L’arbre blessé

De plongée en plongée
Par la fenêtre ouverte
L’arbre soumis à la trace
S’est démarqué jusqu’à libération
Des scories de l’avenir

À l’heure du passage.

Ohé matelot !
Barre à droite
En l’état d’éveil
Il s’est associé au mouvement
De l’air et du vent mêlés
Amour et Joie de sa vraie nature.

Songe paisible
En l’absorption des données
Il a recouvert de son écorce
Le forçage des attaches
La mécanique des outrages
Au libre-arbitre de l’impensable.

Foule floue
Aux fleurs récipiendaires
Vous brossez d’un geste équanime
L’allongé des nuits
Au piège même de l’infini
Sans émotions ressenties.

Éparpillés
Devant le but en soi
Vous vous êtes permis
D’écraser de l’ongle
La particule hallucinée
Des effets de l’ombre.

Tout est neuf, tout est parfait
Il n’y a de souffrance
Que la bienveillance absoute
Piège où déchirer son filet
Devant l’espace immaculé
De notre destinée.

1497

La poule de Pouzol

Poule d’entre les chaises
À la porte du manoir
Se mit en quête de la dotation
Du maître des lieux
Offrande principielle.

Elle glousse la poule
Se dirigeant vers la table
Des retombées quelques miettes
Mêlées à la terre poussiéreuse
Du piétinement des convives.

Un œuf serait le bienvenu
Chère Poule de Pouzol
À se mettre sous la langue
Distraitement
Dans le secret du rire des Anges.

À hauteur de poule
Le sol en solstice d’été
Change de saison
Dans l’éclairage vrai
De la consumation des mots.

Elle enflamme l’herbe
La poule du poète
Dans l’attente légère
D’un regard lavé de tout préjugé
Aux sources de la Vie.

Je t’en remercie
Poule de Pouzol
De m’avoir investi
De l’œuvre simple
D’être en ta présence.

1496

Il a tourné son regard vers l’arbre

Accéder à la vérité
Sans aimer sa vie
Car qui s’attache à son être-en-vie
S’y enlise et meurt.

Se hisser hors de ses adaptations
Accéder en soi à la vie vivante
Où s’engager jusqu’au dernier sou de son âme
Et recevoir toute la création.

Il a tourné son regard vers l’arbre
Comme on se penche sur une eau de rivière
Pour y puiser force et goût
De poursuivre le chemin.

C’est dans la proximité de l’arbre
Où contenir la vie en crue
Dans le lit de l’attention
Qu’il faille s’écarter et basculer.

Le silence
Le cœur de ma sœur
À folle allure
S’est livré à l’interlocuteur privilégié.

La clarté s’est élargie
Fidèle à l’accueil en soi
Du plus grand que soi
En sortant de la clôture du moi.

1495

Le fil à linge

Descendu de la montagne
Il s’est effeuillé
Telle carte postale décolorée
Que la parole efface
Avant dérive en oubli.

Je t’écris au bord du mur
À contempler le filé des nuages
Comme félibrige ensemencé de poésies
Prêt à ouvrir la fenêtre en grand
Sur l’entre-deux de notre histoire.

Tu étais assise là
Entre le visible et l’invisible
Paupières du cœur hélant la flamme
D’un livre l’autre
Disposé sur le cairn d'un pèlerinage.

Sans âge
J’ai craqué l’allumette
Pour visage apparu
Réanimer le temps perdu
De coups de pagaie dans la cible de nos vies.

Sous le fil suspendu
À la frontière des vivants et des morts
J’ai déposé un reste de neige
Sous le pas des chevaux
En échange du linceul.

La tempête soufflera le sable des murmures
En acceptation de la secousse merveilleuse
Statue se brisant sous le rire des dieux
Quand papillons de grâce
Disposer les feuillets sur le fil à linge.

1494

C’est vrai

C’est vrai
De nuit comme de jour
Que la pluie creuse la paume
Que les sons farfouillent et tressent l’air
Que les enfants sont bels.

C’est vrai
Qu’il n’y a pas à s’arrêter de vibrer
Qu’une force invisible forme et déforme l’objet
Que l’étrangère de peau crucifie les pensées
Que l’agir crée l’espace.

C’est vrai
Que d’entrevoir laisse percer le rêve
Que la plume devient inquiète quand la banquise craque
Que par le biais de l’accent tonique l’ADN est modifié
Que d'articuler les paroles mène au magma lacrymal.

C’est vrai
Que l’osier ose se balancer
Que la lunette nous rapproche du fond de scène
Que la lumière écarquille le sens et l’âme
Que l’ombre graphe les signes auspicieux.

C’est vrai
Que les mutations rendent les conversations errantes
Que l’imaginaire collectif fait chorus
Que la parole brute jaillit par l’émotion
Que les jacasseries affouillent les plaies.

C’est vrai
Que la mise à distance interroge l’aventure
Que le hors-champ cingle vers les terres australes
Que les forces vives entremêlent promesses et dangers
Que le non-jeu fait sien le bandeau sur nos yeux.

1493

Le bourdon

Les Grandes Oreilles de la Remugle
Se sont penchées sur le grandir et le vieillir
Mouche à Mouche d’une narration adaptatrice
Cliquant sur l’Avenir
Le Reverse du capitaine Crochet.

Moment choisi par la nuée des insectes
D’élire le meilleur d’entre eux
Le bourdon à l’intelligence collective développée
Que même la parade de la drosophile
Passe pour un harmonium désaccordé.

À même d’écouter cette histoire
Ils abusèrent l’auditoire
Par quelques chansons coquines
Narrant par le menu
Les aventures pichrocolines des faiseurs d’anges.

Écriture soignée
De matière sonore équarrie à la hache
Ils ont fouillé la terre de nos ancêtres
Par l’envoi du quotidien
Le sens et l’émotion faisant florès.

Plume d’or descendante
Virevolte incarnée des bonnes idées
Les fêlures de l’esprit
Accueillirent les restes sacrificiels
Du taureau de circonstance.

Le ciel noir
Gardait sa résille des commémorations
Pour entonner l’hymne des cieux
Sur un air de fanfare
Ivre du jour où la barrière céda.

Le bourdon butineur de chèvrefeuilles
Persistait à confier son lourd secret
De coroles en pistils
Sans qu’un chagrin d’amour
Vienne éparpiller les appels au secours.

La pluie de ses augustes gouttes
Fouaillait le sol
Données froides aux rebonds athlétiques
Permettant de casser la molécule
Pour encore plus de mémoire.

Quant au bourdon de bonne foi
Il saura en imposant son rythme
Trouver partenaire à sa mesure
Par un rituel de séduction
Privilégiant le désir brûlant à la vie.


1492

Le complot du lotus

Vingt Vingt Vingt et Un
Et la nuit vint
Au carré d’as de la mise à cru
Au carénage des structures élaborées
Dont préférer la douleur familière
De l’arrivée dans un lieu nouveau
À l’humiliation assurée
De déclencher le cri qui tue.

Vingt Vingt Vingt et Deux
Le petit train d’Elon Musk
Gargouille de plaisir
Près de la fleur de lotus
Au passage des rondins de bouleau
De par la schlitte transportés
Sous un dais de chèvrefeuilles
Parfumant l’inutile de nos jacassements.


Vingt Vingt Vingt et Trois
Ourdirent le complot du lotus
Dont la fleur patinée de lumière
En son eau chargée de nutriments
Paraissait l’ultime stase
D’un cycle d’au-delà les collines
Que la cornemuse faisait vibrer
Dans la levée des brumes matinales.

1491

Les vingt quatre vautours

Je viens de loin d’ici
Et me repais de chair morte.

Je plane et vois
L’offre de vie au déplié du vent.

En groupe j’adhère
À la promiscuité des arrangements.

Dans la torpeur du matin
Je suis le nomade des chasseurs-cueilleurs.

À fond dans l’école du risque
J’enrobe d’instinct toute science de la conservation.

Dans les grands champs d’ombre et de lumière
Je préfère la tâche rouge vif.

Dans mon travail de péréquation
J’opte pour une existence longue et opportune.

Un jour les planètes s’aligneront
Dans un dernier survol de plumes et de silence.

Je suis tout en haut de l’échelle des valeurs
Tout en culpabilisant de ne pas donner la mort.

Face aux émotions fortes
Je tourne en rond.

Je suis le Mickey
Au manège des esprits.

De l’effet placebo
Je gobe le papier froissé dans la poubelle de l’instant.

Devant l’enfumage organisé des carcasses abandonnées
Je suis le Jet Stream de la rotation planétaire.

Je persiste sur mon aire de jeu
Comme l’enfant dans son bac à sable.

Par l’évitement de la nouveauté
J’évite l’illusion de l’indistinct.

Parfois dans le ciel bleu de nuit
J’ai surpris des bulles entrer en collision.

Je suis descendu dans le jardin des hommes
Subtiliser le renard et la poule.

Un repas suivi de plusieurs jours de jeûne
Affirme la raison d’être du rapace.

Me suis miré dans une flaque d’eau
En engageant le bec dans ses rides concentriques.

Un jour, me posant sur la cime d’un arbre
J’ai oscillé jusqu’à la déraison.

Par un vol plané de perdition
J’ai rejoint le sol.

Foulant l’herbe de mes ancêtres
J’ai senti le « chi » me donner force et âme.

Puis de m’élever tête altière
Je perçus le message qui me sera donné.

« Vole et te plais
De réveiller les étoiles dans le néant des cœurs. »

1490

Par deux

Par deux
De mise à l’écart
Le couple forme et déforme
L’instinct de la rencontre.

Telles pierres suspendues
La ruine dresse un dernier mur
Sous un ciel impavide
Que pigmentent les nuages.

Un regard étranger
Découpe sèche à l’horizon débonnaire
Offre à la vastitude
Ce que nous avons accumulé.

Frisson de la dépossession
Face aux grandes herbes accoutumées
La donne est abondante
Pour les suppliants de la sagesse.

Table mise
Promise à ceux du front
Remettons le bleuet
Après le bruit du canon.

Un air frais découpe la lumière
En lanières d’ombre
Propice à la saisine
Du marché aux esclaves.

Miss Mouche
S’emmanche à déraison
Dans la contrefaçon
La fourche à bout de bras.

Mister Marron d’Inde
Au summum de la colline
Pêche à la ligne
Sans honte feinte.

Se tinrent par la main
Les enturbannés de la mission
Malgré maintes démangeaisons
Et ce jusqu’au matin.

Sur le filament de l’unique ampoule
Firent du trapèze
Sans que cela pèse
Au grand ahurissement de la foule.

C’est en fin de partie
Que l’on compte les points
Les rogatons se poussant du pied
À grands éclats de rire dans le nez.

Marchons
Saignons le cochon
Mais jamais ô non jamais
Ne subissons une si haute famille.

1489

Poussée de vérité

Littérature d’aubépines et d’étoiles
Que passe l’écriture des louanges fleuries
Sous la poussée de vérité
Rongeant le fond du ciel
Comme fissure sur papier blanc.

Le serviteur inutile s’est levé
De son regard il a secouru
Le mendiant annoncé à la porte
Grattant de ses doigts gourds
Quelque légende à la triste figure.

Les petites filles m’ont poussé du coude
Dans cette église à la Vierge Noire
Un frisson de beauté parcourant la travée
Lune rousse eucharistie souveraine
Ouvrant le coffre des amours.

Courir n’est point de mise
Vers cette déchirure
Où la moindre goutte d’eau
Exorcise les lieux

Du plancher grinçant à la plaie réouverte.

Folle complainte du temps qui passe
Les lambeaux de chair éclairent la nuit
La vie brève et folle
Aux abîmes de solennité dédiée
Fourbie ses armes amères.

Palper sans trébucher le pommelé des gravités
Dextre et senestre consumés
Engage syllabe après syllabe
La mélodie des jours heureux
À sa juste place.

1488

La présence à ce qui s'advient