Les mots qui nous viennent nous font être. Ils sont là, en bouche, d'encre vêtus, et labourés de près. Pourtant, telle l'abeille cette envie d'être, dans le sens du vent, au plus près du nectar, nous oblige à pousser la charrue, inexorablement, jusqu'au bout du champ, juste les mots advenus. 344
Voix d'entre les galets prise tôt une pincée de miel sur l'haleine du vent de mai.
Grande femme aux jambes fines posées en asymptote contre le cœur à l'unisson. Unique pressentiment des courtes pailles rassemblées à la dérobée au creux des vagues lasses.
Les arpèges de la guitare accompagnent d'un soupçon de couleurs armoriées le pavois des rencontres.
A foison les purpurines lèvres de mon amie du fond des bois lèvent la voix d'entre les voix. Toutes voiles dehors vers le frémissement d'un printemps en portance sous la brise.
Si ailleurs si intime au bout des doigts venir et mourir au pays qui te ressemble sous le spasme consommé Jean mon ami de l'Esprit ma croix mon cri. Sur la terre à même la poussière l'étoile reflète le chant mystérieux en fuite de par les mondes. François mon ami des entommeures mon chemin ma délivrance.
Silence des plantes ~ en marge bleu blanc d'un train que le vent suscite.
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Collé en colline le domino des maisons ~ insectes du diable.
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Passe l'oiseau noir aux effluves des nuages ~ portique au sommet.
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Le nid de la pie en réserve rectangulaire ~ source de dépit.
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Bras serpentiforme ~ claquent larmes printanières hors suite des mots.
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De mains en écailles sur la portée du balcon ~ le jour se déploie.
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Mon âme régente creuse la vie et me dit ~ saisie calme et douce.
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Passent gauche droite autos du matin ~ embarquement pour Cythère.
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Sur la côte verte un camion jaune escalade ~ clameur soudaine.
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Dénuement du toit de tuiles ~ file celle d'ailleurs la courte paille.
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Du zinc à la base cheminée de briques sales ~ ordonnancement.
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Du carnet au livre la gomme sèche et dérive ~ assemblage froid.
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Le refus de l'autre est une haine de soi ~ ensemble il se peut. 341
Visage visage au touché de nos cœurs à portée du frêne sans geste ni parole regard élevé sommes de veille sur les photos graves et tristes à se jeter du haut de l'arbre colibri des incendies passacaille des brumes laissant paraître les veinules d'une main à décrypter le soir à la bougie les papiers d'identité jaunis que le vent éparpille devant nos yeux sans sommeil.
Ô visage unique visage du temps qui passe infante éblouie sois le réceptacle de nos pleurs lesel de notre rencontre du bâton au chardon du Job au gris à maugréer devant les bouses se mêlant aux cailloux de basalte mélange incandescent de la vigne vierge et du mur roux ô visage qu'un manquement d'esprit efface pierre plate posée au matin sur le mur du jardin souffles mêlés d'un face à face de toute éternité.
Es-tu là glissando sans dérobade à me porter sur l'onde douce lune entrevue au parloir écorce arrachée du chêne-liège se faufilant dans la foule lente passager ébloui des sentes odorantes. Mon âme seule au hasard d'une sortie se vit prise dans le flot des migrants ô mon âme l'altérité est une autre identité de l'autre à soi la source même des solidarités.
Sous la gouttière du temple y'a la romance la saga du temps qui passe le cortège des semelles de bois le frisson des roseaux le gond d'une porte que l'on ouvre et qui grince demain ou après-demain de rien en rien les bras ballants yeux levés à l'horizontale festons des nuages hors limite du ciel en syncope légère sur le pavé d'argile à griffer d'ongles écaillés le passage des fourmis en rivière d'être vers le sans arbre du sable ridulé.
Mon âge assis contre l'arbre regarde boule de suif éteinte à la tombée du jour un cataplasme en brise-glace de retour de mission de père et mère le descendant au risque de connaître flamme terminale mes annales dispersées un soir de grand vent la carrière ouverte et dernier charroi de mèche avec le raisonneur apocalyptique notre bâtisseur notre fossoyeur notre inventeur.
Marée remise marée rétrocédée marée du compte à rebours marée déposée marée reprise verrai-je le dernier hoquet descendre toboggan la pente aux ajoncs la mise en veille des sphaignes de l'étang ma correspondance en bel équipage filant grand train sans attendre que je m'éteigne pleurs refluantes sous le dais mercantile des arrimages familiaux.
Noir de noir en l'écritoire souterraine de corolle en corolle tendre la corde entre chien et loup.
Capter la prosodie du glatissement des vautours vertigineux voiliers éboueurs de vestiges sans soupçon sans contre-façon accablant de tristesse. Surgissement des mains tendues jaillies blanches de la paroi anthracite aux reflets de lune en retrait des lumières de la ville au son du buccin sentinelle drapée du manteau de cuir que revêt le vacher le fouet dressé, viatique devant l'autel où surprendre la faille avouée. Le Grand Bédé se dresse le chapeau de clown vissé sur son front Frankenstein, gorille à la quenouille taguant sur tablette d'argile les blessures de sa pensée, traces cunéiformes gravées sur le pas de porte au goutte à goutte d'un ciel pleurant de se savoir aimé.