Archives de catégorie : Novembre 2014

Ma cigarette s’est éteinte

 

 Ce matin
 y'a plus d'essence dans le manchon ,
 la cendre est froide ,
 on aurait mis de fausses fleurs
 que l'effet en aurait été plus fumant .

 Suffit pas de se lamenter ,
 y'a aussi un combat à mener .

 On lutte , on se bat .

 Mais contre qui ?
 contre quoi ?

 Je me bats contre Pierre ou Jacques ,
 alors que c'est moi qui imagine des tas de choses les concernant .

 Je me bats contre le monde ,
 mais pourquoi couper la branche sur laquelle je suis assis ?

 Je me bats contre la nature ,
 mais pourquoi combattre ce qui me nourrit .

 Alors que la vie est là
 telle cette eau
 au goutte à goutte 
 d'un clepsydre en déséquilibre
 le verre irisé par un soleil armorié ,
 tel ce sablier
 qui grain à grain
 grignote le temps du conflit .

 Tout combat semble dérisoire
 car rien n'arrête la vie ,
 aller de l'avant ,
 contourner les obstacles ,
 marcher ,
 monter ,
 descendre même ,
 pour remonter , riche de l'épreuve rencontrée .

 Ne jamais forcer le passage ,
 pas même forer un petit trou au creux de la mémoire .

 Et ma cigarette toujours pas allumée ...

 ( Photo prise d'après une œuvre d'Elianthe Dautais ) 

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Le dialogue au-delà du visible

 Gelures sédimentaires sur ta peau d'ébène ,
 l'orage requiert le son et la lumière .
 Danse de l'eau et du reflet ,
 dévalade des textures ,
 généalogies entrecroisées ,
 les connexions se font .

 Regard aigu
 de l'homme déjà-là ;
 en réception
 des signaux scientistes
 que son ego exige .
 Conscience élargie ,
 vigilance et porosité ,
 fine lamelle de l'instant
 énonçant la parole
 le temps d'une caresse nocturne .

 Cette volonté en ascendance ;
 révélation de l'image
 du bromure en son bain .

 Eveil de chaque fibre
 en l'arc en ciel du tissage
 hors du glacial détachement ;
 ultime école
 où le pas des attentes
 fléchit le doute
 et ravit le sens nouveau ,
 trace unique ,
 musique d'antan  ,
 la lila des nuits fragiles ,
 bulles de savon ,
 chapeaux pointus ,
 baguette magique ,
 pour étoiles de tes yeux
 révéler le dialogue avec l'invisible .


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N’existe que le labyrinthe

 En nécessité du hasard ,
 sans linéarité ,
 sans que l'étiquette ne soit collée ,
 il n'est de plan ni de loi
 pour cette occupation d'espace ,
 nous les immémoriaux ,
 à se bander les yeux devant l'évidence ,
 de coïncidence en coïncidence ,
 soulever le voile de signes et de paroles mêlées .

 Au jardin des délices ,
 Isis nue ,
 Isis la décisionnelle
 que la discorde fait renoncer au cheptel ,
 Isis la toute belle ,
 la striée de nos rêves ,
 la captatrice des correspondances ,
 l'enjoleuse cosmique ,
 la chuchoteuse à l'oreille des sourds ,
 la femme faite lumière ,
 en perpétuel chevauchement
 du souffle immémorial
 que le grand arbre propose ,
 arbre dévolu ,
 arbre du bout du monde ,
 arbre élevé dans la métaphore ,
 fruits de l'indécision ,
 fruits replets du plaisir à venir
 s'écoulant , fleuve d'un temps
 entre les récifs du vrai ,
 le long des golfes
 de l'ouverture au divin
 que le fauve propose
 dans le frémissement de ses moustaches .


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Seul le vide laisse place et permet la vie

  De ce vouloir saisir ,   
de cet effort à prononcer ton nom ,   
de cette insistance à te prendre pour une évidence , 
de ce tourisme sur les lieux de naissance ,   
de cette absence d'outils grand'parentaux ,   
de ce gorille au phylactère ,   
Sylvain mon fils, parlant bas ,   
avec des mots surgis d'une trompe d'éléphant ,   
de ces brisures entre les objets ,   
de cette chasse faite aux propos disjoints ,   
la porte s'ouvre ,   
révèle ,   
organise ,   
exalte   
le monde chaotique    
des grands chevaux de la présence  .   
  
Furtive intervention des intempéries   
liquides et solides   
mathématiquement enclines   
à la levée du sens .   
  
Il fût un temps de présentation   
vivant et fécond ,   
brindilles et herbes sèches   
sur le revers du veston ,   
devant le portillon des réalités   
lieu du corps de chute ,   
lieu d'élévation ,   
lieu de joie au-delà de l'oubli .   

  
216

bien faire ce qu’il y a à faire

 Vivre en intensité   
au collège des cœurs serrés ,   
branchies ouvertes ,   
reflet des âmes en instance d'élévation . 
    
Il est des plages couronnées de méduses ,   
de plaintes jointes ,   
l'orbe sacrée laissant passer la main   
hors des palmeraies grasses .   
   
En cette attente ,   
immobile  ,   
être présent   
à la première heure    
du soleil claquant sa démesure   
derrière la roche aiguisée   
faite selon le soubresaut de la naissance .   
  
En harmonie   
s'accomplir ,
ne plus puiser de nos mains gantées   
aux sources des donateurs ,   
être le vif ,   
l'écarlate ,   
le sans regrets ,   
le radical   
sur la guirlande des instants  .   
  
Écartons le paysage ,   
soyons la trace unique   
au centre des attentes  ,   
soyons cloche de bronze à la volée   
portant parole   
sur les champs de terre grasse ,   
soyons le service   
sur l'aile du phœnix . 

    
215

ce qui dépasse l’homme

 Ce qui dépasse l'homme   
en bout de vie ,   
une presqu'île .   
  
Avec pour isthme   
ce que nous sommes ,   
homme fragile ,   
en nos atours   
de sciences , d'art et de spiritualité mêlés . 
    
Etre homme parmi les hommes ,   
humus de l'homme à naître ,   
dont les racines plongent en nos vicissitudes ,   
nous ,    
les errants ,   
les pauvres faisant généalogie ,   
pour pas à pas ,   
de posture en posture ,   
se hisser vers l'accompli   
à grand renfort de fifres et de tambourins   
nous ,   
les matamores de l'ordre établi ,   
les estafettes de la horde émotionnée ,   
parés des plumes du mimétisme  . 
    
Il est un temps   
si proche
un temps sans peur   
un temps d'au-delà notre temps   
qu'arpente l'homme nouveau   
en sa vie pensante   
apte à être   
au-delà de notre minéralité ,   
de notre animalité ,   
de notre historicité ,    
une conscience aux signes propitiatoires ,   
un graphe de l'Inconnaissable .   

  
214

Vieillir enfin

 Vieillir enfin   
 et que le vent me vienne   
 frais sur la nuque . 
     
 Qu'importe l'âge   
 pourvu qu'on ait l'enfance ,   
 qu'importe les chemins parcourus   
 pourvu qu'on ait la vision ,   
 qu'importe le corps en faiblesse   
 pourvu qu'on ait de la hauteur ,   
 qu'importe la dépendance   
 pourvu qu'on ait la maturité ,   
 qu'importe de ne pouvoir gravir l'échelle   
 parce que nous sommes échelle   
 avec cette liberté de se relier .   
   
 Ouverture et douceur   
 d'une paix parée de pas menus    
 autour de l'étang où tout repose  .    
  
 Vieillir enfin    
 et que le vent me vienne   
 frais sur la nuque  .    

  
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