Comme le disait Hérodote au deuxième siècle avant notre ère : ” … En vérité, aux tout premiers temps, naquit Chaos, l’Abîme-Béant, et ensuite Gaïa, la Terre, … et Eros “.
La Mystique est fille du Chaos .
Le Désordre, c’est le refus de l’illusion et de l’apparence, et c’est là qu’éclate la différence entre le mystique et le profane .
Il faut être fort pour refuser le confort de l’illusion et remiser le “moi” dans les oubliettes du dérisoire . Il faut être fort pour persévérer en solitude et en silence, dans le labyrinthe obscur des années des années qui passent, porté par la seule confiance en soi .
Mais quelle est la motivation de celui ou celle qui renonce à la facilité des apparences ? Li estas, ou elle est, habité par une soif d’absolu .
Mais d’où lui vient cette soif “mystique” ? D’où vient cet élément, cet évènement, d’où germera cette incroyable et improbable démarche surgissant du fond du fond de soi-même ?
On parlera de “prédestination”, d’ “insight”, de “grâce”, de “hasard”, d’ “occasion”, de “rencontre”, de “déclencheur” du fait d’une situation extrême, exceptionnelle ou traumatisante . Mais cela ne suffit pas car si la graine semée par une main extérieure est nécessaire, il faut aussi un terreau fertile pour recueillir la graine à l’intérieur de soi .
Seront-ce des hommes et des femmes porteurs de ce trésor, porteurs de ces prédispositions, de ces dons, de ces hasards et de ces éducations qui seront favorisés ? La question reste posée et le restera . Il n’y a pas de réponse toute faite, car il n’y aura pas de réponse pour qui ne se pose pas la question . Cela commence par l’art du questionnement, ou plutôt par l’art de l’étonnement, et même de l’émerveillement, car qui ne s’étonne de rien ne saura questionner quoi que ce soit .
Y aurait-il des moments favorables à cette rencontre ? L’histoire, l’anthropologie, la sociologie, la psychologie, la psychanalyse nous donnent des pistes ; ce sont durant les périodes les plus troublées, les plus chaotiques, les plus incertaines, que la Mystique connaît ses meilleurs moments .
Mais ce processus d’éclosion de la Mystique ne dure qu’un laps de temps . Passé le temps du désordre, passé ce temps de l’ignorance ; il se peut que nous allions vers une certaine “inconnaissance”, c’est-à-dire vers une autre ignorance où deux étapes nous attendent, à la fois disjointes et complémentaires : la prise en compte de l’origine des choses émergeant de l’illusion – à prendre sans mépris – , et l’atteinte d’un autre niveau de conscience, de lâcher prise, de transdisciplinarité, de maturité, d’ouverture hors normes établies .
Certains, benoîtement, suivront les conseils de la bienséance environnementale, tandis que d’autres, assidûment, emprunteront le sentier abrupt, se livrant totalement et sans procédés spéciaux à cette “folle” quête, afin deregarder kajvoir .
Alors il y aura juste à se laisser conduire jusqu’au Mystère au-delà de tout nom en refusant d’y associer la formule affirmative de cet Ultime , en refusant d’y associer la clé ultime de toute problématique .
Ainsi allons-nous, de connaissances en sentiments vrais, vers ce que nous sommes . Nous, bien petites choses dans un monde si grand, mais aussi figures hologrammiques de ce grand Tout . Nous , les“Responsables”, les “Mendiants”, les “accroches Cœur” de la réponse fondamentale .
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