Les cinq plumes de l’ange

 En descendant l'escalier  
 traces blanches sur la vitre   
 nuitamment posées en adresse.  
    
 Exclue de l'infini   
 à contre-espace   
 de vaines formes de rencontre   
 me font   
 froideur extrême   
 les petits cailloux de l'humilité   
 rangés dans la boîte aux secrets. 
     
 Abandonnée   
 en bord de route   
 par temps de pluie   
 les cheveux épars   
 me font plumes d'ange   
 au travers du portique   
 de l'attente sans fin.    
  
 Rassembler mes oripeaux   
 vêture divine   
 pour cacher ces blessures   
 je suis rabrouée   
 refoulée, pixelisée  
 hors de l'eau transparente   
 mon unique miroir. 
     
 J'avais pourtant bien fait   
 de belles noces étaient promises   
 mon père ramasserait les champignons   
 ma mère irait faire le tour de l'église   
 mes sœurs de guêpières vêtues   
 seraient le charme et la guérison   
 sur notre char carnavalesque.   
   
 Puis tomba le verdict   
 éclatées contre la vitre   
 les cinq plumes de l'ange en reflet   
 marquant l'absorption par le néant   
 ne restaient que le fond des casseroles   
 à récurer pour le mets attendu   
 d'une l'enfance retrouvée.  

     ( photo de Caroline Nivelon ) 
 
327

visage regard

   Visage regard   
appel à celui qui viendra de la mer   
élever le chapiteau des connaissances ourdies,   
à celui qui brisant le miroir  
permettra de remettre  
à leurs places   
les musiques anciennes,   
les accords frileux   
de l'ombre et de la lumière,   
de l'aube au couchant,  
à pieds nus sur le sable mouillé,   
mon âme si tôt venue,  
déjà partie,  
arabesque dorée,    
je tends la main au vent des attentes,   
mon petit homme,   
douce fleur des prairies de l'enfance.   



328

en forêt de belle lumière

   Escarde lâche   
fichée en la serrure   
au vestibule des attentes   
balayer les pensées     
sans permissivité.
  
De longs filaments   
descendant de la ramure   
pendent ultime verbiage   
les falbalas de l'outrance   
en régurgitation des moments de l'enfance.   

Sabir époumoné   
contre la paroi des châteaux de Thérèse   
les cris et bosses sont rassemblés   
au grand bûcher   
des vaines suppliques.   

De mille manières   
l'habit cérémonial   
enfle devant la tempête   
bulles si tôt éclatées   
pour une protection désuète.  

De givre point   
juste le roman des choses secrètes   
par devant les yeux brûlés au papier d'Arménie   
où ceindre de lumière   
la nudité tard venue   
cet effort à partager le nécessaire   
ce moment de doute   
en creux de déshérence   
ce voyage incarné de l'écriture dernière.   


326

Vaguelettes proprettes

 Vaguelettes proprettes  
 menuet sur le tapis des songes  
 l'organiste plombe ses notes  
 levée de poussière  
 accumulation dentellière  
 effraction par le milieu  
 du céans de ces lieux  
 offre cliquetante  
 d'un moment de doute  
 assis sur le banc de pierre  
 en retrait du bras de mer.  

 J'hésite et je prie  
 que d'hybride manière  
 nous conjuguions  
 l'emploi des mots  
 avec le temps qui passe  
 éraflure tendre  
 offerte en dérision  
 à l'expérience bouleversante  
 du plein et du délié  
 entre chair et mousse.  


325

les ombres c’est nous

   Les ombres c'est nous  
les parents aux extrêmes  
les enfants au milieu.  

Et puis des taupinières  
un ciel bleu blanc  
une main tendue  
l'index vif  
c'est par là qu'on va  
sans l'ombre d'un doute  
si ce n'est nous  
les faiseurs d'images  
aux marges d'un je ne sais quoi.  
 
Des lignes sages  
des couleurs atténuées  
une vigueur de gauche à droite  
un alléluia  
aux branches dénudées  
d'une tendre journée .

Par gradations mesurées  
se joignent la beauté et le zèle  
de ce qui croît en lisière de vérité  
de ce qui est là  
en l'instant méridien.  


324

gambade sage

   Écarter les fûts de la forêt     
dégager l'espace de lumière   
pour limite franchie   
laisser l'arbre   
effacer nos mémoires.    
 Avancer à la tombée du jour   
proche d'une nuit d'audace   
en accoutumance   
trouver à tâtons la nef des oraisons   
s'élever en perfection.   
Chargé de souvenirs   
sur le rai de soleil   
par un matin vibrant   
compter les grains de poussière   
virevoltant dans l'entre-ouvert des persiennes.   

Gambade 
piano didgeridoo  
mélodie miel  
rencontre sorcière  
danse du temps révolu  
farfadets et trolls  
 se mêlant aux senteurs océanes  
file le vent  
par dessus l'horizon  
la pluie cloquette  
animal escarboucle  
baratte la nuit  
d'ordres en déroute  
souvent la rébellion  
des choses si longtemps contenues  
avance rampante  
entre ajoncs et genêts  
les murs s'ouvrent  
file le vent  
évidant l'espace  
file le vent  
poursuivant les bulles ensemencées  
file le vent  
en son élan royal  
file le vent  
bruissement terminal  
file le vent 
d'avant le grand silence.  


323

Au porte à porte d’une capeline

   Elle avait mis sa capeline   
sèchement  
et pris la porte.  

Depuis,  
silence,  
commémoration en temps de crise  
petite ébréchure sur la tasse  
l'ampoule électrique clignote  
nous sommes en fin de ligne  
j'ai ouvert le tiroir à pain  
me suis coupé tranche de pain  
beurre et fromage  
façon de faire passer la pilule.  

L'horloge sonne les cinq heures  
le jour ne paraîtra que dans trois heures  
prendre un livre  
jusqu'à ce que fatigue vienne.  

La cuisinière encore chaude  
dans l'ombre  
sur laquelle mijote un reste de soupe  
un papillon de nuit se réveille  
pour se cogner à l'ampoule.  

Elle avait mis sa capeline  
sèchement  
et pris la porte.  

Sur la grande table  
ses collages 
sa vie de trentenaire  
ses souffrances amoncelées  
un regard de biche perdue  
un paysage en trompe l’œil  
je froisse le tout  
ça réveille le chat  
se dandinant vers ses croquettes.  

Souvent  
paraît que l'aventure  
passe par la rupture  
que l'on franchit sans se retourner  
offert à la nuit frissonnante  
du frêne animé par un souffle.  

Vite,  
refermer la porte  
la pièce se rafraîchit  
enfourner une bûche dans le foyer.  

Elle avait mis sa capeline  
sèchement  
et pris la porte.  


322