Tous les articles par Gael GERARD

Regarde-toi

  Monte la plainte
 En volutes lentes
 Sourde tornade
 Jusqu'au regard amène
 Figé par la sidération .

 L'anse du panier est à tresser
 D'entre les objets sacrés
 La passiflore épanouie
 Ragrée le sens de la vie
 Le maudit est passé .

 En marche par les sentes escarpées
 Le limon colle aux pieds
 S'entrouvre une lueur diaphane
 D'entre les voix des suppliants
 Lâches dans leur penchant à la servitude .

 En colonne
 L'humanité investit les lacets de la montagne
 Ascension régulière
 Aux rythmes des cymbales
 Et des oriflammes  claquant au vent
 Vers le Très Haut .

 Les visages toute de sagesse burinés
 Se mêlent aux lancinantes mélopées
 Conjugaison singulière
 Offrant refuge
 À nos âmes éprouvées .


 123 

Un débat hors de la présence

  De fraîches fraises pigmentées
entre ses lèvres purpurines
elle allait galamment escortée
de fleurs d'orangers et de chants d'oiseaux
charmer la compagnie
de ses œillades et gestes gracieux .

     D'un accord sonore plein de brisures de verre
et du meuglement des caribous
il organisait la salle des concerts
à la va comme j'te pousse .

     Aussi galbé qu'une outarde mâle
le chantre s'avança en bord de fosse
pour haut et fort dire son appétence à la sainte engeance .

     S'entendit alors
dans le tunnel menant à l'arène
le cliquetis des sabots de la bête
comme si nous devions rapidement
cesser toute querelle
et nous rencontrer autour de cette mise à mort .

     Les fraîches fraises devinrent confiture avariée,
l'éructation du chantre creva la paroi de papier de riz,
le grave accord des caribous s'enrhuma
jusqu'à terminer sous cloche de verre
enrubanné
et prêt pour le défilé .

...  M'avaient mis la tête sous l'eau !
et comme ça suffisait pas
je cassais la baignoire
à grandes ruades de brodequins ferrés
pour m'entendre dire
que l'au-delà c'est comme ici
ça pique et ça pue .

 .................  Lorsque la présence n'est pas au rendez-vous
alors que la Victoire est à portée de main .


122

l’art. Objet d’étude ou de plaisir ?

Il est précieux d’apprendre à regarder et à écouter car il n’est pas question de se soumettre passivement à ce qui paraît  merveilleuxMais qu’appelle-t-on écouter ? Qu’appelle-t-on regarder ?

Quand l’être s’abandonne à sa propre disponibilité, qu’il se situe en posture de contemplation décrispée, qu’il se vide des résidus du passé, alors il entre dans le jeu des formes, des couleurs, des volumes et des sons. Il devient  imprégné par l’actuel.

Et sous les pavés, la plage ; sous nos pas de condescendance à la normalité, la création. Celle qui dégage l’unité sous-jacente aux sensations. L’être se trouve là, dans cette solitude, dans cette non-dualité. Il est expérience effective de cette solitude intérieure et il trace son sillon.

Chez celui qui est créatif, il y a ébranlement à propos de tout, il y a renvoi à soi-même.

121

Être engagé sur la voie

 Cet univers entier et gelé .

Cette nourriture d'un autre ordre alors délivrée .

Cette responsabilité d'aller le cœur ouvert
quitte à se laisser bousculer par les énergies du lieu .

Chercher avec ardeur .

Approcher l'esprit .

La mort externe du sage est la naissance interne
de celui qui cherche .

La neige et le froid contractent nos volontés
autour de l'essentiel .

Nous ne percevrons pas la biche au cœur de cristal sans être aussi le chasseur
et si nos doigts gourds appuient trop vite sur la gâchette
ne maugréons pas contre cette maladresse
il se pourrait qu'entre la mort et la vie il y ait bien autre chose
telle floraison
toute de respect et enjointe à ce qui est .


120

frimas

 De la brume givre les sapins   
qu'accompagne le requiem des jours qui passent    
antienne redoutable .   

Joie des croque-mitaines    
gelant le bout des doigts   
qu'il fallait réchauffer contre la salamandre   
de cette douleur pointue qui vous assaillait juste avant que la classe ne reprenne .
 
Un pic d'antenne à la vie    
les ondes en sauvagerie par dessus les vagues blanches    
de la crème givrée sous un soleil d'hiver    
par un froid sans appel .   

Un froid de cadenas fermé et accroché au pont des souvenirs    
le lendemain de cette traversée du pont des Arts    
haut le cœur des amours mortes    
transfiguration des émois    
en marche vers les Tuileries du juste ordonnancement    
le paquet de tracts dans le sac    
pour de main en main   
joindre le geste à la parole   
et habiller de papier les marbres nus du parc   
en abscisse de cette trajectoire   
de la moire à la victoire   
espoir courbe des lendemains qui chantent . 

 
119

le mystère veille

 Expurgé  d'entre les mousses
inoculé par ses dendrites mémorielles
hors déni
le mystère veille
darde et reflète l'occupation du lieu
de lampées gutturales et festives
de ces rencontres
la nuit tombée sur le pas des portes
de ces romances
trop tôt dites puis oubliées
au petit matin
désœuvré
au passage des poubelles
sage remise en place après fête
les formes et les élans au fourreau
attendre des jours meilleurs
que surgissent à nouveau
les mains tendues
les sourires discrets
les invitations surprises
et s'entendre dire
que c'est beau la vie
lorsque le linge est dépendu
se méprendre
de l'innocent clin d’œil
échangé entre deux draps
cascades de rires
au milieu des voiles ensoleillées
ailes d'anges frôlant la fraîcheur matinale
juste un frisson à retenir
juste l'oblation à recueillir
la chaleur aux joues
sans frein
faire éclater le bourgeon d'un baiser doux et soyeux
pour l'amour de Dieu
pomme d'api
d'api d'api grise
pomme d'api
d'api d'api rouge . 


118

Viens faire un tour par ici

 Vite fait bien fait
la visite à ma vieille amie silencieuse
affligée  d'un dégel
en ses vitraux mélodieux
calmes papillons de lumière
paupières repliées sous leurs sourcils basaltiques .

Le vaisseau est à quai
aucun mouvement ne trouble sa quiétude
le monument aux morts monte la garde
la fontaine roucoule perle rare et joyeuse
enchâssée d'un tas neige
poussé par l'étrave .

La voiture rouge se gare
les essuie-glaces s'immobilisent
les portières s'ouvrent et claquent
des hommes en bottes de caoutchouc et casquettes sortent
les mains ondulant
dans les poches de leurs larges pantalons .

Ils entrent dans le café
un déca-crème rallongé
et un nature
non un bock
avant que des bruits d'animaux en fureur
sortent du percolateur .

" L'ambiance commerciale est-elle de retour à Orcival ? "
" A Besse y'avait le trophée Andros et la Saint Cochon "
" Superbesse ne connaît pas la crise " .

La cuiller tapote la tasse
ça cause d'un colibri
qui ouvert puis fermé
vient parfois faire un tour par ici . 

La porte s'ouvre
un vent frais envahit la salle

le carrelage ciré reflète la basilique
Un grand moment d'immobilité
Toujours comme la première fois

Devant la Vierge Noire .


117

Dégel

 Goudron et neige coexistants
en dicotylédones semi-sphériques
les naissances arrivèrent rapidement
sous la lunaison propice .

Goudron et neige
de salissures moirées
la plaine s'encapuchonna
sans que filtre le regard .

Goudron et neige
ne dépendant ni d'Eve ni d'Adam
les semelles laissèrent leurs empreintes
sur la livrée sénescente des brumes .

Goudron et neige sevrés de soleil
arrimèrent la grand'voile
pour ceindre d'une étole
le démarcheur du beau temps
occupé à pelleter devant sa porte
alors que la burle hurlante
suppliciait arbres et poteaux .

Goudron et neige se mirent en pâmoison
à mesure du dégel
lâchant au passage
les stalactites de glace
venant exploser au pied des murs
codicille m'enjoignant à poursuivre la quête .


116

Le furent-ils ?

      Le furent-ils
d'exploits asservis
les élégants exégètes
de la parole divine ?

 Ils auraient
en compagnie des sans-grades
occupé l'espace promis
à plus grands qu'eux.

Navrés de se terrer
sous les gravats du temps
nous aurions pu accompagner
leurs tentatives de faire entrer
la bonté
dans ce lieu de garnison.

Rasés de près
les mâchoires serrées
les cerbères tenaient leur avantage
sans que l'ombre d'un doute
ne fasse frémir le regard
posé
immobile et dense
sur l'horizon des afflictions.


115

Ces notes qui dénotent

 Ces notes de musique
enchantées par le lâcher des choses dites
en cas de rébellion des hauts fourneaux
en catimini de l'alcool absorbé
une chanson sèche
susurrée par une voix de tête
au tournoiement des calebasses
agitées par les mains obscures de la déraison.
Il y avait

de gravée sur la margelle
une croix jetée
hors la prison de l'engourdissement ,
un soupir ,
un regard ,
une invitation
simplement évidente
que j'obtempérai
le doigt couvert de cendres
en sainte application
sur le front .

Au défaut de l'armure ,
par la fenêtre de la prison ,
il y avait
celui que je ne cherche pas ,
celui qui échappe et retient ,
l'Autre .

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