Tous les articles par Gael GERARD

Ne pas être le « bravo »

 Ne pas être le "bravo"
qui brave le silence
être la racine sèche
la mousse assoiffée
le champignon rabougri
être l'accueil
pour soupe offerte 
lentilles et lard
être la main tendue .

Etre l'homme
le petit
le prêt à vivre
la danse des femmes
nos initiatrices en amour
amulettes d'avenir
semailles tendres
aux flancs des collines vertes
un vent chaud
fricassée d'étoiles
sous une lune partagée
nous les errants 
les mange-cœurs
vifs en remontrances captatrices
dolents en espérance
les fauconniers du beau .


234

Dieu, une évidence

 Ne pas éviter
 les crocs de la raison
 plantés sur le râble des choses connues
 fractale blessure
 à la mesure des choses dites .

 La divergence
 canaille souple
 d'entre les roseaux de l'évitement
 rassemble les coques vides du festin .

 Un grain de riz
 peut nourrir
 les gendarmes du désenchantement .

 Du bol
 la multitude asservie
 sera jetée
 sur les couronnés du mariage assumé .

 Evider ,
 faire le creux sous les yeux
 du démiurge reconnu ,
 excaver à la barre à mine ,
 à la Barabas ,
 les alcôves de l'oubli ,
 rassembler, puis danser
 une évidence
 entre matière et esprit
 le long des golfes clairs
 la vérité apparue .

 Et que de choses advenues en cette inconnaissance 
 Dieu
 Dix yeux de merveille .

 Le cadre des enchâssements de la logique . 

 Le point de fuite
 d'où tout vient et tout converge .

 Le toit des masures de l'homme
 en construction de lui-même .

 Les mains de la rencontre
 au petit matin mutin
 des " bonjour comment ça va  ?" .

 La plaie à lécher
 convergence de l'algue avec la langue
  mer et terre confondues .

 Le réglisse noir
 au feu racinaire
 des obligations d'une discipline .

 Le crissement rêche
 du calame sur l'argile sèche .

 Le creux des songes
 en amenée tendre
 sous l'amulette du chamane .

 L'arc en ciel
 des coloriages de l'enfance
 en quête de reconnaissance .

 La levée du regard
 vers des cieux intenses
 au crâne de l'ultime .

 Absence d'explication ... Instance de présence ...
 Dieu , cette évidence . 

 ( photo de François Berger ) 

 232

Des cris

 Des cris
 l'appel des mots de miel
 l'ultime comme roc
 sur lequel retentir .

 Le claquement sec de l'orage
 dégoupille ses vasques d'eau
 au caravansérail des rencontres .

 Femmes 
 en coursive haute 
 le regard musique 
 les pieds dans le dur du granite .

 Elles chantaient
 clameur gutturale
 montée des désirs
 puisant une énergie de louve protectrice
 sous l'amoncellement des feuilles mortes .

 Transe en sous-bois
 les trompes racolèrent les défaits de la nuit
 chiens battus recroquevillés
 au dévers des choses dites à la va-vite .

 Il inventa la ronde danse 
 L'infinie lumière éperonnée
 à l'avant du charroi
 les jambes flageolantes
 aux portes du temple .

 Mon âme
 élevée d'un léger signe de la main
 à l'aplomb d'une joie vespérale
 vers l'envol de l'oubli .

 S'alignent les sourires
 les hochements de tête
 sous les cintres de la scène
 sans applaudissement
 au juste silence en soi
 coquillage vermeil
 retenu par la respiration .

 Nous nous mîmes en marche
 devant l'inconnaissable
 cherchant la clé de la cité
 de niveau en niveau
 comme pour être là
 le cœur en fête
 dans d'improbables anfractuosités .

 L'homme vert sortit du bois
 la chevelure lichens
 le souffle dragonesque
 l'allure souple
 l'appareil photo en bout de bras .

 Il suffisait ...
 et pourtant
 les hardes ne nous couvraient plus
 la moue aux lèvres
 les yeux piquetés d'ardentes échardes
 le pourtour de nos suggestions
 en limite de rupture
 les chevaux éructèrent
 il y avait tant à faire
 le sable coulait de l'écarté des doigts
 un petit tas se forma
 nous y mîmes notre espérance
 notre joie
 notre peine même
 à l'arrivée d'un enfant faisant château en bord de mer
 en reflux des vérités .

 L'ultime en un claquement sec
 rompit les amarres d'avec l'illusion .

 Tout s'écroula
 il y avait à vivre .


 233 

les écus flamboyants

 Parés de leurs écus flamboyants
les chevaliers d'Elianthe débarquèrent
de vapeurs de couleurs d'essences parfumées
le souffle puissant
l'amble souple
captant de leurs sabots
l'énergie des choses recouvertes .

Point de cliquetis d'armes
point de visages farouches
point d'accoutrement médiéval .

Juste un coup de vent léger
gonflant le voile de tulle
à l'entrée capitulaire .

Se sont enquis de qui étaient là
de l'ordre des cérémonies
du tréfonds des choses secrètes
de la brume légère des regards
de la demande des oubliés de la vie .

Les destriers se cabrèrent
devant l'estrade des inter-vivants
enfilés finement
brochette rieuse
voyageurs de passage
nantis de la bénédiction de l'icône grave .

Des fleurs et des mots
des rires et des yeux noirs
l'humaine cohorte des cœurs brisés
s'ébranlait
léger marouflage sur notre terre mère
virevolte des danses à larges robes
la musique faisait et défaisait
l'ordre des choses établies .

Nous entrions dans la nuit de l'âme .


235
( peinture d'Elianthe Dautais )

Le dragon de l’âme

 Mascotte des horizons courbes.

 Du songe lumineux de la femme 
 l'astre crible jusqu'à sa quintessence
 l'homme missionné.

 Longue est la voie
 des lutteurs de sable
 le devoir est gerçure
 aux chercheurs de liberté
 nul échange de paroles
 juste le reflet offert
 à ce qui est .

 Jardin de ton visage
 élan de nos cœurs mêlés
 accueil de la source de miel
 entre mon âme consumée 
 et l'ombre du dragon .

 Je fais et défais le dispersé
 pour ce corps à découvert
 mesure du mystère surgi
 lors
 émergence des brumes
 laisser poindre
 la ruse des mots.

 Je cligne de l'œil
 étreinte douce des voiles déchirés
 évocation de l'amour
 haut les cœurs
 des temps à venir.


 231 

au 42 y’a la porte de l’industrieux

     Au 42 y'a la porte de l'industrieux .
Ici point de belles lettres ,
rien que de la parabole
au sens du bon Samaritain  .

Effondré ,
il gisait sur le pavé ,
passaient les passants de l'oubli ,
disparaissant même
dans les contractions de nos cœurs sans âme
au goutte à goutte
des coups d’œil
jetés en affliction convenue
tel le temps sur une coque vide .

Puis ,
retournement de situation , 
la porte s'ouvrit ,
avec insistance
cette main tendue vers lui ,
l'unique .

Pauvre homme ,
roué de coups ,
il gisait ,
couvert de plaies ,
dévoré par les stigmates de son imperfection ,
faiblesse qu'il ne voulait ni voir ni nommer .

Transpercé ,
humilié ,
dépouillé ,
à fond de cale ,
il fût happé par la fraîcheur d'un baume .

Enfin il obéissait ,
il était libre ,
hors de sa personne ,
hors du tout autre mêlé .

Il revenait vers lui ,
il naissait ,
il accouchait ,
il connaissait .

Se redressant ,
il prit ses hardes ,
s'enquit de là où il devait se rendre ,
le visage en lumière ,
le regard généreux ,
le pas sûr ,
pour offrir aux gens de rencontre ,
le doux sourire ,
de ceux qui savent ,
que derrière le dépassement de soi-même ,
se cache le beau du beau ,
l'ambre des cachalots de l'esprit .


230

Aussi léger qu’une plume

 Aussi léger qu'une plume
un ange passe
en lisière de forêt .

Au creux de l'attente 
le pas se fait précis
le souffle court
le vide est là .

Le licol se délie
la bête pointe son mufle .

Une aurore boréale en acmé .

Un vol d'oies sauvages
soulève les nuages .

Le risque se fait pressant
le cœur cogne contre les côtes
une lourde pluie calme nos ardeurs .

Il se pourrait que succède
à l'élan terminal de nos appels
le chant de notre infaillible loyauté  .


229

aussi léger qu’une plume

 Aussi léger qu'une plume
un ange passe
en lisière de forêt .

Au creux de l'attente 
le pas se fait précis
le souffle court
le vide est là .

Le licol se délie
la bête pointe son mufle .

Un vol d'oies sauvages
soulève les nuages .

Le risque se fait pressant
le cœur cogne contre les côtes
une lourde pluie calme nos ardeurs .

Il se pourrait que succède
à l'élan terminal de nos appels
le chant de notre infaillible loyauté  .


229

vivre à l’ombre de ce qui est

 Vivre à l'ombre de ce qui est
Vivre sans tête
en abscisse douce
contre l'ordonnée élégante
de la courbe croissante
l'espace d'un souffle .

Ouvrir le placard
Entrer en déliement  d'être
les objets montant la garde
hors de leur utilité méticuleuse
sans que l'offre ne se fasse .

Ne mangeons pas notre pain blanc 
laissons les pigeons descendre dans l'arène
entre les murs de béton
à becqueter les miettes viennoises
à croiser l'inquiétude
le téléphone collé à l'oreille .

Enceinte
sa main contre ses cheveux
elle cause
puis se rassoit
de dos
cachée par le montant métallique de la verrière .

Je me désaxe
cette torsade
assise
la main contre la tempe
le sac en bas de chaise
immobile .

Elle rangera
les fioles et les bocaux
sans omettre les sachets de thé
puis fermera la porte
dans un silence d'après-midi de printemps .

Qu'une vapeur recouvre la vitre
que surgisse le suint d'une vision
que le maître éteigne la lumière
nous pourrons alors 
vivre dans l'ombre 
la calme délectation d'un jour sans fin .


228

étirer un quart d’heure d’attente

      Étirer un quart d'heure d'attente
du carrelage à la fresque bleutée
lèvres chaudes refroidies à la craie
De bain 
brosse à dents
galipette des reflets
au ressaut de l'Inconnaissable
le bulbeux du faussaire hante de sa patte rêche
les blessures du mur
nonchalante banalité
source bruissante du graphisme 
Afficionados des songes
par un soleil printanier
où le bus vieux-rouge me frôle
d'ombre et de lumière
entre le chien et le lapin du tableau de bord
le feulement des autos
immobilise le geste
des parents traversant la rue
leurs petits à la main
une femme pousse le landau
des soupçons de voix derrière les vitres fermées
cette tendinite à la base du cou
me contraint à ne pas reculer
un scooter rugit
un couple marche en se tenant le bras
un garçon sur sa trottinette
et puis le silence, quelques secondes
sinon rien
L'enseigne de la pharmacie clignote sa croix verte
jadis la croix fût rouge
un mur peint en trompe l’œil
avec le clocher d'une église
J'y vais


227