Archives de catégorie : Décembre 2015

Le nouvel être

 Ce mur de sable durci  
d'une luminosité déliquescente  
aux ridules enchevêtrées  
cachant une ville entière  
et je suis à ses pieds  
ombre sans corps  
inscrit dans l'instant .  

Tout autour de moi  
un paysage désolé  
pas de végétation  
la terre à nu  
des roches éclatées  
une lumière sans relief .  

L'horizon troublé  
un sfumato de Léonard de Vinci  
sans codicille  
rien de repérable  
rien ne sachant rassurer l'œil
d'avant la catastrophe .  

Je suis seul  
point de vie alentour  
pas de vent  
un souffle rauque en continu  
au loin  
le bruit d'une foule en marche .  

La bête est là  
immense derrière moi  
et je suis comme anéanti  
devant elle .  

Elle passe sa main sur ma tête  
je n'ai plus de cheveux  
ses doigts sur mon visage  
et je n'ai plus de visage .  

Irradié  
je suis anéanti   
et néanmoins toujours en vie  
et me montre à la tombée du jour  
me nourrissant de débris alimentaires  
tombés du haut du mur .  

Ai-je été rejeté ?  
Suis-je définitivement écarté de la cité ?  
Une trappe ne va-t-elle pas s'ouvrir  
au détour d'un rocher  
et cet être énigmatique m'enjoindra-t-il de le suivre ?  
Je le suivrai  
dans le labyrinthe  
éclairé par une lumière venue de nulle part .  

Hâtant le pas
je trébucherai sur les aspérités du sol  
craignant de le perdre de vue .  

Longtemps très longtemps  
nous avons marché  
le long des collines renouvelées  
sans cesse  
telles des vagues de dunes  
pour au détour 
percevoir la cité des élus  
son enceinte d'acier  
luisante sur son promontoire  
par dessus la plaine ourlée d'un crépuscule .
 
Mon amour !  
ne retiens pas tes larmes, 
pleurons .
 
" Tu sais  
c'était le temps passé  
et maintenant il y a l'enfant,
le Nouvel Etre . "  


253

Au feutré de l’imagination

 Assagi, cage ouverte
de ma poche tombe le petit carnet, page ouverte .

Au feutré de l'imagination
au lendemain d'un train retardé
à la vaillance d'idées à transmettre
au déclenchement d'une oeuvre .

Lorsque définitivement entré en rébellion
s'inscrire dans la différence
sans presser le pas
de petit boulot en petit boulot .

Et qu'en réponse
à court de souffle
enchanter de traces convenues
une poignée d'oreilles disertes .

Cette plaine implicite et lointaine
faite de faim et d'épuisement
sans nous ôter la vie nous plonge en dépendance .

Devenons l'être humain
contre les démons de la permanence
aptes à faire irruption et se déchaîner
dès confiance revenue .

Outre l'enfermement dans la démesure
au bord du gouffre de la démence , dansent
l'ennui , la nausée , le marasme , la réitération
toutes bestioles endimanchant la conscience .

Soyons la bonne pensée
en liant l'épreuve nommée 
son processus reconnu avec l'émotion suscitée par l'ouverture .

Hors de l'enchevêtrement des chemins de traverse
évitons le doux chant crépusculaire
sortons de la cage des quolibets
soyons les enfants de l'huîtrier au long bec .


252

Des tensions viennent

 Des tensions viennent  
 d'éléments émotionnels  
 la chape de béton  
 écrase l'épi de blé.  

 Des tensions viennent  
 des nouvelles réalités  
 au creux des vagues  
 une mousse superbe.  

 Des tensions viennent  
 au plus profond de soi  
 un appel  
 à davantage d'égards.  

 Des tensions viennent  
 lors des cycles de la nature  
 une fraîche nuée  
 témoigne des migrations.  

 Des tensions viennent  
 quant à s'entourer d'amis  
 ne constitue que le germe  
 de la mal-gouvernance.  

 Des tensions viennent  
 quand les barrières du cœur  
 cèdent et déversent  
 l'absurde  et l'indifférence.  

 Accueillons ces tensions  
 qu'elles prennent place  
 ces chevaux du désordre 
 venus du styx.   
  
 Tendons la nappe  
 sur la table des fêtes  
 couronnons de vrais instruments économiques  
 le fourmillement productif.
  
 Soyons la mèche  
 de la rencontre des uns avec les autres  
 en sagesse  
 soyons le grand livre des continuités.  

 Soyons l'appel  
 le regard ouvré  
 l'impossible devenu possible 
 le mariage de nos dispositions profondes.  

 Soyons de traces et de lumière  
 en atteinte de nos buts  
 la juste quotité disponible  
 à notre vie quotidienne.  


 251 

Je coupe l’herbe et le feu

 Mon corps s'effrite à mesure   
 des pastilles de lumière   
 effaçant la fin du parcours.   
   
 Je crois aux ficelles de l'immatériel    
 je me maintiens.      

 J'engrange trotte-menu   
 les noisettes , les amandes et les baies   
 dans les forêts de l'esprit. 
    
 J'accueille sourires et remuements de lèvres   
 Je fais de tendres rencontres   
 un collier qui se voit la nuit autour du cou.   
   
 Je coupe l'herbe et le feu   
 d'une caresse de cœur et d'âme   
 la merveille en pendentif   
 je calme les intempestifs   
 et nourris les vautours.   
   
 Je suis concerné par une filiation   
 moi le maillon d'entre les berges   
 j'observe l'inconcevable oubli   
 des paradoxes et des mythes.  
    
 Ma vie est capacité à croire   
 en l'être supérieur   
 sans que le jour s'adjoigne.   
   
 Devant les pensées timorées   
 je propose la subversion radicale   
 en singulière intimité avec les persécutés.   
   
 Il n'est de message pertinent   
 que renvoyé à sa libre décision   
 pour peu que le démineur opère.    
  
 Le marché du dimanche n'a plus cours   
 les étals remisés    
 entre les trognons de choux-fleurs   
 demeure l'eau vive du nettoyage.  
      
 La page est tournée   
 précautionneusement nous montons   
 au petit matin    
 frère Soleil   
 dans la gerbe des instincts   
 vers le vif éclat de la métamorphose. 

     
 250 

j’avance et je crois





 Se mirent à l'écart
les chansons de nos grand'mères
aux limites stériles n'existent que la limite
hors des basses œuvres de la déréliction
un chien même ne trouverait pas à redire .

Il avance et croise
fente mobile devant le chemin 
qui défile
illusoire projection des ondées
du pourquoi de l'infini .

Cachée recluse dans l'ombre
une personne future personne
au gré de l'inexorable
accaparée et bruissante de vie
se pourvoit creuse sous les regards .

Elle poudroie et s'assume
masselotte du désir de possession
heurtant l'amuse-gueule
d'une lucidité tragique
au char de l'humanité  .


249

ficelle rouge au cou du porc mort

   Les langues lèchent l'estran
les nuages proposent la vie dispose 
au creux des vagues tristes
tinte la corne de brume .

Ficelle rouge au cou du porc mort
filent défilent
les rustres les éructants les monstres
les rebelles à l'esprit .

Aficionados d'un chant désopilant
ils organisent l'affliction au hasard des estaminets
montent l'effroi sur l'autel des sévices
ceux de l'ailleurs les pourvoyeurs de nausée .

Chantant l'abandon de la pensée
ils vont ils viennent
les jeunes gens aux cadavres exquis
les sans-lois à la foi obligée .

Passe la femme au visage offert
la vivante hors des cloîtres 
écarquillant de ses mains suppliantes
l'œil d'un soleil affligé .

Ne mâchons pas nos mots
soyons de fermes appuis
pour qu'aux rigoles de sang
succède une énergie verte .

Sortent à potron-minet
les rats de nos cités
les lucioles hésitantes
de nos rues désertées .

Le temps à rebrousse-nerfs effleure
d'une attention soutenue
les offenses éprouvées
au marécage des compromissions .

Relève-toi
émets le son claudiquant des pauvres gens
les damnés aux sans-dents 
que l'or noir désespère .

Sois le verbe sur l'écritoire communal
chauffe-toi au bois des sentences assassines
économise tes jeux et tes pommades
sors au grand jour et dis que l'homme est grand .

Invective les demeurants
sois le fiel des seigneurs de l'esprit
creuse la tombe des accaparés de la forme
passe ton chemin devant l'illusion .

Et revient à l'oreille nous dire
que la vie est désir
sur un air de guitare
en mal d'amour le muguet au revers .

Afin que vogue le bateau de papier
au bassin des Tuileries
un soir de décembre
sur l'océan des vérités .

Enfant que nous sommes
enfant que nous avons été
pour nos enfants de toujours
soyons le sel et le miel de la Terre .


248

la lumière en robe de satin

      La lumière en robe de satin  
fleurs frémissantes  
consume à petits jets de brume  
le vertige finissant d'une journée d'automne .  

La page tournée  
reflète au marbre du passé  
le soucis trop fois béni  
d'un manquement à l'oubli .  

S'émarge le creux des paumes sèches  
en caresses douces   
sur le rugueux de l'arbre  
poitrail découvert  
éclatée d'une ombrelle  
convergeant au gré des vents  
vers l'aube de riz ourlée .  

Il est des mésanges à tête charbonnière  
aux pépiements crépitants  
sans que se lève la ridelle   
du char des fêtes de mariage .  

Toute romance est perle rare  
tout sourire aux prises d'un rai de soleil   
se retire la nuit  
au cri du crapaud accoucheur .  

Menuet de roses éparses  
s'ébrouent les coquillages  
de tendres processions  
aux extases consommées .  


247

en captation de soi

 Reflux de la mer   
avant un dernier saut   
le béton se fissure   
claquent les veines de verre   
sous la griffe salée   
les ferrures gémissent   
les oyats divaguent   
ce que racontent les marins   
aux temps lointains des terre-neuvas   
morsures d'un froid tenace   
le vent arrache les arbres   
les boues emplissent les fossés   
les barges se soulèvent   
les bouées volent   
en gerbes d'écume   
le long de l'estran   
les vagues claquent la digue   
les lisses brinqueballent   
le sable emplit le moindre trou   
le ciel se fait tohu-bohu   
en cette feinte d'estoc   
les mouettes  pirouettent   
au profond du blockhaus   
la nausée aux lèvres   
un cri   
inouï   
de silence   
les heures sont bulles de savon   
cavalcade effrénée   
les chevaux caracolent   
les galets fricassent   
en surplomb du bastingage   
corrigeant d'un trait de plume   
l'œil des souvenances   
l'ombre se fait surface   
les creux emplissent de leurs suçons de vase   
les plate-bandes de la plage   
naissent brisures de terre   
les crocs de la bête   
écarlate en son outrance   
recroquevillée et mal aimée   
sale et refoulée   
rebelle et courroucée   
exposée aux quatre vents   
n'étant plus que souffle   
une charogne   
la plaie offerte   
en bordure de bocage   
aux nervures fossiles   
roulent les tambours   
craquent les lucioles   
sous le talon    
rempart contre le bitume effondré   
l'amertume   
d'alternances noires et blanches   
en captation de soi   
la mort dans l'âme .   

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