Pour ne pas voir devant moi
Ne pas entendre de l’ensemble
Seul à seul.

Quant aux paysages
En sfumato en Toscane
Le rien d’une œuvre noircie par les cierges brûlés.

S’approcher du chœur
Suivre le labyrinthe
Pousser quelques chaises
Avancer lentement
Avec sous les pieds

La crypte et son puits des origines
Le sombre cachant les murs
Une lumière sort de moi
Au profond de soi
Des personnes marchent sur une sente large
Des moutons piétinent la draille
Le cœur battant de moins en moins vite
Plus de cœur du tout
Et pourtant j’avance et vois
Je rencontre des gens
Que je rejoins
Qui me dépassent
Que je croise
Et nous allons
Légers
Obligés
Les jambes me portant
Alors que je ne sens pas mes jambes
J’ai chaud
J’ai froid
Peu m’importe
Où j’étais avant de me trouver là
Il y avait des cris, des mouvements
Et beaucoup de vent
Des bruits aussi
Et je pouvais écrire des mots à ce propos.

Tout s’est effacé
Plus de temps plus d’espace plus de matière
Je suis conscience et rien à la fois.

Je me retourne
Et suis loin plus loin que là.

Ma peau est épaisse
Des poils partout
Ma tête est lourde
Mes pas lourds
Un son hors de ma gueule.

Et puis je plonge dans le trou
Un trou en moi
Plus profond que les souvenirs
Qui clope-clopiquent
Comme des bulles
En surface.

Il est là
L’autre
Peut-être est-ce moi par ailleurs
Tout bouge
Je suis immobile
Je bouge avec l’espace qui m’accompagne.

Là devant moi
Un livre me parle
« Sois toi et ne te retourne pas. »

Je crois pouvoir répondre
Mais je ne parle plus.

D’eau et de feu
Les pages du livre tournent
À la quarante neuvième ça s’arrête
Je suis encore vivant
Mort et ressuscité
Sans une once de certitude affirmée
Mais il me semble que je serve à quelque chose
Tout de même.

Un ruisseau coule à mes pieds
La pluie tombe
La pluie s’arrête de tomber
Le soleil me réchauffe.

Il est l’heure de renaître pour mourir à nouveau.

Le bruit du laminoir feraille une dernière fois
Contre la roche noircie par les torches de graisse.

Milladiou
Je suis et ne suis pas
Large feuille de figuier
Carrément flétrie

Effacée d’un trait de plume.

Œil d’onyx
Dardant sa pupille blanche
Sur l’ombre d’un arbre qui n’est plus.

La peau se plisse
De crevasses
Les années écoulées
Un jet d’encre comble l’entaille
De signes inconnus.

Au risque de se dire
Le décor cadre le décor
Le corps élève la conscience
Le corps devient poussière
La conscience
Au vol
Comme un papillon
Dans les siècles des siècles.

( Œuvre de Frédérique Lemarchand – détail )


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