Archives de catégorie : Année 2013

Je sème à tout vent

 Les cloches font du saute-mouton
 sur les crédences de la sacristie .
 
 Le faisan longe le mur
 rencontre sa faisane
 et lui montre
 ce qu'il faut faire .
 
 Les rires anglais se succèdent
 en cascades
 feux d'artifices de bonne humeur
 que ne manqueraient pour rien
 les moustiques
 âpres au gain du sang .
 
 Le vent caresse la prairie aux hautes herbes,
 ventriloque immobile
 les fruits du platane
 battent la mesure .
 
 Les pissenlits à maturité
 s'essaient au Sème à tout vent
 du Tout en Un
 vaste programme de l'enfance
 d'après la vaisselle
 où les parents
 avec tricots et journaux
 cherchaient l'ombre conjointe du frêne et du tilleul
 alors que nous poussions la porte du grenier
 pour frotter la capsule métallique
 entre pouce et index
 entre pouce et majeur
 sur le plancher disjoint
 aux grains de blé encalminés
 dans le renfermé de la soupente
 aux discrets trapillous
 faisant monter l'odeur poussiéreuse du bois vieilli
 que nous accompagnions
 de génuflexions cadencées
 l'attention portée
 sur les petites roues dentelées
 aptes à sautiller
 brinquebalantes
 sur le tour de France
 de nos chemins de craie .


 106 

Comme un retour en arrière et un bond en avant

   Dans l'encoignure
d'un puissant mur de pierres
murmurent les esprits .

Etre immobile
dans le silence de l'attente sans attente
du simple mouvement de vie .

Moment de fermer les yeux
d'être attentif à l'instant présent
d'être avec ce qui est

dans une posture souple et détendue
avec notre souffle
avec ce corps qui respire tranquillement
avec ces pensées qui vont et viennent
observer
juste voir
contempler
cette poitrine qui monte et se creuse
avec nos sensations
avec notre conscience qui s'élargit
tout voir sans que rien ne s'accroche
être dans un esprit d'ouverture et d'accueil à ce qui est
dans l'ici et maintenant de notre souffle
et des bruits alentours
accepter la simple présence de ce qui s'advient
dans l'absence de ce qui précède
tout autour
et embarquer
par le déplié de nos pensées
aussi légères que leur repliement
voiles offertes au vent
vers là
où tout commence et fini
sans nécessité de la réponse .


105

l’attachement

 Le souvenir de ce jeu   
 origami de l'enfance   
 une salière en papier .   
 Entre l'index et le pouce de chaque main   
 " Choisis un nombre " !   
 et les doigts ouvraient et fermaient la 
salière autant de fois qu'il le fallait   
 " Choisis une couleur : rouge, bleu, vert 
ou noir " !   
 et l'on dépliait la salière à l'emplacement 
que le hasard désignait   
 " Tu es gentil ... Tu es la plus belle ... "   
 Là, dans cette image des quatre rochers 
encastrés, le jeu est figé, cristallisé, 
il est "granite" , il est fermé et depuis si longtemps, que la mousse le recouvre .   
 Cet objet "jeu-papier-pierre-mousse" devient 
le point de départ du surgissement d'un 
souvenir, d'une nostalgie, d'une forme-pensée , 
d'un sentiment .   
 Comme un millefeuilles ouvert à tous les vents, 
un moment de vie émerge. Trois petits tours et 
puis s'en vont ... Il y a de l'émotion ... 
Mais pourquoi, en quoi et comment cette émotion devient un sentiment ?   
 Le sentiment, c'est bien plus qu'une réaction physiologique saupoudrée d'un zeste de culture mémorisée . C'est une fonction complexe fondée 
en premier lieu sur une sensation puis 
un ressenti qui vient du profond de soi, 
une posture, une manière de se percevoir dans 
une situation donnée . Mais ici, à propos de 
ce jeu, à l'occasion de ce " jeu-image-souvenir-papier-enfance-pierre moussue ", de quoi s'agit-il ?   
 Par le contact entre l'être humain que nous sommes 
et l'environnement, ce n'est pas le sentiment qui 
nous met en relation avec ce qui n'est pas nous, avec quelque chose d'extérieur à nous. Ce serait plutôt 
la perception, la sensation, l'intuition qui 
seraient à l'oeuvre . Le sentiment est l'émergence aboutie provisoirement d'un fait culturel que nous avons fait notre plus ou moins consciemment et dont objet déclencheur ne saurait être l'unique cause . L'objet n'est que l'occasion de s'apparaître .   
 Nous attachons, la plupart du temps, nos sentiments au monde environnemental, aux mondanités, en 
imaginant que les événements qui s'y produisent - 
par exemple l'utilisation de notre jeu ici présent - sont à l'origine d'états de conscience qui nous 
traversent. Je me forge l'espoir illusoire qu'il me suffit de contrôler mon environnement, l'objet de 
mon désir, pour être le maître de mes états de 
conscience. Je veux être en situation de prescience, de pouvoir sur le monde, d'être le dieu de mes émotions. Mais ce n'est qu'illusion ! Notre intention n'est qu'un tout petit élément de la source du sentiment qui nous traverse et sur lequel nous 
n'avons pas plus d'influence que sur le temps qu'il fait.   
 Vouloir manipuler ses propres sentiments pour 
éviter le manque, l'incertitude, la peur, et être le démiurge de ses propres états, c'est refuser le surgissement spontané de la vie à travers soi. C'est une grande source de la souffrance !   
 Le paradoxe de l'attachement est cruel. Nos sentiments, c'est nous, au profond de notre intime 
et pourtant nous les vivons comme s'ils nous jetaient hors de nous-même en nous focalisant sur tel ou tel objet du monde . Alors " nous ne nous sentons plus ", nous ne sommes plus conscients de nous-même .   
 Par exemple, l'on croit aimer cette femme , - " mon amour pour cette femme me dit , me fait comprendre, 
me rend clair l'être qu'elle est"  - , vision romantique de l'objet qui nous éloigne de la cause du sentiment formé de beaucoup de nos projections .   
 Un certaine voie du détachement serait d'apprendre à dissocier nos sentiments de leur objet et à les vivre pour eux-mêmes . Il s'agirait " de revenir à soi " .   
 Vivre et gérer vraiment ses sentiments est un chemin obligé préludant à la connaissance de soi .   
 Et si dans les cases secrètes de la salière du jeu  " papier-nombres-couleurs-hasard-pierre moussue - je te dirai qui tu es "  il y avait sous les quatre couleurs, quatre précieuses pépites à recueillir vers une approche sensible de soi qui seraient la perception, le ressenti, l'émotion et le sentiment, étapes nécessaires à la connaissance et au savoir quoi faire de cette connaissance .   
 ...  Afin de ne pas sombrer dans l'attachement ! Pieds et poings liés à nos croyances protectrices, à nos peurs .   
 ...  Afin de vivre librement en instance d'Être , notre monde Vrai .   

  (Texte librement inspiré de Basarab Nicolescu)  

 104 

la lumière

    La lumière est un grand thème scientifique mais aussi occasion d’éveil, d’esthétique et métaphore du divin . C’est une Réalité multidimensionnelle .

La lumière est le moyen qui permet à l’astrophysicien de dialoguer avec le cosmos .

La lumière est l’élément le plus noble de la nature, et l’oeil est l’organe le plus noble du corps humain .

Dans les sciences, la lumière fait intervenir non seulement des éléments physiques (comment l’image vient dans l’oeil), mais aussi physiologiques (comment l’oeil fonctionne) et psychologiques (comment le cerveau interprète l’image) . Comprendre la lumière, c’est aussi déchiffrer les mystères de l’oeil et du cerveau . La lumière, la vision et l’activité neuronale sont inextricablement mêlées .

La lumière joue aussi un grand rôle dans les domaines de l’art et de la spiritualité . Car la lumière est davantage que matière, elle est aussi d’ordre spirituel . C’est en explorant les reflets, les éclats, les ouvertures, fenêtres et vitraux et les formes lumineuses de l’environnement et des monuments que l’homme a érigés, Rembrandt, Turner, Boudin, Monet, Cézanne, Le Corbusier et Soulage donnent une âme à la nature. En s’affranchissant des formes pour laisser place à la couleur, Kandinsky invoque l’impérieuse nécessité intérieure de l’artiste à utiliser l’art pour faire la synthèse des mondes intérieur et extérieur et aboutir ainsi à la grande loi cosmique .

Les traditions religieuses du monde entier ont porté la lumière au plus haut point . L’art gothique est l’art de la lumière par excellence . Le christianisme parle d’un Dieu de lumière . Le bouddhisme associe la dissipation de l’ignorance, source de souffrance à la  » luminosité de l’esprit  » .

L’homme se définit par la représentation qu’il se fait de la lumière . Qu’elle soit scientifique, technique, artistique ou spirituelle, la lumière nous permet d’être des humains .

103

La science et la paix

La science se déploie entre la certitude (il faut apporter des preuves) et le lâcher prise (il y a un inconnaissable dans l’Univers). C’est cette tension qui crée le moteur de la recherche. L’exploration de l’inconnu et du mystère nous met en permanence face à notre ignorance. Un univers dont nous saurions tout serait extrêmement ennuyeux .

La science ne se réduit pas à une technique. A travers ses paradigmes, ses conceptions du monde et ses pédagogies, elle porte la trace de la diversité des imaginaires de l’humanité .

La façon de transmettre le savoir scientifique et les technologies doit être moduler en fonction de la culture, de la langue et de la forme de spiritualité propres à chaque pays. Le savoir scientifique ne nous dit pas comment alléger nos souffrances intérieures, ni comment conduire notre vie. Il ne parle pas de beauté ou d’amour. Ce rôle revient à la mosaïque des cultures, des langues et des religions. Aussi est-il important pour les générations futures d’être informées, en plus du tronc commun scientifique universel, à la diversité de culture, de langue et des religions du monde entier.

Les avancées de la science actuelle nous oriente vers les phénomènes d’interdépendance, de paradoxe, de complémentarité qui sont des données venant plutôt de l’orient qui a toujours été plus holistique et moins réductionniste dans sa manière de comprendre le monde. Les découvreurs de la mécanique quantique tels que Bohr et Heisenberg ont dépassé les méthodes réductionnistes de Newton et Einstein pour ouvrir la science à une vue plus complète du monde en changeant de paradigmes. Ainsi Bohr, pour concevoir la dualité onde/particule de la lumière et de la matière s’est inspiré du concept Yin/Yang de l’orient .

Et puis, une autre démarche est aujourd’hui possible ; celle fondée sur une logique de l’absence comme témoin d’une présence. La pensée, l’esprit, le sujet, ne sauraient être objectivement circonscrits et donc leur présence n’est pas à rechercher à côté ou dans des processus, mais dans l’impossibilité pour les processus de s’auto-justifier. Voir à cet effet les théorèmes de Gödel .

Loin de constituer un échec de la raison, l’incomplétude du sujet empirique désigne un espace offert, au coeur de la rationalité, à la révélation d’un sens .

Seul l’enseignement d’un tronc commun de savoir scientifique, accompagné par la connaissance et le respect des diversités culturelles, peut favoriser la venue d’un humanisme universel qui favoriserait la paix dans le monde .

102

Niveaux de réalité, tiers exclu et tiers inclus

On entend par niveau de Réalité un ensemble de systèmes invariants soumis à l’action d’un certain nombre de lois générales. Deux niveaux de Réalité sont différents si, en passant de l’un à l’autre, il y a rupture des lois et rupture des concepts fondamentaux – comme le concept de causalité par exemple.

Le développement de la physique quantique ainsi que la coexistence entre le monde quantique et le monde macrophysique ont conduit sur le plan de la théorie et de l’expérience scientifique, au surgissement de couples de contradictoires mutuellement exclusifs (A et non-A) : onde et corpuscule, continuité et discontinuité, séparabilité et non-séparabilité, causalité locale et causalité globale, symétrie et brisure de symétrie, reversibilité et irréversiblilité du temps, etc.

Or avec la mécanique quantique, le fait que les couples de contradictoires qu’elle a mis en évidence sont effectivement mutuellement contradictoires peuvent paraître comme un scandale intellectuel quand ils sont analysés à travers la grille de lecture de la logique classique.

Cette logique classique est fondée sur trois axiomes :

1. L‘axiome d’identité : A est A

2. L‘axiome de non-contradiction : A n’est pas non-A

3. L‘axiome du tiers exclu : il n’existe pas un troisième terme qui soit à la fois A et non-A

Or selon la logique classique on ne peut affirmer en même temps la validité d’une chose et de son contraire : A et non-A. On ne peut affirmer que la nuit est le jour, que l’homme est la femme, que le noir est le blanc, que la vie est la mort.

La logique quantique a modifié le deuxième axiome de la logique classique – l’axiome de non-contradiction – en introduisant la non-contradiction à plusieurs valeurs de vérité à la place du couple binaire (A, non-A). Il existe alors un troisième terme T, qui est à la fois A et non-A, qui s’éclaire lorsque la notion de « niveaux de Réalité » est introduite : c’est l’axiome du tiers inclu.

Représentons les trois termes de la nouvelle logique – A, non-A et T le tiers inclu – et leurs dynamismes, par un  triangle dont l’un des sommets se trouve à un niveau de Réalité et les deux autres à un autre niveau de Réalité. Si l’on reste à un seul niveau de Réalité, toute manifestation apparaît comme une lutte entre deux éléments contradictoires (exemple : onde A et corpuscule non-A). Le troisième dynamisme, celui de l’état T, s’exerce à un autre niveau de Réalité, où ce qui apparaît comme désuni (onde ou corpuscule) est en fait uni (quanton), où ce qui apparaît comme contradictoire est perçu comme non-contradictoire.

Un seul et même niveau ne peut engendrer que des oppositions antagonistes. Il est auto-destructeur s’il est séparé  complètement de tous les autres niveaux de Réalité. Un troisième terme, disons T’, qui serait situé sur le même niveau de Réalité que les opposés A et non-A, ne pourrait réaliser leur conciliation.

Ne confondons pas l’axiome du tiers exclu et l’axiome de non-contradiction. La logique du tiers inclus est non-contradictoire.

La logique du tiers inclus n’abolit pas la logique du tiers exclu : elle restreint seulement son domaine de validité. Ainsi la logique du tiers exclu est validée pour des situations simples, comme par exemple la circulation des voitures sur autoroute ; personne ne songe à introduire un troisième sens par rapport au sens autorisé et au sens interdit.

Par contre la logique du tiers exclu est nocive dans les cas complexes, comme par exemple le domaine social et politique. Elle agit dans ce cas, comme une véritable logique d’exclusion : le bien ou le mal, les hommes ou les femmes, les nationaux ou les étrangers, la droite ou la gauche, les riches ou les pauvres, les blancs ou les noirs, les habitants de tel quartier ou les habitants de tel autre quartier, etc. Il serait révélateur d’entreprendre une analyse de la xénophobie, du racisme, de l’antisémitisme ou du nationalisme à la lumière de la logique du tiers exclu.

Et, dans les années à venir, l’introduction de ces deux notions de tiers exclu et de tiers inclus ne pourraient-elles pas faire avancer l’étude de la conscience ?

101

(Texte librement inspiré de Basarab Nicolescu)

Le cœur

 Sans attente et de concert
suave entrée en confiance
acceptation permise
et toujours nouvelle
la danse des premiers jours
de clochettes tintinnabulantes
menues menues
et pourtant si présentes
à l'orée de l'amitié
de l'avènement d'un jour qui vient
au reflet d'un jour qui va
le passage en toutes saisons
du pas à pas de la présence
à ce frisson si doux
des dernières feuilles du cerisier
prêtes à tomber
et déjà crispées
devant le coup de vent
et puis plus rien
juste le cœur
qui se contracte
et se rétracte
contre la paume chaude
de cette main familière
le papa et la maman
joints à l'occasion
de ce grand chambardement
qu'est l'abandon
au temps qui passe
laissant place au cœur qui saigne
au cœur de l'instant
prompt à s'ouvrir
devant le cœur des fleurs
devant le cœur des anges
un large sourire
sur le visage des gens qui s'aiment
leurs yeux plissés
laissant couler une larme
bras tendus
et gorge humide
les jambes flageolantes
sur un air de violoncelle
onde prolongée se diluant douce amère
dans le murmure soyeux
du monde aux fibres mêlées
liqueur veloutée
d'un cœur qui parle au cœur.


100

Les treize dires du puy-de-dôme

Se levant de bonne heure, Hermès prit son bâton, s’enquit du temps qu’il faisait, se couvrit d’une large houppelande, choisit le bon couvre-chef et marcha vers le point le plus haut de la montagne des Arvernes .

 Là, s’arrêtant un moment, immobile, le visage grave, l’air fût empli d’une froidure régénérante qui bruissait d’invisibles élytres électrisant l’atmosphère. Il dirigea lentement son regard vers l’est, puis d’un geste  auguste pointa son bâton vers le ciel pour projeter à l’encan les treize grands principes dont il sera question cette année 2013 .

  Ne te mens jamais. Distingue avec soin ce que tu es, de ce que la pression sociale et les injonctions culturelles t’obligent à faire.

  Sois disposé à rencontrer l’autre, afin de progresser en connaissance et en sagesse par le juste contact avec l’autre.

  Retire-toi de l’assemblée dès qu’il est question de médisances. Le silence est d’or.

  Dis qui tu es, sans peur, mais avec parcimonie à qui de droit et selon des formes appropriées.

  Sois lisible dans ta communication. Que ton relationnel ne passe pas par de la condescendance vis-à-vis de toi et vis-à-vis de l’autre. Sois clair dans ton propos et ne cherche pas à changer l’autre.

–  Aime et tu seras aimé.

–  Sois drôle. Celà nourrit la santé et prélude à la joie. Sois drôle sans blesser l’autre.

–  Ouvre-toi à ce qui n’est pas toi, afin que l’assimilation des éléments venus d’ailleurs te fasse grandir.

–  S’il t’arrive d’être triste, recours à tes amis.

–  Sois à l’écoute du vivant. Les milliards de cellules qui te constituent , cette poussière d’étoiles , ont besoin de se sentir chez elles, dans le cosmos tout autour de toi et en toi. Vois !  Sois l’adepte de la beauté du monde – beauté minérale, beauté végétale, beauté animale, beauté de l’homme et de la femme, beauté du cosmos, beauté de l’univers – . Recueille la vie et nourris-là.

–  Sois toi-même. Ne sois le gourou de personne .

–  Avance en confiance ! La vie sourit à l’esprit simple .

Le ciel se couvrit. On entendit même le tonnerre qui par petites rafales sèches aspira le bruissement environnant pour réintroduire ces augustes lieux dans le calme propice à la contemplation des choses de ce monde .

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