Archives de catégorie : Août 2017

A l’ombre en canicule

   A l'ombre, en canicule
s'ouvrir aux pensées remontantes   
s'ouvrir aux fièvres de la nouveauté   
s'ouvrir aux clarines du troupeau   
s'ouvrir au repas dominical   
s'ouvrir à la photo de famille   
s'ouvrir au portillon qui grince   
s'ouvrir aux miaulements du chat.   

A l'ombre
en canicule,   
savoir mûrir sans se flétrir   
savoir recevoir la parole qui vient   
savoir donner une parole à qui est là   
savoir remplir de lumière le regard   
savoir sourire à qui sourit   
savoir presque sourire à qui ne sourit pas   
savoir garder contre son cœur le précieux
de la rencontre.   

A l'ombre,
en canicule,   
remplir de bienveillance le frôlement du vivant   
remplir d'une sieste la fatigue du moment   
remplir d'attention la venue de l'enfant   
remplir de miel l'orage du conflit   
remplir à dessein la porte qui s'ouvre   
remplir de douceur l'écarlate d'une prise de risque  
remplir la gêne d'une brise légère.   

A l'ombre en canicule,   
remercier le verre d'eau de l'amitié   
remercier d'être entendu   
remercier la pomme qui craque sous la dent   
remercier d'avoir à gravir le quotidien   
remercier le petit matin qui nous sort du noir   
remercier le chant des insectes des champs   
remercier le temps qui passe.   

A l'ombre
en canicule,   
amener l'enfant à l'écriture de son avenir   
amener la mère à la vigilance des siens   
amener le père à la proue du navire   
amener le vieillard vers l'odeur des foins coupés   
amener le ciel à s'ouvrir entre mur et feuillage   
amener un air de fête sur la pierre dure    
amener la vie en communion fraternelle.   


356

a fleur de peau un baiser s’est posé

   A fleur de peau      
~ un baiser s'est posé.

Papillon fol'enfant   
~ de nos rêves.   

Farandole des reflets   
~ des bulles en surface.   

Une louche d'étain   
~ pour mettre à nos lèvres.   

Le vent dans les frênes   
~ pour se rafraîchir.   

Le ciel bleu mission   
~ procès éternel.   

Quelques pas dans le ruisseau   
~ un sourire échangé.   

Mains jointes   
~ pour l'assoiffé.   

Une flamme sur ton front
~ l'œil si mystérieux.


357

ma main fripée

   Éclisse vitupérante   
de ta voix   
l'astre de nos amours   
pleure la joie   
en remontée   
pente douce   
de notre échappée.   

Effrayé   
par tant de tendresse   
le soldat retourna son arme   
sous le bouleau frémissant   
de l'automne   
assomption de la balle   
sans que s'éteigne lune.  
 
Marcher   
marcher en bord de falaise   
se contenter de peu   
fermer le regard   
les embruns si bas   
sur l'horizon   
d'une sente ultime.   

Appeler le bedeau   
dites lui que je meurs   
entre campanules et bleuets   
sous le dais étoilé   
d'une voûte superbe   
que l'orage aurait rafraîchi   
de son charroi cliquetant.   


355

Et puis le sens en déliquescence

 Pieds nus   
 sur la Lande   
 le bâton bien en main   
 la musette à l'épaule   
 le bonnet recouvrant les oreilles   
 derrière les vaches   
 aller vers la cabane   
 le chien aux trousses   
 faisant ce qu'il voulait   
 de taupinière en taupinière   
 puis levant son museau terreux   
 les yeux demandeurs   
 vers l'attente infinie. 
       
 A front renversé   
 se remettre du départ d'Orion   
 aux délices du jour   
 respirer l'air du matin   
 aller sentir l'herbe de rosée pigmentée   
 ranger deux trois objets   
 se passer de l'eau sur le visage     
 accueillir la pensée.  
 
 Et puis le sens   
 au délire du sens   
 en déliquescence   
 dire quelque chose   
 qui vaille la peine   
 qui fasse connaissance   
 du sens dans la direction assumée   
 du sens hors sensation   
 du sens essentiel   
 de l'excuse et du désir.   
   
 Pour bulle d'air   
 éclatée à l'air libre   
 claquer l'arc-en-ciel   
 contre l'écran blanc d'une salle sombre   
 hors mystère   
 sérier de près la justesse d'un son   
 sur l'autel sacré   
 des murmures sourds   
 entrer par la porte des cérémonies.  
 
 De blanc vêtu   
 au rai de lumière apparu   
 être le pas   
 sur la dalle de basalte   
 le pas sans hâte   
 que l'élévation d'un chant   
 transporte à la croisée des nuages.   

 Joie,   
 ressentie au cœur,   
 contact du Réel.   

   
354

Tu me viens ô lune inassouvie

 Tu me viens    
tard le soir  
ô lune inassouvie   
femme de la contrée    
enfant des herbes folles   
vieillard familier   
dans le miroir   
sous la luciole des souvenirs.
  
Lève les yeux   
proche de la torche   
au temple des attentes.
 
Sois Sainte Femme   
arc-en-ciel des désirs.

Sois l'enfant   
assis sur la margelle du puits.
  
Sois le vieillard oublieux   
aux futiles pensées.  

Sois la mèche   
qui allume le feu d'être soi.

Sois l'oreiller aux mille grains de riz  
en l'accueil de ce qui vient   
en allégresse sage   
une pincée de sel   
sur les lèvres 
bras tendus vers l'étreinte   
lumière vacillante   
du jour à venir.

Sois lune éternelle. 


353