Cailloux d'Or

Cailloux d’or pour un prisme parfait
Déposés sur le chemin de Laroussière
Poule rousse déplumée d'hier
À l’orée de la forêt.

Double élan de la vie
Tel un souffle courbant les fougères
Au retour de Frugères
Le Cros-Mary servant de point d’appui.

Il encercla d’une vive brassée
Le pignon de gerbes entassées
En plein champ
La terre battue soulevée par l’ouragan.

Se lever le cœur léger
Au matin frais de la journée
Dès six heures
Avant que la nuit ne meure.


Passage souterrain
Au ras de la murette
Eau suintante goutte-à-goutte
Entre les lèvres d'airain.

Au fil du temps
Le champ des roseaux
Fait écho
À l’enfantement.


1604

Сезони

Сезони
À toutes les saisons
Je t’aime Reine
Dans cet envol vers la lumière.

Reste à courber le chef
Pour soulever la pierre qui m’enserre
Moi l’emmuré vivant
Immobilisé et englouti.

Ô force ténébreuse
Caniche d’opérette à tête de canard
Pattes d’oiseau, arrière-train de chien et queue burlesque
Je t’abjure de m’extraire du marécage.

Tout semble perdu
Pour l’homme dans sa chute
Ligoté et paralysé telle la proie dans la toile
Hormis les forces défaillantes.

Du fin fond de l’ombre
Les énergies reptiliennes
M’engagent au dernier moment
À suivre le noble cerf de la guérison.

La marche vers l’infini commence
L’exploration de soi est le cheminement
La chute initie à la remontée
La capacité de se transformer.


1603

Правилен глас




Le feu
Au ras des herbes sèches
Cette brise
Écho des morsures de la veille
Les cris
À jamais oints de l’esprit sain
Aux vivants et aux morts
Dispersés hors dualité
Des lions de la souvenance
J’atteste comme ultime réponse
Que les paroles lissées du nouveau territoire
Valent mieux que chants de pierres
Devant l’outrance des faiseurs de silence.


Правилен глас
Aux cœurs encalminés du néant des croyances
Avons soutenu la forme inachevée
Matière aventureuse
De ce que l’homme n’a pas fait croitre
Partance ajourée des visages éclos
Un soir de gris crémeux
Évaluant le ciel crépusculaire
Taillé à vif
Entre tilleul et frêne
De cette cour de ferme
Laissant paraître le pavage de basalte
Sous les pas de la biche égarée.


1602

Да бъде

Да бъде
Pour ne pas voir devant moi
Ne pas entendre de l’ensemble
Seul à seul.

Quant aux paysages
En sfumato en Toscane
Le rien d’une œuvre noircie par les cierges brûlés.

S’approcher du chœur
Suivre le labyrinthe
Pousser quelques chaises
Avancer lentement
Avec sous les pieds

La crypte et son puits des origines
Le sombre cachant les murs
Une lumière sort de moi
Au profond de soi
Des personnes marchent sur une sente large
Des moutons piétinent la draille
Le cœur battant de moins en moins vite
Plus de cœur du tout
Et pourtant j’avance et vois
Je rencontre des gens
Que je rejoins
Qui me dépassent
Que je croise
Et nous allons
Légers
Obligés
Les jambes me portant
Alors que je ne sens pas mes jambes
J’ai chaud
J’ai froid
Peu m’importe
Où j’étais avant de me trouver là
Il y avait des cris, des mouvements
Et beaucoup de vent
Des bruits aussi
Et je pouvais écrire des mots à ce propos.

Tout s’est effacé
Plus de temps plus d’espace plus de matière
Je suis conscience et rien à la fois.

Je me retourne
Et suis loin plus loin que là.

Ma peau est épaisse
Des poils partout
Ma tête est lourde
Mes pas lourds
Un son hors de ma gueule.

Et puis je plonge dans le trou
Un trou en moi
Plus profond que les souvenirs
Qui clope-clopiquent
Comme des bulles
En surface.

Той е там
L’autre
Peut-être est-ce moi par ailleurs
Tout bouge
Je suis immobile
Je bouge avec l’espace qui m’accompagne.

Là devant moi
Un livre me parle
« Sois toi et ne te retourne pas. »

Je crois pouvoir répondre
Mais je ne parle plus.

D’eau et de feu
Les pages du livre tournent
À la quarante neuvième ça s’arrête
Je suis encore vivant
Mort et ressuscité
Sans une once de certitude affirmée
Mais il me semble que je serve à quelque chose
Tout de même.

Un ruisseau coule à mes pieds
La pluie tombe
La pluie s’arrête de tomber
Le soleil me réchauffe.

Il est l’heure de renaître pour mourir à nouveau.

Le bruit du laminoir feraille une dernière fois
Contre la roche noircie par les torches de graisse.

Milladiou
Je suis et ne suis pas
Large feuille de figuier
Carrément flétrie

Effacée d’un trait de plume.

Œil d’onyx
Dardant sa pupille blanche
Sur l’ombre d’un arbre qui n’est plus.

La peau se plisse
De crevasses
Les années écoulées
Un jet d’encre comble l’entaille
De signes inconnus.

Au risque de se dire
Le décor cadre le décor
Le corps élève la conscience
Le corps devient poussière
La conscience
Au vol
Comme un papillon
Dans les siècles des siècles.

( Œuvre de Frédérique Lemarchand – détail )


1601


Магнетизиран чрез илюзия

Магнетизиран чрез илюзия
Elle a déployée sa nature fragmentée
Dissimulant sous la jupette
Le partage entre verticalité et horizontalité.

De ses bras enserrant la dualité
Reine
Sirène
À poigner les deux queues.

Dans l’obscurité se glissa
Empennage de raie manta
À ne pas lâcher la gâche
Le passé s'arracher du sol.

La scène se dévoilait
D’une folle musique
L’instrument céleste se délestait
Flottaison du paysage à fleur de raison.

Glycine mauve
Suricate agile
Entre par la fenêtre
Un aspect de la condition humaine.

Le merisier s’ébroue sous la ventoline
Sans la présence des feuilles
Point de lâcher-prise
Pour les routes du ciel.


1600

Срещнах посетителя

Срещнах посетителя 
Du creux de ma mémoire
Le meilleur des visiteurs
Pour désemmêler les voix
D’une pastorale
Troupeau bêlant à qui mieux mieux
En montant aux alpages.

La montagne est là
Et le rose bonbon du soleil
Accorde les nuages d’un fil d’or fin
Que même la parole inaudible
En ces lieux de caresses
Amende d’un soupir
Jusqu’au moindre tremblement d’herbe.

L’arbre du printemps frissonne
Dans le lumineux balayage d’un vent de mai
Guérissant mes peurs
D’avoir un jour
Un dernier mot à dire
Et puis se retenir
Devant les pierres blanches.

Да бъде, devant moi
En contrebas du vallon
Cette motte de terre détourée
Du groin et de la patte
L’ange aux ongles noirs
S’est permis une offrande extrême
Un caillot de sang bleu.

Fidèle au vertical du chant de l’alouette
J’ai espéré l’ivresse de la rencontre
Le contre-moi d’une réminiscence de l’enfance
Cet éclat de bois fiché dans la plaie
À mi-chemin du plateau des gravelles
Tombé tôt un matin
Une grande claque dans le dos.

Plus tard
Le couteau rouillé sera trouvé
Récupéré
Graissé à la couenne de lard
Refermé sans abîmer le fil
Mis en poche
Telle une paupière baissée.


1599



Виждам толкова красиви неща

Je vois des choses si belles
Et si familières
Que l’acide des pensées
Ne pourrait recouvrir
D’un mouchoir blanc sur le quai d’une gare.

Heureux moment
Que celui de se réjouir
D’un sous-bois à la tombée du jour
Mains devant les yeux
Un trait de lumière entre les doigts.

À même l’agitation du merisier
Les fleurs répertoriées
Vibreront d’une danse éternelle
Prêtes à me trancher la gorge
Pour me ressusciter.

Je suis inrévélé
Bulle de verre traversant la clairière
Au passage des marcassins
Suivant de près la laie
Auréolée d’un peu d’or sertie de suint.

Virons de bord
Accrochons le ciré à la patère
Petite flamme montant à l’étage
Poussant la porte palière
Au ciel ouvert de l’écriture silencieuse.

Souple saint Hubert
Le cerf apparaîtrait
Sur le tapis brun de feuilles sèches
Encre violette dégoupillant le mot de grâce
Comme on rêve.


1598

Моят слънчев изгаряне

Моят слънчев изгаряне
En urgence émargeront
Le chemin couvert de ronces
À empaqueter la journée
Sans que paraissent
Les nuages encombrants
De mon cœur éprouvé.

Le ciel est somptueux
La caravane s’est arrêtée
Au bord du ruisseau
Les bêtes plongent le museau dans l’onde claire
Naseaux frémissants
À partager avec les araignées d’eau
La fatigue de la journée.

À même l’horizon
Les fantômes circassiens ont monté la toile
Jusqu’à l’extinction des feux
Et nous luttons pour de bon
Dans l’enclave des habitudes
Pour rendre le paysage
Digne du crépuscule.

Par les drailles
Rôde l’odeur du sanglier
Et me poursuit la pluie
Par-dessus le cri de l’orfraie
Mains serrant le col du manteau
Tout contre la gorge
Un coup de froid est si vite arrivé.

Là l’homme m’attendait
Dans le combi aux rideaux tirés
Il faisait nuit noire
Et l’odeur de ma peau
Chargée du suint des bêtes
Énumérait les moments de la journée
Comme petits cailloux en gage de légitimité.

À minuit étoilé
Le silence sera
Et j’ouvrirai grand les yeux
Une dernière fois
Sans me soucier de la suite à donner
Puisque ma main glissant sur la paroi rocheuse
Je chuterai hors de l'alcôve.


1597

В „Слънцета на Кемпе

В „Слънцета на Кемпе
Pendant que déboule
L’ombre des sapins
Je convoque la vie
Je garde le troupeau
Je fais des petits ronds dans l’eau
À saute-ruisseau.

Tranquilou
Je dégage le sac de dessous le bras
L’ouvre
Saisis le sandwich
Dans son papier gras
Réajuste la tranche de pain
Et croque à pleines dents les picots de la croute.

Pressurer la grosseur
Entre les traits de la mamelle
Faire suinter le pus
Entre pouce et index
Jusqu’à ce que le sang paraisse
Puis inciter le chien à lécher la plaie
Avant d’écarter la bête d’une tape.

Je dessine dans la terre grasse
Quelques signes avec le bâton
Que je saupoudre de sauge
Je calfeutre de mousse un trou du mur
Je gratte la suie du dessus de la pierre avant de m’assoir
J’écoute le cri du milan
Qui passe et repasse.

Je consigne au vent
D’éviter le genévrier
Un reste de flamme danse sur le tas de cendres
Je m’adosse à la paroi
Rajuste la casquette
Reboutonne la veste de cuir
La légende des cœurs perdus peut aller se faire voir.

Tout murmure m’amuse
Telle friandise dans le pot de verre chez l’épicier
Alors que claque de la langue
La Riquette en son écuelle
La ramure du frêne
S’en vient frotter sur la vitre
Les chiures de mouches.


1596