seul au pas de porte

 Seul au pas de porte   
se trouver entre vivants et morts
à la proue du navire
couvrant un avenir incertain
sous les patères du vestibule
vêtements dépareillés
par l'errance obligée .

Claque l'oriflamme
le temps qui cogne
offre ses parenthèses
au crépon de nos plaies
sans qu'apparaissent
les coquelicots de l'enfance
mariage éternel
d'avant le grand chambardement .

Dans l'auguste fissure
en attente du jour
d'une marche lourde
s'en va le vieil homme
sur le chemin poussiéreux
des souvenirs à venir
accueil radieux
se détachant du trop connu .

Alors offerte
cet embrasement des couleurs
à pleines brassées
aspiration enchantée
de nos pas comptés
sur le gravier crissant
de la douce venue
de ton sourire .


320

De la terre rouge sous la neige

 De la terre rouge sous la neige  
 pour le noir de l'infini  
 vers le blanc des évènements.  

 Traces volatiles  
 sous le cristal du mouvement  
 le givre craque.  

 Grande écriture chiffrée   
 rencontrée parfois   
 à l'intérieur des montagnes.   
 
 Perdu en lisière  
 l'enfant contre son cœur  
 serre le viatique des belles pensées.  

 Consommer sans se consumer  
 le comble serait de croire  
 et d'en faire parure.  

 Dans le noir de l'encre  
 il y a le vide de l'espace  
 cette page de silence pure.  

 Pour les papillons de nuit  
 point d'obstacle  
 juste le fermoir actif de la révolte.  

 Les pavés de l'oubli résonnent  
 trotte-menu du génie de passage  
 sur le lin blanc du poème.  

 Ça crisse sous les pas  
 se déclinent les nervures de l'illusion  
 au ressaut d'un vide d'air.  

 Brouiller les cartes  
 faire un grand feu  
 l'amour fait des claquettes.  

  ( Photo de Caroline Nivelon ) 
 
321

Mourir en pensées

 
Mourir en pensées
doći na drugu stranu
sans que mémoire survienne .

Cocher aux basques du temps
la sensation
sans que reflet ne vienne .

Effaroucher le pigeon
d'un geste lent
sans que poussière se mêle .

Écorcher le lapin des songes
au saut du lit
sans que remords parviennent .

Essarter la plaine
au souffle des animaux de trait
sans que fin du jour n'advienne .

Moucher les bougies
između palca i kažiprsta
sans coulure ni brûlure .

Élever le pavois
par lente ascension
sans les hourras de la foule
psalmodier quelques reflets de lumière .


319

sandales de vent

  " Sandales de vent "    
qu'on l'appelait
cet être d'ombres habité
ce cri
hors des rencontres accoutumées
cette solitude
à la trace écornée
origine des passions
courbée sur le pavement des circonstances
cette frilosité
d'avoir à faire
cette fuite ensemencée
de poussières d'or
ces soleils
des jours recueillis
dans une coquille d’œuf
la déliaison des accords majeurs
la musique souterraine
du vent ailé
au sortir de la coulée continue
mon âme
ma capacité d'étreindre
l'entre-deux
du visible à l'invisible
le Rien de notre accord réciproque .



316

le vent qui entre

 Le vent qui brûle  
le vent qui pèle
le vent qui rit
le vent qui sème
le vent qui pèle-mêle
renverse
et creuse la rivière
d'un vortex ombrageux
mon âme est pierre roulée
sous le soc de la charrue
pierre retournée
laissant paraître le miel de terre
pierre des frictions
à laquelle la peau se frotte
ventre affamé
de l'enfant à venir
sous le cri délivré
en fin de cycle
en fin de roses
croquées par le gel
aux parures pigments
des bacchanales rangées
sur la planche d'appel de mon antre
de mon entre-nous
otvorena vrata
que d'un doigt j'ouvre grand
au vent qui vient
au vent qui entre .


315

prolazni zidovi prolaznog vremena

 sjećaš li se
des platanes au bord du canal
des corbeaux à la tombée du jour
aux festons de lumière
épelés par le bruit de l'eau
collés à la cime des arbres
majestueux déplié des nuages
lèvres entrouvertes
élan des bras
vers les colonnes du temple
auscultation métronomique
des orifices que la lumière inonde
finissante nuit d'été
aux rebelles moiteurs
que le vent épouse
frisson ardent
simple réponse
que les pas frisent
sous la rosée avenante
joues rosissantes
les bougies se montrent
dans l'ombre saisissante
étoffe légère sur ton épaule
friselis de ta voix
échancrure d'un souvenir
passe muraille du temps qui passe .


313

tvoja laka ruka gricka konce

 Tvoja laka ruka  
gricka konce
podignut šešir
obučen u crnu odeću
moj morski višak
moji dugi prsti
na terminalnom koplju
bez instinkta .

Vodene sportove
na blagom nagibu
papilote i karamele
njihov kristal ogoljen
za prednje zube
zagrli labavicu
vintage nights .

Dekocija tvog osmeha
ispod toplog jorgana
može da okreće galaksije
muzičke štapove
u dahu hinjenog bekstva
mountebank
koje oblak briše
tako rano tako kasno
pramen kose iznad oka
nevolje beskonačnog .


314

moj cvijet, moj život, ma vibracija

 Čim sam čuo reč "ljubav" .   

Živi glas i srce zaneseno užarenom žeravicom,
razvezati vlakna dosade
zaronili u svoje rodne vode
suštinski akord niskih i bolnih nota
moj cvijet
moj život
ma vibracija
moje dahtano obožavanje
usta u dahu
moja milost na nježnoj travi
razderana na četiri uda tvog tijela tako meka .
"volim te, moraš naučiti reći ja." (Christian Bobin)


310
( U počast svetom Jovanu od Krsta)

La présence à ce qui s'advient