Donner son sang Dans la boue et le froid Écarte les doigts de l’aube Pour fracas des bombes et des missiles Sur la terre des ancêtres Occasionner mille morts Devant les placards ouverts De la bête demi-sauvage.
Là dans la tranchée Point d’infini Devant les yeux aux paupières lourdes Juste un peu plus de nourriture et de vin De casemate en casemate À chercher la chaleur Et protéger son fusil de l’humide Comme un enfant dans les bras de sa mère.
Si quelques morceaux de papyrus Dans une jarre de la Mer Morte Ont été trouvés dans la grotte des bergers Leurs fibres recèlent les signes Lettres et chiffres D’un passé de dévotions Jointes au comptage des biens matériels À la vie à la mort le compte est bon.
Entrelacés Hommes et bêtes s’unissent Aux portes de l’enfer L’ultime enjoignant de se tenir debout Dans la posture des adorateurs du rien Notes de musique Jouant une symphonie des mots Pour le caillou saisi par une main gelée.
Griffée Spoliée La Beauté s’obscurcit Sous les arbres éclatés par la mitraille À mesure de la nuit et du jour Égrenant le chapelet des pensées À la face d’un monde Béni par une goulée de vitriol.
À point nommé Le sac vidé du sable des dunes Arrêtera le flot des eaux de fonte La mort alliée avec la vie Le ciel dérobé par des étoiles noires Le totem des poupées désirantes Levé sur la terre bouleversée D’une solitude retrouvée.
en mémoire à V. Maïakovski