Fruit sec décollé de sa gangue
claquement de langue au crépuscule
la cicatrice s'ouvre
passagère clandestine de la nature profonde.
Point de mouvement
juste l'appel du chorège
chargé d'organiser le passage du gué.
La fièvre n'est pas punition
pour le lutteur d'absolu.
La peur est grain de foi
pour la jeune pousse
dont la graine vient d'éclore.
La matière par devers lui
n'apportant que douleur
nous convînmes d'appeler le fils de l'aube
au marécage des émotions
et de salive épanchée
faire rosir la cicatrice
gage d'oblation.
De ses yeux rayonne la lumière
toujours et partout les ténèbres fuient
le rythme des tambours s'élève
le temps est au recouvrement.
447
construire quelque chose de neuf
Aux trois âges
pommelle des fenêtres que l'on ouvre
puis ferme
pour les rouvrir à nouveau.
Remonter vers la lumière
impose la descente subséquente.
Grandir
petit de l'homme et de la femme
jusqu'à l'adolescence
oblige la première descente
où l'être nouveau brûle
en la consommation de sa puissance animale
alors que l'élan de la relation est là.
Au port que le navire aborde
reflet des abîmes traversés
l'adversaire rassemble les épreuves passées.
Là, le cœur brisé
il faut joncher le sol de nos fleurs fanées
et s'ouvrir au moins que rien.
C'est alors que la nouvelle terre paraît
où mettre en sacs les dernières moissons
sous un ciel de feu
qu'un souffle propice échancre
et plonge une dernière fois
descente inexorable
vers la gueule du Léviathan.
Séparant le grain de la balle
fracassant le germe
sur l'échéancier des parousies
assisterons-nous à la levée du pain de vie ?
446
( détail peinture de Frédérique Lemarchand )
il est temps de se mettre à l’ouvrage
Vers le haut de la montagne
à la cime des arbres
pendent les chiffes colorées
que les rapaces ont dispersés.
A l'affût près des roches moussues
à la source intérieure
le loup guette
le museau frémissant.
Montent de la vallée
le cortège des humains
raclant de leurs souliers cloutés
les cailloux du chemin ferré.
S'arrêtant dans la clairière
ils déposent le fardeau
ce corps mort
sur un tronc d'hêtre brisé.
S'élèvent les chants de l'autre temps
d'ailleurs et d'aujourd'hui
mariage des sons gutturaux
et des plaintes légères
tel un feulement amoureux finissant.
Par dessus la forêt
l'astre solaire explose
écartant les brumes matinales
il redresse les forces inversées.
Il est temps de se mettre à l'ouvrage
de poser les gouttes de rosée sur la feuillée
puis d'allumer le feu de la fertilité
en éclosion d'infini.
445
Les petits papiers secrets

De plumes vertueuses le colibri s'est épris. Les yeux se plissent devant la solitude de l'enfance. Les poings se serrent s'il n'y a rien à faire de mieux. À demeure l'au-delà se recueille quand le temps casse sa pipe. À genoux devant la fontaine chaque araignée d'eau purifie. En rangée de perles le sang de l'œil conte fleurette. Le souvenir toujours le souvenir à ne plus avoir de pleurs. Connaître le don des larmes matrice des connaissances. Au gré des ans passe l'excès d'amour de soi passe la danse des sottises passe l'histoire fondatrice passent les grandes doctrines passent les blessures passe la nostalgie de l'ailleurs. Au gré des portes qui se ferment s'ouvre un mutisme tempétueux s'ouvrent nos vies minuscules s'ouvre la nuée des tendresses s'ouvre la nécessité de prendre soin s'ouvre la parfaite adhésion à ce qui est s'ouvre un sens à sa vie. À la cloche de l'étude j'ai mis mon tablier gris et sa ceinture bien serrée avec au cou la médaille miraculeuse et ces petits papiers secrets attachés aux bretelles de la culotte en velours côtelé. 443
Nos visages enceints

D'un revers de la main il a convoqué le signe apparu sur l'écorce du hêtre embranchement des tensions d'une poussée verticale alors que le frisson parle au cœur de l'humus foulé par la galoche cirée. Il est des nuits de lune pleine à saupoudrer de fines étoiles le pavement des villes éternelles accrochant à la ramée la chaleur du jour dissipée que rosit les joues fraîches de nos visages enceints. 444
Je te tiens tu me tiens

Je te tiens tu me tiens par la barbichette et ne tiens que vent et boule d'or roulant à fond de ravin vers la cupule des origines. Je rêve de te tenir par la barbichette alors que tu dors homme dissipé aux incartades oubliées sans appui sans chemin. Le nouvel acte approche le petit enfant rêve dans le sein de sa mère et la question est pesante être couché dans le vide n'a rien valu terrifiant que de regarder en arrière. La boule d'or plonge l'écume la recouvre un bruit de rires cumulés monte des marmites de géant l'enclume sonne le dernier rappel brisant l'ordre des choses. 442
Le vieillard aux galoches de vent

Cette nuit d'avant les chants d'Hildegarde mirador planté dans les herbes folles une pincée de sel à la volée contre la carène des visions. La calèche s'éloigne sur la sente pierreuse point de mission en perspective. Juste une main tendue dont les doigts se taisent quand passent fraîches les robes à fleurs des demoiselles d'honneur de rires contenues devant le vieillard aux galoches de vent. 441
l’ouvert pour l’autre
L'Ouvert en soi en moi
l'Ouvert pour l'autre
l'Ouvert à l'autre.
Retournement des yeux
coquillés au reflet de la libre issue
par les yeux de l'animal.
Dès l'enfance
nous fûmes sur le parvis des apparences
le support des remontrances.
A écrire le plein et le délié
de pinacle en chaire sermonnante
à remonter la pente.
Et puis le jour fût pure essence
et les fleurs s'ouvrirent
appel tambourinant des ménestrels.
440
la certitude et la nouveau
L’étrave des murailles
dans la douve profonde
inscrit la Certitude.
Ce qui paraît certain
c'est la Mort.
Le Nouveau est toujours incertain
un tout petit nouveau fait davantage que l'ancien
il est capable d'extraire.
439
as-tu vu le vent venir et la fleur s’écarter ?
As-tu vu le vent venir
et la fleur s'écarter ?
Si le vent recule
la fleur ne perçoit rien.
La fleur marche sur l'air,
non sur la terre,
la fleur marche sur le rien.
438





