Le génie de l’alpage

Rencontrer le frère de l'alpage
Pour lui dire
Que nous sommes en train de rêver
Que de rêvasser avant de dormir est piste fraîche
Et qu’il n’est jamais trop tard pour le faire.

Dans l’entre-deux-vies
Je l’appelai par son nom
Pour que dans l’échange
Je l’entende me dire
Que lui ne rêvait pas.

Le mufle bien calé dans l’herbe
L’œil vif
La tête plate aux poils ras
Il humait la terre fraîche
Et tout semblait réuni.

Rester présent dans le sommeil
C’est ne pas perdre sa nuit
Et nos chances d’être conscient
Avant le grand passage
Aux formalités peu connues.

Les Êtres Rêves ont sillonné la terre
En semant leurs empreintes
Dans un monde parallèle
Modelant leur apport
Jusqu’à saisir les cailloux Du Petit Poucet.

Toute chose est esprit
Doublons la réalité tangible
En faisant croître notre puissance de participation
En choisissant le génie
Qui nous fera s’advenir.


1483

Regard et Silence

Franchir les voiles
Exaltation passementière
De résister au connu.

Décadence
Que de visiter le passé
Alors que l’ouvrage avance.

Sur la route
Se remémorer le dernier voyage
Augure un tête-à-queue vestibulaire.

Le sillage des visages
En odeur de sainteté
Plisse la lucidité.

Perclus de contingences
L’armoire blanchit sa vitrine
Que le chiffon rouge assassine.

Sachons cueillir le mystère
L’inconnu y advient
Tenant banquet des manquements divers.

Membre à part entière
D’une enceinte géométrique
Rend la suite soporifique.

D’un profond échange
Naît l’infini
Adossé à l’oubli.

Ne négligeons pas
Le dernier trait de fusain
Révélant la mémoire enfouie.

Si le vent souffle haut
Sois racines enchâssées
Dans l’aube pulvérisée.

Entre Regard et Silence
Un centre ardent paumelle
Quelque rusticité.

À saisir prime jeunesse
Au sceau de l’âge mûr
Engendre maints murmures.


1482

Miel de terre

Miel de terre
En retombée de mille fleurs
Vous êtes partisan
De cette mélodie
Au gré des vagues
Que la marée dépose
À cœur perdu
Sur le sable des plages.

Farigoule à portée
Portes ouvertes
Élan ferme et lent
Que le vent fait sien
Au blanc-seing de l'esprit
Hurluberlu éberlué
Le long des côtes
À hauteur du destin.

Fêlure fraîche
À la pointe du jour
Du murmure sagace
Contre le mur de grâce
Mène à l’encan
Cette romance
À même le sang versé
En Ukraine ma reine.

Connaître de vous
Les dents, la langue
Au palais-vertige
D'une rencontre
Sous le pont Mirabeau
Des tendresses à demi-mots
Agitées par la fenêtre
Le temps de naitre.

Da li ikada znamo
Que les Grands aiment
Les poupées
D’une perle évaporées
Au suçon de paix
D’un abord de circonstance
Qu’avec arrogance

La passion fait jaser.

Suivre le rouge-gorge
Sans que froidure advienne
Au cap Blanc-Nez
De basse saison
Je, vaša, ona
D’un coup d’aile
L'extase
En rase campagne.

1481

Pour …

Orage Visage
Pour la vie à venir
Aux vicissitudes des uns
Correspond l’avenir des autres.

Délimité par son identité
Le gouffre de l’Incertitude
S’est offert la joie sans cause
D’une gitane de hasard.

Pored prozora
Les feuilles mortes tombent
À Tomblaine ou ailleurs
Telle la toupie des phrases.

Pour de vrai
Dire que la lampe à souder les mots
Contrefait l’école buissonnière
À la barbe du destin.

Mire-t-on le mirliton
Au fond de l’âme
Plus bas que ruse
À l’aube du septième jour ?

La vague est ronde
Étrange goule d’alcool fort
Occultant la nature
Comme doigt sur le lèvre.

Fiche-moi la paix
Passion triste des maudits
Que le vent soulève
Au risque de la déchirure.

Sujet gravé sur la pierre de sel
Miroir éventré au sortir de l’enfance
J’ai passé de longues années
À regarder le balancier.


Un bruit d’absence
Parcourt la campagne
Que le loup traverse
Museau levé haut.

Pour un visage aimé
À l’ordinaire
Nous étions quittes
D’une pincée à l’oreille.

Maintenant où la pensée éclaire le cœur
Gribouille de partout
Le regard de l’Insupportable
Au masque de grimoire.

Chevillé au corps
Le soleil s’est couché
Pour âme de passage
Se noyer dans l’encrier.

( Dessin de Jean-Claude Guerrero )

1480


Deux pierres de beauté

Deux pierres de beauté ont surgi
Telles oreilles enchantées
Du méli-mélo de racines
Suppléant à la timidité feinte
Du promeneur familier

Titubant sur la sente rocailleuse.

En ce jour de l’Assomption
Le linge séchait dans le pradou
La cloche de Saint Lambert avait sonné
Nous attendions habillés de près
Souliers cirés
Près des grosses pierres de l’entrée.

Souvenir souvenir
De la chambre d’écho des Matillou
Retentirent les voix raffinées aux petits oignons
Des femme-mères afférées à leurs derniers préparatifs
Alors que les homme-pères bichonnaient les voitures
Là-haut sur la route.

La forteresse de l’avenir était à prendre
Le manuscrit bouclé
La mélancolie cachait ses dernières poussières
La page se tournait
Brzo uradjeno dobro uradjeno
Au déplié des visages familiers.

Écrire c’est prendre soin
De ce que l’on voit
Phrase après phrase
Lorsque le frêne et le tilleul bruissent
Et que montent du muret
Le souffle de la présence des anciens.


1479

Propre et dur

Propre et dur
Sans grain chenu à se mettre sous la dent
La vraie Vie en fond de cour
Porte ouverte
Cœur timoré
Nous avons convenu d’évaluer l’espace monacal
Cette offrande de l’orthogonalité des lieux.

Rectitude et Fermeté
Amusent la foule
Alors que le petit homme
Perdu, éperdu, généreux, épuisé mais toujours debout
Est la risée de tous
Sans que la douce fleur advienne
Dans ses épousailles avec le monde.

En fond de la ravine
Parmi les dangers de la paresse intérieure
Le Ciel s’amuse à nous punir
Nous les maîtres de notre destin
Enclins à se nourrir à la paille
Parmi les traits d’humour
Jusqu’à ce que corde vibre au sortir de l'ombre.


1478


De la boule à la spirale

J’ai prêté l’oreille
Et la pierre m’a répondu.

Qui ne mange pas est mangé
Et qui mange bifurque.

Plus gros que toi
J’ai embarrassé le monde.

La boule dure dans la goule
Rejoint le labyrinthe invisible.

Selon son âme selon son cœur
Parvenir un jour en lisière.

Cette destination suggérée, pressentie, entretenue
C’est le secret.

La dureté de l’épreuve
Est chemin de progression.

Se perdre
Pour abandonner ses vieilles références.

Dans la forêt des symboles
J’ai greffé la branche du coudrier.

De paix habité
Ramasser la plume d’or.

Au-delà de nos capacités apparentes
Trouver la boîte noire.

Énorme pierre philosophale
Grésillant d’étincelles bleutées.

Pris en charge par des forces
Écrire le jour et la nuit.

Pomme perchée au plus haut de l’arbre
Reçoit la parole des étoiles.

J’ai joint un timbre pour le retour
De la divine Source le moyen de servir.

Accompagner l’œuvre
D’une infinie patience.

Tout est présent
Juste mettre en ordre.

Pas de notice de montage
Pour les pièces et rouages de la machine humaine.

Élaborer sa propre forme
Selon un modèle unique.

Le point d’attraction de toute chose
Est connaissance du tréfonds, de l’intime et de la conscience d’un absolu.

La rose de la totalité
Sèche et flamboyante entre soleil et lune.

De la boule à la spirale
Le temps d’une gestation.


1477

Stylet du haut des cathédrales


Stylet du haut des cathédrales
À la pierre tombale feinte
Tendre vertu
À rentrer au Point du Jour
Par la fente de volupté.

Il est du monde
Que frontière entre les vivants et les morts
Délice de la Goule
D’où viennent les moineaux
Vraie poésie de la lumière.

Main aux herbes courbes
Ensemencement jusqu’à sa propre consomption
D’une vigueur altière
À portée des feuilles sèches
Cingle une dernière voile.

Chercher n’est pas trouver
Le livre à la sueur d’encre
Qui par nuit de septembre
Allumera un dernier feu
Éclairant les yeux mouillés de l’aube.

À se taire plus longtemps
Les mains pariétales
Gagnent la pelouse sage
Devant le fleuve de boue
En toute subtilité.

Bruits tout partout
Du Maître des écritures
Apposant sa patte d’encre
Sur la logique dépouillée
D’un éternel enlisement.

Lovée dans sa conque marine
Le vide stylisticien
Avale la contrée aux flocons de neige
Part intangible de sa légitime passivité
À boucler bas la ceinture des instincts.

Battre campagne
À fleurs de lys rabattus
Engage le bougre à rallumer la flamme
Contre la pierre froide
De son originalité.

Ombres et lumière s’enlaçant
À la veillée des échanges
Je saurais être la main miraculée
Sortie de terre
Terrassée par la musique des orgues.

Du trou la main se lève
Doigts et ongles enrobés de glaise
Vers la fleur de lotus
S’efforçant de percer les nuages
Aux marges de la grâce.

Sur la paroi
Dansent les ombres de la préhistoire
Traits lancés contre le mystère
À ne pas mourir trop vite
En ces temps de rêveries prononcées.

Nichée de mai
Cadavre exquis tombé sur la pelouse
Les branchettes ferraillent sèches
Jusqu’à l’ivresse de renaître
Au jeu des particules lumineuses.


1476

Avec ferveur et humilité

Avec ferveur et humilité
Dans le jardin des souvenirs
Il fallut jouer des coudes
Pour porter la pignole
Dans la sérialité de l’âme
Jusqu’au foyer grand-parental.

Les sourires colorés de nos désirs
Ont gravi la côte
La fleur au ventre
Conscient de grandir en l’Être
Par amour de la Beauté
Et de la Vérité.

Rambarde jusqu’en fond de couloir
Par temps de musique triste
À l’assaut du faîtage vers l’ascension unique
Dégageant le remuement des oiseaux
L’empreinte noircie sur les murs de chaux
Rappelant les torches du passé.

Vivre c’est rassembler des grappes d’images
Dans l’ivresse de renaître sous la liqueur bleutée de l’air
Aux marches du destin
Que le hasard fait sien
Par l’instabilité du gargouillis de l’esprit
Livre ouvert sur les genoux.

Pas besoin d’anges ni trompettes
Au corridor des amours
Prélude incessamment répété
Par la musique des sphères
Sur un fond de fox-trot
Grésillant en fond de grange

Faut savoir
Que la douleur
Seule en bord de route
Marque le grignotage de l’âge
Engendrant plaies et bosses
Au paradis des jours à venir.

Place au Méphisto de l’ombre
D’étage en étage
La pluie se fait bruyante
Sur les vasistas


1475

Flamme Visage et Dentelles

Flamme Visage et Dentelles
Rêveries de la religiosité
Bonbons de guimauve
Camisole de force
Cène officinale de l’Être
Alphabet des mondanités
Une sainteté va
Bruit sourd du marteau-pilon.

Appel au grand air
Baguettes magiques sur le tambour de l’âme
En guerre contre la fausse parole
Geôles ouvertes devant le petit écran
Dédicace manuscrite au feutre noir
Le pont entre la boue et la mélancolie
Une écriture de garde-barrière tôt levé
Prince-poète des esthètes et des moralistes.

Aux horloges du monde
Les ressorts se sont cassés
Le visage reflet s’est usé en rase-campagne
La tête de l’hydre s’est envolée
Un clou enfoncé dans la misère du monde
Le passe-droit des contemplatifs
Un arrachement aux cimaises de l’ordre
Le premier jour d’école d’une passion triste.

C’est dans le noir qu’on prend feu
Qu’il nous reste tout à découvrir
Que les chevaux de la pensée éructent
Que le bruit du papier froissé fait mystère
Que se révèlent les lumières de la poésie
Grignotage du simple et du gentil
Connaissance de la déchirure
Bouche-à-bouche d’amour avec la chose.



1474

La présence à ce qui s'advient