« F » comme firmament

Une piécette sur le bord de la table   
Trois petits tours et puis s'en vont   
Les marionnettes de Jeanne  
Puissante mère à l'affût.      
 
Faisant tinter la cuiller contre le bol   
Le matin des réveils attendus   
Je me suis dit   
Que ce devait être la dernière fois.      
 
Je n'ai pas rallumé la bougie des Offices   
Astreinte consommée   
Pour me prémunir du moment   
Où je serai seul.      
 
La tasse de café   
Cerclée de bulles fines   
Reflète la lampe de dessus   
Sur un fond noir absolu.      
 
Gorgée après gorgée   
Le niveau descend   
Accompagné de fumerolles légères   
S'échappant de la caldera.      
 
Un coup de stylo inopiné   
Inscrit une trace d'encre   
Sur la main de soutien   
D'un autre geste le silence.      
 
Un silence pas si silencieux   
Que l'horloge et le frigo   
Frictionnent  
En aval de l'impassibilité des meubles.      
 
La tranche du grille-pain    
Me fera lever de la chaise   
Pour quelques manipulations suivies   
Déposer la tartine beurrée sur le plateau.      
 
Serviette toujours pliée   
Prête à saisir de la main maîtresse   
Pour essuyer quelques tâches   
Sur le visage.         
 
Le carnet ouvert page 107   
Accueille la trace   
Des pensées de la nuit   
D'une haleine de miel et d'or.      
 
Repoussant le stylo   
Mains jointes, visage relevé   
Fermer et ouvrir les yeux   
Par petits battements réguliers.      
 
Les pieds bougent   
Crissement du cuir de la savate   
Le dessus des genoux   
Glisse contre le dessous de table.      
 
Température intégrée   
La veille se poursuit   
De gorgée en gorgée   
Le niveau du café descend.      
 
D'ailleurs ce n'est pas du café qu'il s'agit   
Plutôt de chicorée   
Afin de préserver le possible sommeil   
Du matin qui suivra.      
 
Le signet du carnet serpente   
De l'ancienne trace de brûlure   
vers l'entre-pages de l'accueil à minima   
Des gouttelettes de ferveur, les mots.      
 
Etendre les jambes   
Baîller en surplomb   
Se gratter la tête   
Argumentent un changement de posture.      
 
Du bout du doigt   
Recherche les aspérités du visage   
Friction de la paume ouverte   
Sur la barbe rêche.      
 
Mains dans les poches   
Saisir les restes d'un mouchoir en papier   
Au chaud contre le ventre   
Relâchement pendant quelques secondes.      
 
Finir le breuvage   
A peine tiède   
Le reposer sur le plateau   
Ressentir la descente du liquide jusque dans l'estomac.      
 
Croiser les doigts devant soi   
Pouce contre pouce   
Les deux ongles s'ajustant   
D'une légère pression en immobilité.      
 
Fermer les yeux   
L'horloge faisant métronome   
Revenir à l'intention d'aller se coucher   
Suite à cette promenade parfaite.      
 
 
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