peindre ses fenêtres à l’encre bleue

 Peindre ses fenêtres à l'encre bleue .
Remiser la griffe du frêne .
Guetter les gouttes d'eau tomber du toit .
Montrer du doigt le faisan perché sur la clide du jardin .
Puiser l'eau de la fontaine dans les seaux de zinc .
Remettre la barrette dans ses cheveux .
Escalader le tertre exposé au vent du nord derrière la maison .

Plonger ses sabots dans la bouse fraîche .
Ne pas oublier le bonnet de laine .
Après l'orage faire naviguer les bateaux d'écorce de pin sur la flaque d'eau .
Surprendre les grands parents évoquer au coin du feu mon père et mes oncles .
Trier les lentilles dans le grand plat brun .
Choisir et manger la rave piquante .
S’asseoir sur la pierre sous la fenêtre aux barreaux

Faire la feuillée dans le pradou .
Ramasser l'herbe pour les lapins .
Choisir le bâton .
Passer la main sur le cuir rêche des vaches .
Regarder leurs grands yeux tristes .
Parfois, pleurer avec elles .
Revenir de l'abreuvoir par la côte en tenant la queue de la Mareuille  .

Rappeler les chiens, Riquette et Champagne .
Entendre le barrou de fer s'enfoncer dans sa coche .
Une unique ampoule électrique au centre de la pièce .
Monter sur la chaise prendre le fromage sous le plafond .
Ouvrir le grand tiroir aux tourtes de pain .
Aller tirer le vin du tonneau par dessus le trou .
Cette longue marche vers l'église des dimanches .
Le cadre de grand-père chargé de ses médailles militaires .
Je n'ai pas su , on ne m'a pas dit .
Que les grands devaient s'occuper des petits .
Je pars en livraison obligatoire .
La clepsydre du temps s'inverse .
Silence .
Cette levée de poussière provenant de la route en terre battue .
Par grand vent retenir les paillets prêts à s'envoler

Enfourcher le vélo .
Disparaître dans la forêt de Laroussière entre pins et genévriers .
Entendre le vent parler .
En cadence .
L'horloge frappe le temps de son battant de laiton brillant comme un sou neuf .
Ils ne se retournèrent pas quand je les appelai .
Hors la brume matinale émerge la mise en demeure de nos ancêtres .
La terre craque .
Par les anfractuosités montent les souvenirs .
Je croque la pomme .
Le pommier se courbe vers mon ombre .
Elle parle de ces cendres répandues sur le pas des portes .
Ultime cri d'amour hors les vestiaires .
Sur le champ des poteaux dressés .
En passe d'être le pré reverdi des futures générations .

Fleur parmi les fleurs le soleil ouvre et ferme leurs corolles fraîches .
La Lande de ses herbes rêches presse nos têtes contre son sein .
Au loin l'estampe des montagnes .
Le plomb du Cantal, le Puy Mary .
Résonne l'angélus .
Devant les voix qui se taisent nos doigts se joignent


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