Archives de catégorie : Année 2019

parler la même aube

     Pousser la porte                                                                                     
 sur la langue  ~  une flamme                                                                       
 parler la même aube. 
                                                              
480

de monter vers l’aiguille

   De monter vers l'aiguille  
précède la descente en abîme   
la collerette sage du barbu de l'oubli   
courbure d'une main   
mon âme fleurie   
sur le rebord en fenêtre   
signe d'élans   
de pas dans la neige   
à regarder se dépouiller   
les branches de leur manchon de miel  
chute lente mais néanmoins audible   
menus sourires s'époussetant   
le bras tendu vers l'horizon   
qu'appelle le soir venu   
le trait de lumière
annonçant sous la porte   
le retour des oiseaux   
vers leur niche nocturne.   

  
437

ce matin je suis mort

 Ce matin je suis mort   
et ne puis concevoir ma vie   
comme révolue. 
    
Les souvenirs ne pèsent plus   
le temps n'a pas d'horloge   
la neige est étale   
les oiseaux chantent le silence   
je ne marche plus   
je ne vole plus   
et ne sais si la moindre chose se fait. 
    
Puis-je alors dormir   
sans vigilance   
d'un sommeil permanent   
dans l'indifférence   
d'un état naturellement surnaturel. 
    
Puis-je revenir aux lieux de ma naissance   
sans effort   
à mesure que pelote se défait   
fil à fil   
centimètre par centimètre   
les ferrures de l'esprit sautent   
pour un pas de plus   
ne plus toucher le sol   
pieds nus   
les mains papillons inutiles   
sans que le sourire opère   
à même les coulures rouges groseilles   
contre le mur de l'oubli. 
    
Ce fût un instant   
sans que paraisse la nuit   
un instant de lèvres sèches   
devant l'enveloppe à encoller   
missive survenue.   
  
Je pouvais alors porter en terre   
la caresse d'être
et enfanter. 

    
392

pas à pas de voyage en voyage

 Pas à pas,   
de voyage en voyage,   
au cercle d'un cirque   
que le sable encense    
la rumeur soulève les rideaux du spectacle. 
   
Entrée colorée,   
barnum bruyant,   
poussière soulevée   
du cortège animal,   
des passions de l'âme   
élevées aux pinacles des temples   
à démanteler,   
à mettre à la raison   
et métamorphoser. 
   
De sang et de couleurs,   
les cris furieux des Érinyes   
ont détruit les paysages de l'enfance,   
les lèvres d'argile des sources    
ont fait place   
aux buses de ciment,   
la pierre des protections a été arrachée,   
les haies ont été abattues,   
les fossés comblés,   
le renard argenté   
ne retrouvera plus le centre,   
un vent mauvais rabat les grumeaux de terre   
vers les terrasses de pierres sèches,   
un vieux frêne murmure ses dernières dispositions.     
La nuit roucoule,   
pigeons de l'âme   
en surplomb   
des manquements à l'humaine condition,   
les mensonges populistes   
remplacent le chant des poètes,   
les chenilles des engins de guerre   
suivent les souliers ferrés des poilus,   
le ciel s'assombrit,   
même les arbres sculptés par le vent d'ouest   
se sont couchés sous la tempête. 
   
L'air est fétide,   
sur le mur des lamentations   
les papiers de l'en-vie   
froissés et forcés   
aux jointures des pierres   
couvertes de lichens   
deviennent chairs pantelantes   
d'un tsimtsoum aléatoire.     
 
Les mains décharnées,   
hors des poches à l'avenant   
écorchent l'oubli,   
les yeux révulsés   
clipsent les valeurs de l'esprit,   
une crème sulfureuse   
maquille d'un sourire de clown 
nos errances dernières. 
   
La fureur fait place   
à la nuit,   
au silence,   
enlaidie par les passes d'armes   
des combats et des haines,   
pommelée par la levée   
des moissons nouvelles,      
devenues complice consentante   
d'une renaissance de pacotille.   
  
Il n'est d'herbes officinales   
que celles du printemps,   
herbes collégiales    
du baiser des amants    
dispersés    
en quête du grand chambardement,   
un quignon de pain   
en fond de sac,  
l'eau dans le ciboire des altérités. 
   
Nous lèverons le Son des ricochets,    
cailloux jetés sur la rivière,   
à portée des demandeurs d'asile,   
en sortie de notre exil.   

 
332

Après la déchirure

 De plus, ils sont passés
 sans omettre les vraies valeurs.

 Ils ont cherché, ils ont trouvé
 la semence du semblable.

 N'ayez crainte du récit en sa simplicité,
 soyez de mèche avec l'indicible.

 En face du trésor
 ils se hâtent et lui crient leurs attentes.

 La trame se déferait
 sans préparation, sans repentance.

 Au repas, des chants nouveaux
 le monde nous appartenant.

 Une longue histoire d'alliance
 entre le fonds et la forme.

 Les superstitions n'ont guère de substance
 sans le dégoût de la connaissance

 Le deuil, la tristesse, l'oubli 
 un champ dévasté par l'inondation.

 Dire faussement du mal de l'autre
 puis s'en aller à reculons.

 C'est simple, c'est clair, c'est concret,
 les vrais pâturages de ton cœur.

 Les coulures de goudron
 sont les pleurs des tempêtes passées.

 Ma main, d'un reflux acide
 jamais ne jugera.

 En conséquence
 toute réminiscence est oeuvre destructrice.

 Les sacs de cendres se sont ouverts
 à bon port.

 Ta voix s'est fait entendre
 voix miroir de mon visage.

 Ta voix planait sur les eaux,
 un don à recueillir.

 Ta voix,
 porte-greffe de la plante fragile.

 Ma voix, mon ange,
 derrière les friselis de ton rire.

 Si la mort creuse le champ de la désolation
 elle ouvre en même temps celui de la communion .

 Communion des âmes 
 aimantes et aimantantes.


 186 

le tissage du psychologique et du spirituel

L’être humain est ternaire. Il est corps, psychisme et esprit.

Le corps, c’est ce qu’on voit de nous, il est faible et périssable.

Le psychique est l’étage intermédiaire. Il est le mouvement, l’émotionnel et le mental. Il est fluctuant. On ne peut pas construire sur lui. Le psychologique déblaie des choses. Il écarte des obstacles et peut rendre disponible à des éléments de connaissance de soi mais pas à notre éveil, à cet état de bien-être et d’unification avec ce qui est, à l’ultime accomplissement dans le mystère insondable de ce qui nous anime au plus profond de notre être, cet élan, cette « viridité » en marche, tel que le conçoit Hildegarde de Bingen.

L’esprit ou fine pointe de l’âme, ou le coeur, est ce qui est proche et communique avec les mondes supérieurs. L’esprit se reconnaît à ce qu’il est indestructible. Il est immense, clair et joyeux.

L’être humain est semblable à une lampe à huile dont le corps de la lampe, l’huile et la mêche seraient ses trois étages. Le corps serait l’objet en terre cuite de la lampe, le contenant fragile et nécessaire sans quoi ne s’enclencherait pas le processus de croissance de soi. Le psychique ou psychologique serait l’huile, métaphore du mouvement, des émotions, des richesses et de la beauté de l’être, de ce qui nourrit. La mèche serait l’esprit, le lieu même qui peut s’enflammer au feu divin.

Toutes ces composantes forment l’être humain en recherche d’harmonie avec toutefois une hiérarchie entre elles, la mèche spirituelle étant le summun de notre quête.

L’esprit est ce lieu étendu jusqu’à l’infini, cette lumière, cette joie qui domine les intempéries de l’existence et toutes les douleurs de l’être pour l’orienter vers sa réalisation.

166

( Texte librement inspiré de Jacqueline Kelen )