Ma sœur Luce

Là-bas près du chêne   
Juste une petite histoire
De quelques années
Passées à s'occuper du père
À nourrir les chats
À planter des fleurs
À cueillir prunes et framboises
À éclaircir la haie
À faire que ça ne dépasse pas chez les voisins
À saisir dos au mur
La bouteille d'oxygène sous la main
Le souffle des saisons
Entre grognards et poilus
Dans cette plaine immense
Au passage des armées
Distribuant la souffrance et le sang
Elevant la voix de errants
Parmi les os saillis de la terre retournée
Pour lit de mousse
En fond de jardin
Ecouter la grenouille
Saisir le chant des oiseaux
Suivre la luciole
À bon port
Sans se retourner
Dans la vérité du monde
Lumière en main
Attendre le retour des eaux calmes.

1290

Millepertuis

Millepertuis   
Au casque d'or   
Que le vent caresse.      
 
Tombée de nuit   
À la coque craquante   
Sitôt la noix ouverte.      
 
Que surgissent les ombres   
Et s'accomplisse l'offrande   
Sans crainte à demi-mots.      
 
Lolita   
De crânes disposés   
Le long de la voie carnassière.      
 
Furtifs échanges   
En sortie de l'allée   
À couvrir de tulle les os de l'année.      
 
Merle m'as-tu dit   
Que nous serions de garde   
À son arrivée.      
 
Frênes tremblants   
Soutenant le cri des oiseaux   
Sous le rire des nuages.      
 
Et ne plus accueillir   
La suintée des regrets   
Sous le coude accumulés.      
 
Mer en finistère   
Dans l'herbe fauchée   
Annonce l'été.      
 
Trace du chemin   
Aux fleurs bleues   
Des paroles pour demain.      
 
Gargote dans la haie   
Recouverte de lierre   
Augure d'un mystère.      
 
Le carnet refermé
Restent sagement classées
Les heures suspendues.
 
1289

Les vaches sortent

Se replient les ailes de la nuit   
Au petit jour au petit rien   
D'un matin de juillet   
De rosée épanoui   
Dans la cour de ferme   
Les vaches sortent   
Se frottant cuir et cornes   
Les bouses fraîches   
Fleurant la venue   
De rêves d'herbes   
Lande proche   
Devant le regard pâle   
De l'ange des pâtures   
Présageant la douce pensée   
Tendresse et détresse mêlées   
Hors du nid   
De l'envol de la nostalgie.      
 
1288

Les neuvaines

Y'a des neuvaines à la pelle   
Dans la grand'cour d'école   
Que le vent interpelle   
Croix de bois croix de fer   
De la terre à la mer.      
 
Minutes grasses de la nuit noire   
Au risque de paraître bégueule   
Nous fîmes le tour de l'allée couverte   
Chênes devant   
Dalles de granit par derrière.      
 
Et la lune grossissait   
Piquante à souhait   
De ses crocs rigolos   
Faisant patère porte nuages   
Du déplié d'un ciel de traîne.      
 
1287

Saturé de lumière

Saturé de lumière   
Palmant les eaux    
Il était au pré carré de la loyauté   
Le penchant bienfaisant   
Des élites du rang.      
 
Coquillardes mandibules   
À portée de Jéroboam   
Navré d'écailles et de poils   
Ils étaient les diptères   
Sortis un soir de terre.      
 
Les aimants   
Les émaux, les émeus   
Les aimerons nous encore   
À pleines brassées de foin coupé   
Ces victimes d'Auschwitz et d'Hiroshima.      
 
1286

Trois pièces d’or

Trois pièces d'or   
Au fronton de l'hospice   
Marquent l'entrée des roses trémières   
Offrande à même le devenir   
De l'espace en littérature.      
 
Au musée des antiquités   
Les bandelettes des momies   
Chargées sur des chars    
Faisant tapage de leurs chenilles   
Empreints de la fresque guerrière.     
 
Jouant flûte de pan   
À la sortie de l'église   
La foule se pressait   
Vers l'arrière-cour de la déréliction   
Ouverte sur le vide sidéral.      
 
1285

Les grands arbres

Les grands arbres   
De l'allée couverte   
Ont éclairé le cloître   
Au meilleur de l'orgueil.      
 
Puis vint la liberté   
De la lumière des anfractuosités   
À soutenir le silence   
Grave, massif et doux.      
 
Et l'on marche   
Entre les herbes hautes   
vers la trouée de lumière   
Par la forêt souveraine.      
 
Ni toi, ni moi   
Resterons bras croisés   
Devant les murs de la cité   
À quémander subsides de l'effroi.      
 
1284

Les larmes douces

Les larmes douces
Contre les chênes   
À portée de l'esprit   
Ont la saveur de leur origine.      
 
Saigne faiblement   
Dans l'aube tiède   
Le monde entrecroisé   
De la nuit et du jour.      
 
Récifs de la vie    
Pressentis jeune   
Font l'ange sous l'orage   
À mesure du souffle qui gronde.      
 
Effrayé   
En route par les traces appelé   
J'eus en plein vent   
La connaissance de l'errance.      
 
1283

La présence à ce qui s'advient