Papilles rêches

Poule rousse caquetant
Dès l’embrasure de la porte
Attelage remontant
En tête de cohorte
Les bœufs se mirent à beugler.

Rose paradis
Des soldats endormis
Cette main malicieuse caressait l’herbe piquante
Cette main de haute couture
Pour papilles rêches.

Tel le sucre-neige
Au bas des pentes
Elles étaient attendues
Feuilles entrouvertes
Les petites choses de l’avent.

À émettre
Hardiment arrimé au hunier
Sans effet de retour
Le cri de l’hallali
Permet la phrase courte.

Écrire le son des sonnailles
Tend la longe de l’esprit
Bête des sous-bois
N’enseignant plus depuis belle lurette
Qu’aux sept épis de la Saint-Jean.


1487

À la croisée des champs

À la croisée des champs
Pastourelle étendue près d'elle
Ai levé la pensée au rire des sens.

Rafraîchi de près
Par l’odeur des moissons
Ai remisé l’envie d’aller battre campagne.

L’herbe humide caressera
Le contour du langage
Aux doigts de lune.

À regarder de près
L’alignement des sillons
Ai regretté la pliure des ans.

L’enfant suivi du chien
Sur la mule des prés caracolait
À l’envers du décor barrière baissée.

Laisser venir les mots
Occasionne force et beauté
À l’encan de la note signée.

Vertige à mourir d’ennui
Dans l’arène aux habits de lumière
S’oppose la foule des abeilles voyageuses.

L’Univers s’est fait la malle
À perpette jusqu’à la nausée
En jean, baskets et tee-shirt.

Au centre une rose trémière
Harnachée de clochettes remontantes
Poursuit son rêve.

Ondulant de la croupe aux épaules
Elle tenait un vélo
Dans la nuit du cœur, nue.

Si le poème boîte sur sa fin
En de bonnes mains
Faisons bruire la rivière.

Buissonnier des sourcils
Il était le nouveau-né couché sur la paille
À suivre à petits pas.

1486

Les regards se croisent

Se croisent les regards
Sur la margelle
Le soir
Quand la branche se brise
Que le vol des lucioles se fait délicat
Que les senteurs de lilas s’exhalent
Que la force de sève gonfle les pétales.

Le filet se resserre
L’instant éphémère contenu
Suggère la redondance
De l’esprit aux quatre coins courant
Vers l’infini ouvert
Du volcan des origines
Entre source et nuages.

L’heure est venue
D’aimer
De ne pas mourir
De se fondre dans le Visage unique
En avant de soi
Au survol des corbeaux
Par le dialogue éternel.

Les mailles sont fines
Au plus-ou-moins-tout
Du souffle se haussant
Sur la pensée de plain-pied
Énergie des profondeurs de l’Être
En l’alliance à trois faces
Ombre offerte à l’homme de longue errance.

Le lieu de toute vie
Est Vide médian
Caressant au plus mûr de l’été
La senteur des moissons
Flamme d’entre les ténèbres
Entrant en communion avec l’univers
Sourires partagés aux abords de minuit.

La Vie désire
La fin jaillit
Hors du cercle circassien
Mailles à partir
Du temps gonflé de sang
Accédant au chant
Par le pur silence.

1485


Faire la liste

Faire la liste 
Des lettres envoyées
Des lettres reçues
À ne plus déchiffrer
Qui mérite ou pas le pas de côté.

Un cadeau hérité
Que l’histoire érige
En renoncement
De la fleur frisottée
Posée sur le trait de plume.

J’œuvre
Et ouvre de mes dents de lait
Le caractère dansant
De la disposition à l’écriture
Par l’alignement des points de croix.

Le gris support efficace
Cligne de l’œil
Au jardin des délices
Hésitant entre l’élan vers la cime
Et le remous vers l’abîme.

Le vrai est là
La marguerite à six pétales
S’est parée de silence
Les pistils en serre-file
Étant le centre ardent.

Range tes effets de lumière
Secoue les hardes au vestibule
Module à petits cris
L’arrivée du train
En gare de Talizat.

Les sacs de poésie
Seront jetés sur le quai
Les arbres frissonnant une dernière fois
Occuperont l’espace
Moulurant les lignes de force de l’encombrement.

À caractère aigu
L’or gelé n’y retrouverait mi
Que l’élément naturel
Picoré de mèches ardentes
Par l’ultime luciole.

Farde-toi
Écorne le coin du livre
De l’ombre de la lune
Pour délicat déplié du paysage
Dévoiler la présence de l’outrage.

À l’instant
J’ai traversé la paroi de tôle fine
Beauté du palpable léger
Dont l’Ineffable fait mystère
Sous la gangue des mots.

Va
L’infini
Que le tarmac ne peut atteindre
En souvenir d'un dernier vol
Reflète la douleur des anciens.

Gaine plastique
Drainant le remuement des ions
J’ai croisé l’ineffable
Avec la nature toute entière présente
Comme ponctuation de bas de page.


1484


Le génie de l’alpage

Rencontrer le frère de l'alpage
Pour lui dire
Que nous sommes en train de rêver
Que de rêvasser avant de dormir est piste fraîche
Et qu’il n’est jamais trop tard pour le faire.

Dans l’entre-deux-vies
Je l’appelai par son nom
Pour que dans l’échange
Je l’entende me dire
Que lui ne rêvait pas.

Le mufle bien calé dans l’herbe
L’œil vif
La tête plate aux poils ras
Il humait la terre fraîche
Et tout semblait réuni.

Rester présent dans le sommeil
C’est ne pas perdre sa nuit
Et nos chances d’être conscient
Avant le grand passage
Aux formalités peu connues.

Les Êtres Rêves ont sillonné la terre
En semant leurs empreintes
Dans un monde parallèle
Modelant leur apport
Jusqu’à saisir les cailloux Du Petit Poucet.

Toute chose est esprit
Doublons la réalité tangible
En faisant croître notre puissance de participation
En choisissant le génie
Qui nous fera s’advenir.


1483

Regard et Silence

Franchir les voiles
Exaltation passementière
De résister au connu.

Décadence
Que de visiter le passé
Alors que l’ouvrage avance.

Sur la route
Se remémorer le dernier voyage
Augure un tête-à-queue vestibulaire.

Le sillage des visages
En odeur de sainteté
Plisse la lucidité.

Perclus de contingences
L’armoire blanchit sa vitrine
Que le chiffon rouge assassine.

Sachons cueillir le mystère
L’inconnu y advient
Tenant banquet des manquements divers.

Membre à part entière
D’une enceinte géométrique
Rend la suite soporifique.

D’un profond échange
Naît l’infini
Adossé à l’oubli.

Ne négligeons pas
Le dernier trait de fusain
Révélant la mémoire enfouie.

Si le vent souffle haut
Sois racines enchâssées
Dans l’aube pulvérisée.

Entre Regard et Silence
Un centre ardent paumelle
Quelque rusticité.

À saisir prime jeunesse
Au sceau de l’âge mûr
Engendre maints murmures.


1482

Miel de terre

Miel de terre
En retombée de mille fleurs
Vous êtes partisan
De cette mélodie
Au gré des vagues
Que la marée dépose
À cœur perdu
Sur le sable des plages.

Farigoule à portée
Portes ouvertes
Élan ferme et lent
Que le vent fait sien
Au blanc-seing de l'esprit
Hurluberlu éberlué
Le long des côtes
À hauteur du destin.

Fêlure fraîche
À la pointe du jour
Du murmure sagace
Contre le mur de grâce
Mène à l’encan
Cette romance
À même le sang versé
En Ukraine ma reine.

Connaître de vous
Les dents, la langue
Au palais-vertige
D'une rencontre
Sous le pont Mirabeau
Des tendresses à demi-mots
Agitées par la fenêtre
Le temps de naitre.

Sait-on jamais
Que les Grands aiment
Les poupées
D’une perle évaporées
Au suçon de paix
D’un abord de circonstance
Qu’avec arrogance

La passion fait jaser.

Suivre le rouge-gorge
Sans que froidure advienne
Au cap Blanc-Nez
De basse saison
Je, tu, elle
D’un coup d’aile
L'extase
En rase campagne.

1481

Pour …

Orage Visage
Pour la vie à venir
Aux vicissitudes des uns
Correspond l’avenir des autres.

Délimité par son identité
Le gouffre de l’Incertitude
S’est offert la joie sans cause
D’une gitane de hasard.

Par la fenêtre
Les feuilles mortes tombent
À Tomblaine ou ailleurs
Telle la toupie des phrases.

Pour de vrai
Dire que la lampe à souder les mots
Contrefait l’école buissonnière
À la barbe du destin.

Mire-t-on le mirliton
Au fond de l’âme
Plus bas que ruse
À l’aube du septième jour ?

La vague est ronde
Étrange goule d’alcool fort
Occultant la nature
Comme doigt sur le lèvre.

Fiche-moi la paix
Passion triste des maudits
Que le vent soulève
Au risque de la déchirure.

Sujet gravé sur la pierre de sel
Miroir éventré au sortir de l’enfance
J’ai passé de longues années
À regarder le balancier.


Un bruit d’absence
Parcourt la campagne
Que le loup traverse
Museau levé haut.

Pour un visage aimé
À l’ordinaire
Nous étions quittes
D’une pincée à l’oreille.

Maintenant où la pensée éclaire le cœur
Gribouille de partout
Le regard de l’Insupportable
Au masque de grimoire.

Chevillé au corps
Le soleil s’est couché
Pour âme de passage
Se noyer dans l’encrier.

( Dessin de Jean-Claude Guerrero )

1480


Deux pierres de beauté

Deux pierres de beauté ont surgi
Telles oreilles enchantées
Du méli-mélo de racines
Suppléant à la timidité feinte
Du promeneur familier

Titubant sur la sente rocailleuse.

En ce jour de l’Assomption
Le linge séchait dans le pradou
La cloche de Saint Lambert avait sonné
Nous attendions habillés de près
Souliers cirés
Près des grosses pierres de l’entrée.

Souvenir souvenir
De la chambre d’écho des Matillou
Retentirent les voix raffinées aux petits oignons
Des femme-mères afférées à leurs derniers préparatifs
Alors que les homme-pères bichonnaient les voitures
Là-haut sur la route.

La forteresse de l’avenir était à prendre
Le manuscrit bouclé
La mélancolie cachait ses dernières poussières
La page se tournait
Vite fait bien fait
Au déplié des visages familiers.

Écrire c’est prendre soin
De ce que l’on voit
Phrase après phrase
Lorsque le frêne et le tilleul bruissent
Et que montent du muret
Le souffle de la présence des anciens.


1479

Propre et dur

Propre et dur
Sans grain chenu à se mettre sous la dent
La vraie Vie en fond de cour
Porte ouverte
Cœur timoré
Nous avons convenu d’évaluer l’espace monacal
Cette offrande de l’orthogonalité des lieux.

Rectitude et Fermeté
Amusent la foule
Alors que le petit homme
Perdu, éperdu, généreux, épuisé mais toujours debout
Est la risée de tous
Sans que la douce fleur advienne
Dans ses épousailles avec le monde.

En fond de la ravine
Parmi les dangers de la paresse intérieure
Le Ciel s’amuse à nous punir
Nous les maîtres de notre destin
Enclins à se nourrir à la paille
Parmi les traits d’humour
Jusqu’à ce que corde vibre au sortir de l'ombre.


1478


La présence à ce qui s'advient