connaît ses meilleurs moments .

Mais ce processus d’éclosion de la Mystique ne dure qu’un laps de temps . Passé le temps du désordre, passé ce temps de l’ignorance ; il se peut que nous allions vers une certaineinconnaissance”, c’est-à-dire vers une autre ignorance où deux étapes nous attendent, à la fois disjointes et complémentaires : la prise en compte de l’origine des choses émergeant de l’illusionà prendre sans mépris – , et l’atteinte d’un autre niveau de conscience, de lâcher prise, de transdisciplinarité, de maturité, d’ouverture hors normes établies .

Certains, benoîtement, suivront les conseils de la bienséance environnementale, tandis que d’autres, assidûment, emprunteront le sentier abrupt, se livrant totalement et sans procédés spéciaux à cettefollequête, afin deregarder kajvoir .

Alors il y aura juste à se laisser conduire jusqu’au Mystère au-delà de tout nom en refusant d’y associer la formule affirmative de cet Ultime , en refusant d’y associer la clé ultime de toute problématique .

Ainsi allons-nous, de connaissances en sentiments vrais, vers ce que nous sommes . Ni, bien petites choses dans un monde si grand, mais aussi figures hologrammiques de ce grand Tout . Ni , lesResponsables”, lesMendiants”, lesaccroches Cœur” de la réponse fondamentale .

206

Contempler la fleur sans la cueillir

 Nuna tempo , la donaco estas ofero, donaco .
Lernu kuraĝi kaj scii kiel ricevi .
Vidu sen rigardi .
Aŭdu sen aŭskulti .
Flari sen flari .
Gustu sen remaĉi .
Sentu sen tuŝi .
Komprenu sen pensi .
Sciante sen scii pli .
Pritraktu la ŝovelilon sen elĉerpi la maron .
Vivu plene en la nuntempo .
Vivu tute en la nuntempo .
Ne temas pri malzorgemo .
Il ne s'agit pas non plus de prévoir l'avenir .
Ne temas pri amasigi protektojn kontraŭ ĉiuj ĉi tiuj timoj, kiujn ni elpensas .
Temas pri disvolvi en ĉiu nunaj fortoj kaj rimedoj
tio permesos al ni alfronti tion, kio okazos .
Temas pri riĉigo de la nuntempo .
Temas pri lasi fidon estiĝi ,
Temas pri kontemplado de la floro sen pluki ĝin .
Temas pri eniro en resonon kun tio, kion ni malfidas .
Resonanco postulas pacon .
Kaj eĉ pli paco de koro kaj animo .
Ajna resono estas neebla sen la interna tumulto .
Komencu disponigante la menson por la realo ,
kaj malpermesi la demandon : " kion mi povas preni ? "
anstataŭigi ĝin per : " Kion li donis al mi ? "


205

kriu sur la erikejo

 Crier :
"Va la querre à l'aille" ĉe "Champagne" ,
ce chien que nul n'avait éduqué
à rabattre les vaches
là où elles devaient brouter .

Il pleuvait .

Senmova ,
assis sur une pierre plate ,
enveloppé dans la pèlerine de caoutchouc ,
à chaque goutte de pluie frappant la capuche ,
répondaient de fines coulures d'eau .
Je ressentais le mystère d'être " esti " ;
ce que plus tard je nommerai
" le cœur du temps qui passe " .

Dans l'abri sans toit ,
paré de grosses pierres gris bleues ,
j'étais le vent ,
qui par rafales ,
griffait mon visage .

J'entrouvrais et fermais les yeux ;
pour découvrir le plein et le délié
dans le mi-clos de mon corps .

Je léchais l'humide autour de mes lèvres .

Les mains à l'abri ,
j'étais tout ce qui m'entourait ,
sans que je ne le touche .

Je savais que Grand'père viendrait me chercher
pour rentrer les vaches .

Et pourtant je ne l'attendais pas .

Je regardais ailleurs .

Je n'avais pas d'heure .

J'apprenais à ne pas vouloir que cela arrive .

Et que Grand'père surgisse !
C’était bon .


204

Songe oblique

 Pierres dernières ,
 papillons de l'enfance ,
 les branches effeuillées du frêne
 ne lèveront plus la poussière du chemin .

 La coccinelle sera libérée de la boîte aux ampoules   
 pour au pointu de l'herbe
 prendre son envol ,
 ses ailes noires sous la chitine rouge à points noirs
 bruissant contre ma joue .

 Au bout du bâton ,
 lever la bouse sèche
 et découvrir vers et insectes
 dans leur travail de décomposition
 avec pour roi ,
 le coléoptère noir .

 Retourner la pierre ,
 c'est voir le sombre enclos
 de la pression de l'en-dedans ,
 c'est se rencontrer en solitude
 avec l’œil du cœur .

 Il est des pierres ,
 sur la pâture ,
 posées au gré du temps .
 Il est de ma liberté
 de les placer où bon me semble ,
 plej multe juste sur le passage des cavaliers.    


 203