promenade en vérité

 Un cirque de montagne
 avec devant soi le déploiement de son histoire .

 De perplexité en désarroi
 demeure le vague à l'âme .

 Une maladie du corps à corps
 avec en dérobade
 cette habitude de ne rien voir .

 Les hauts sapins inaccessibles à la tronçonneuse
 greffent le musc des mouflons
 sur la sente parcourue 
 d'un matin bitumineux .

 Je sais que guérir n'est pas chose facile ,
 que guérir le mal par la source
 est semé d'embûches .

 Nous risquons alors de surseoir aux erreurs grossières
 pour en révéler d'autres plus insidieuses .

 Il est des perspectives sans issue
 que le charme d'une idée baladeuse séduit ,
 et rend propre à la consommation du chercheur 
 plus apte à cueillir la fleur qu'à la laisser grandir.
 
 Le creux de ma main recèle en 
ces jours de deuil
 les perles de rosée d'aujourd'hui ;
 transformation où les gouttes d'eau clapotent 
sur la houppelande du berger .

 Accéder à l'illimité de sa vision
 oblige à l'arrêt devant ses propres limites .

 Il est préférable de rechercher ses défauts
 à petits coups d'intelligence soyeuse
 que d'exploser le cadenas 
 des choses invisibles ,
 qui seront éternellement voilées .

 Le défait d'un lit se mire dans un ciel de traîne ,
 à reculons des plaisirs mondains .

 Sur le sentier de cailloux , de végétaux 
 et de   flaques d'eau mêlés ;
 dans la fraîcheur généreuse du sous-bois ,
 j'avançai  ...
 quand soudain des branches craquèrent ,
 des pierres roulèrent ,
 le temps balbutia ,
 une odeur de suint mouillé s'éleva ;
 l'ours dévalait la pente ...
 fuyant tel un bulldozer saccageant 
 un champ de maïs .
 J'étais cloué sous séquestre .

 Le séducteur de l'Invisible mettait bas
 ce qui lui restait d'intention .

 Alors passèrent les diablotins de l'orgueil, 
 de l'envie, de la cupidité ,
 puis celui du désir secret de faire partie 
des puissants , 
 puis encore celui de la volonté 
 d'être reconnu , de dominer ,
 de discourir sur les connaissances subtiles 
 et élevées ,
 afin de pouvoir transmettre 
 nos savoirs accumulés , à qui de droit , 
 nos enfants aveuglés .

 La procession n'en finissait pas ,
 les gémissements d'êtres blessés
 courbés sous leurs hardes déchirées
 accouraient des quatre coins de la forêt
 vers le corps et le sang de la régénération .

 Vision une et ultime .

 Pleurent nos ancêtres
 au creux des souvenirs éteints .

 Le souffle apocalyptique
 abat les temples .

 La soupe des origines
 agrège de prime manière les accords 
d'une musique légère .

 Nouvelle forme que prennent les atomes 
dans leur bain de lumière .

 La Vérité est au-delà de toi-même .
 Elle attend ,
 inouïe dans son principe ,
 et c'est elle qui te guide .


 244 

Le Cœur-Cri du Colibri

Dis ce que dit l'ami   
mon allié des frayeurs et des rebellions   
Souffle   
lèvres contre lèvres    
la parole phylactère   
montre de ses mains généreuses   
les portes qui s'ouvrent .   

Ne t'étonne pas   
il fait jour   
les oiseaux grésillent sous le soleil naissant   
nul autre ne saurait abandonner   
cet envol nourricier   
hors de toi-même .   

Laisse monter la sève   
du profond de tes racines   
échange la coupe de vin jusqu'à l'ivresse   
nous délivrant de la raison .
  
Saisis le talisman   
sans poser de questions   
resserre tes doigts   
sur le cou du démon   
sans le quitter des yeux .   

N'est-ce-pas cet espace   
d'entre les êtres   
espace des âmes en voyage   
que toute chose éphémère   
requiert 
à qui sourit
le cœur-cri du colibri .   


242

A beaumont sur un poney blond

Beaumont sur un poney blond
j'ai épelé ton nom
ma sœur des eaux tumultueuses
reverdie sous le trait lumineux
des montées en vertige .

Variante passagère
sur le piano des auréoles
ton songe et ta neige mêlés
aux arêtes travesties de nos ancêtres
m'ont fait carène fière sur les flots amers .

Feuilles maternelles
époque mensongère
vous vous êtes épuisés
en caresses lentes
sur un tas de carcasses embouties .

Pleure ma fleur
souffle le silence
sur le crépon de nos plaies
l'avenir en signe de reflet
mon amour
ma force
mon humilité .


239

des mots sous le regard des échoppes fermées

 Des mots sous le regard des échoppes fermées   
tels des hirondelles sur un fil de départ   
silence de l'homme qui se tient aux limites du territoire   
proférant d'illusoires mirages   
messages bravaches   
collusion d'avec le désert .   

Les mots   
ces enveloppes émettrices   
ces orgues guerrières   
en passe de devenir ombres de la lumière   
sont le creux d'un vallon pour l'enfant recroquevillé de douleur .  
 
Les mots profèrent le sens   
chez les cœurs éveillés   
que le temps éparpillent    
pour   
les jours ensoleillés   
détruire les idoles extérieures .   

Les mots de paix   
sont la semence de l'arbre de nos attentes   
dont les branches s'élèvent jusqu'au ciel de l'âme   
ces bras que mes nuits appellent   
dans ma disposition à te recevoir    
intime au plus profond de moi .
  
Ô toi mon ami mon secret   
que de signes ai-je rassemblés   
pour toi   
faits de cire molle, de matière putrescible, de rage enamourée   
à en faire saigner les nuages du doute   
Ô mon ami   
ils furent paroles de sage   
un grand mystère devenu puits de science    
la calme contemplation de la finitude .   


240

la sincérité, un envol vers soi

   Il est un secret   
aux marches de l'illusion   
dans l'ombre cristalline d'une source   
oblique errance   
que nul ange ou démon ne pourrait altérer   
mémoire immémoriale   
hors les murs   
des collégialités de la peur .   

La sincérité ,   
un envol vers soi ,   
un envol vers le vrai ,   
le vrai de la grâce   
ne cherchant pas l'embellissement   
dans une énergie à contre-courant .   

La source au cœur des ténèbres est vérité .   
Débarquons à pleines bennes les images de soi ,   
faisons se lever l'étrange spectacle   
de l'homme initié par son ombre .  
 
Aux eaux de l'esprit point d'accoutumance ,   
rien que les vestiges d'une sagesse ancienne    
à l'aube des commencements .   

Dans la farandole des illusions reste le noyau des origines .   
Tourner sans hâte   
la meule de l'esprit   
entrer en collision avec soi-même   
et partir en voyage ,   
hors voile   
vers les portes    
où l'homme ne vivrait plus de son image .
  
Aimer les créatures hors de soi .
  
Articuler la vérité avec le cœur .   

Ton âme ne sera plus divisée ,   
œuvres et paroles formant l'unique .   

Hors du théâtre d'ombres   
la vie n'est pas spectacle ,   
elle est aventure   
à celui qui sort de la caverne du cyclope .  
 
Le secret de la sincérité insuffle   
la vie aux œuvres et aux formes .  
 

241