Tous les articles par Gael GERARD

Sorte de lanterne aux joues roses

 Sorte de lanterne   
aux joues roses   
Sourire étoilé  
éclaire les entrailles   
visage de dentelles   
saupoudré de lait   
tendresse contre l'épaule   
le chat s'enroule à ton cou.  
 
Arbre sans feuillage   
le rouge ronge les lèvres   
petit noyau sec   
que le regard accapare   
chevelure défaite   
d'un ventre mûr   
rousse démangeaison   
à porter devant l'autel   
la voix des filles sages   
en surplomb   
lunettes opaques   
d'une étreinte   
à genoux sur le sable   
visage contre terre   
pleure d'être pierre   
pieu étoilé dans les cieux   
d'une gymnopédie.   


352

Ma fille, ma toute petite

 Ma fille   
 ma toute petite   
 mon enfant éternelle   
 Carmine de retour   
 mon enfant des bleuets   
 que j'ai cueilli au ventre de sa mère.   

 Puis frère vint.   

 Et j'abandonnai le château 
 au désir d'un autre homme   
 ne gardant que les membres épars  
 dont je reconstituai le corps      
 Osiris déchu   
 quelques weekends 
 affligé de ne pas avoir su   
 conserver la chaleur du foyer   
 entre mes mains inutiles     
 fines poussières    
 que le vent porte   
 au long corridor des remords.  
 
 S'ouvrirent alors les portes de bronze   
 quelques traces sanglantes sur les murs froids   
 j'avançai    
 percevant   
 les lumières tremblantes de l'autre rive    
 par delà les hautes futaies   
 de mes passions en déraison.  
 
 Le train entrait en zone libre   
 les freins crissaient       
 des jets de vapeur
 brouillaient les fenêtres à tirant.   

 Un silence vint   
 des corbeaux coassaient     
 des voix hurlaient.  
 
 La ligne de démarcation passée   
 je sus que rien ne serait comme avant.   

 Quelques intentions de guingois   
 ne purent répondre à tes demandes    
 de retour à la maison   
 écriture enfantine sur papier rose   
 loin des regards   
 le long d'une route de montagne   
 partageant mes nuits d'insomnie   
 étoiles et lune en provision   
 le chien collé aux basques   
 sans jamais me retourner   
 j'allai.    
  
 Le tricolore ruban franchi   
 course terminée   
 au labyrinthe des errances   
 il me fallut retrouver la terre mère   
 mixe des atomes prêts au recyclage.   

 Je me lèverai   
 l'air sera frais   
 le cœur saignera   
 les pas se feront pressants   
 pour retrouver le compagnon émergeant   
 le rappel à l'ordre mémoriel   
 mon ami le double   
 me tendant la couronne de fleurs      
 ma fille en mandorle   
 ma toute petite   
 mon enfant éternelle
 ma bleuette   
 que j'avais recueillie au ventre de sa mère   
 un jour de joie.   


 351

Ombrelle de lumière

   Ombrelle de lumière   
au vert triangle   
de la Dame Blanche.   

Le chemin en balcon   
collation du jour qui vient   
dandine le chant des oiseaux.   

Murmure d'eau   
derviche tourneur   
ivresse des senteurs.   

Debout   
immobile   
le torrent racle le crâne.   

La montagne en ubac   
lève sa voile   
devant la montée des eaux.   

Le jour pointe    
l'herbe se courbe   
caresse de fraîcheur.   


349

aux cornes d’appel

   Aux cornes d'appel   
galets jetés contre les portes d'airain   
la montagne fige la parole.   

Équidistante des embrasures   
la mesure frappe d'estoc et de taille   
sans que l'ombre advienne.  
 
Il y a du sang sur tes vêtements   
les lacets resserrés   
feront marche forcée.    
 
Élève la lune    
à hauteur des griffes   
de l'ambre marin.
  
Tes pas longent le rebord de la sente   
de petits cailloux dévissent   
les pensées dépassent de la musette.   

Ronge ton frein   
sois le brimborion des nasses refluantes   
sois grand sous l'averse.
  
Abjure et me viens   
Callune des prairies premières   
Offrande à saisir.   


350

Calque éphémère

 Escalator   
 des pesées en fenêtre   
 se reflète l'hors temps   
 des frémissements.   

 Calque éphémère     
 des pensées jointes   
 l'ordre orthogonal   
 fragrances déployées   
 énumère les marches   
 d'accès à l'antienne   
 clamée par les anges   
 refuge sanglé    
 des anfractuosités de l'oubli   
 les chaînes raclent la terre   
 d'outrances ad hominem.

 Un chant   
 et puis rien   
 juste le suint   
 des bœufs à la tâche. 

  
347 

amie des flux abyssaux

   Amie des flux abyssaux   
à saute mouton   
de la vie en plein cœur   
veux-tu devenir   
une voix parmi les voix   
toi qui est bien plus que toi   
toi qui est métamorphose   
en la pulpe réticulée   
que la main broie   
pour devenir lendemain.   

Passons le gué   
du plein et du délié   
devenons sang et sens    
du cheval sanguine   
de la vague à l'océan   
en l'accroche des désirs   
que le vent fait actes   
radicelles d'une peinture vernaculaire   
rencontre à la touche du jour   
que le chercheur abjure et morigène   
du père au fils   
fille des temps   
sois fidèlement ardente   
sur le formant de la mémoire.
  

346
( peinture de Frédérique Lemarchand )

Margelle des mots

 Margelle des mots   
 aux portes souterraines   
 effluves lasses   
 que le vent porte   
 sage renaissance   
 des sons de l'enfance   
 présence chérie   
 des cerises en printemps   
 que la dent croque   
 mitaines dans les poches   
 de notre avenir   
 sous l'ombre des platanes    
 sur le parvis des cathédrales   
 la morsure du froid   
 atteignant le tréfonds de l'âme   
 souplement   
 parmi les graminées   
 un souffle sur ta main   
 en descente du soleil   
 comme en passant. 

  
345

Les mots advenus

 Les mots qui nous viennent   
 nous font être.   

 Ils sont là,   
 en bouche,   
 d'encre vêtus,   
 et labourés de près.   

 Pourtant,    
 telle l'abeille      
 cette envie d'être,   
 dans le sens du vent,   
 au plus près du nectar,   
 nous oblige   
 à pousser la charrue,   
 inexorablement,   
 jusqu'au bout du champ,   
 juste les mots advenus.   


  344

voix d’entre les galets

   Voix d'entre les galets   
prise tôt   
une pincée de miel   
sur l'haleine du vent de mai.   

Grande femme   
aux jambes fines   
posées en asymptote   
contre le cœur à l'unisson.
  
Unique pressentiment    
des courtes pailles   
rassemblées à la dérobée   
au creux des vagues lasses.   

Les arpèges de la guitare   
accompagnent d'un soupçon   
de couleurs armoriées   
le pavois des rencontres.   

A foison   
les purpurines lèvres   
de mon amie du fond des bois   
lèvent la voix d'entre les voix.
  
Toutes voiles dehors   
vers le frémissement   
d'un printemps   
en portance sous la brise.   


343