Au fripé des vaguelettes
le pare-vie obscurcit la vision
de coups de balai cinglants
pleurent les pierres sages .
Un vent agite d'un amble puissant
les membrures arbustives
s’agacent des gouttes d'huile
creusant les visages grimés .
Finissent prostrés les arpenteurs
aux miroirs redondants ,
de mise en séquences ,
brutale est l'attaque élémentaire .
S'essuient le museau
les chiens babines relevées
à la croisée des chemins .
Se groupent les enfants
sous la canopée
forts d'une frayeur dominée .
Les sons hurlants
deviennent charivari
en l'effilé du rêve .
Tout se tient ,
les gens ,
les esprits de la nature ,
ces voix déraisonnables ,
l'enseignement direct .
L'odeur de terre chasse la poussière ,
la peau ouvre ses lèvres ,
des nuées pisse dru le lait des dieux .
Le visible devient invisible ,
l'invisible devient monde visible .
La création est rebelle sous son masque ,
la création est belle ,
l'essence exhale un doux chant ,
je suis muet ,
la guérison opère .
Une pipe allumée ,
j'offre mon âme ,
et me tiens debout ,
en lui ,
en mon intime ,
aux confins des morts et des vivants ,
juste le caprice d'être .
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Tous les articles par Gael GERARD
Sylvain Gérard. œuvre – 3 – Le singe pensant

Ligne de partage des eaux entre l'homme et la bête passe le flux des pensées muettes sa grosse patte par dessus le souvenir en élargissement d'être à effleurer la flamme unifiante . Gare au monstre pulsions et fantasmes assortis en chacun de nous offrir la pulpe amère au plus offrant des passants de l'éveil . L'homme au chapeau et lunettes Harold Lloyd réincarné bredouille de ravissement la fleur en bandoulière les onomatopées d'une marche nuptiale vers l'autre rive apparue . ( Œuvre de Sylvain Gérard . ) 264
Eloigne toi et me viens

A l'origine , Le contact avec les puissances de l'esprit , Une porte béante , Un bouche à bouche avec l'éternité . Je conjure à sang frais Le couteau dans le ventre de mon fils , Pharaon des orages à venir . J'implore la grâce En repli de l'enfant éteint , Que claque le briquet Au sursaut d'une dernière nuit Sans bagage Avec l'infini pour ciel de traîne , Ma vie au creux des vagues froides , Le crêpe du deuil , Sur la plaine des silences Que parcourent à petits pas Les saintes femmes . 263
Heurtoir sur la porte

Heurtoir sur la porte Ma maison est en bois Que le gong allège . Soif de dire le son Des oraisons en pâmoison Hors l'ordre vitupéré . Mâchure de l'esprit Sous le ciel d'un cœur Impact des balles fraîches . Corridor essentiel Pour de plus amples promenades Sans rambarde pour devoir . Au creux des encensoirs Filtre le doux regard De l'enfant en devenir . Prune écrasée entre deux doigts Gant de crin mouillé Offrande aux mille bouddhas . 262
Tu ouvres l’œil, tu fermes l’œil

Tu ouvres l'œil tu fermes l'œil et ton doigt sacré montre le chemin si loin, si proche objet sans objet nudité absolue le coloriage qui t'anime est épaisseur impénétrable . Elève - toi sois l'aigle glatissant cueille les grappes de la vigne éponge ton front caresse le chien qui passe . Ô homme, ô femme irradiants ensemble la mandorle des saisons . Cloches, croches, au son du tambourinaire soyons le verbe des officiants carène de la rumeur processionnaire claquement de bannière sous le linteau des entrées présence coutumière du paladin sous la coupole en quête de lumière . Il n'est d'Être réalisé que l'acrobate élevé par les hourras au sommet de son art sourcilleux devant la demande écartelé par les voix angéliques prêt à tendre son miroir concave à celui qui, au petit matin effectuera le retournement . ( Détail d'un tableau de Manon Vichy ) 261
Oui, ensemble, se dire comment c’est la vie

Oui , ensemble
se dire comment c'est la vie
là simplement devant soi
entre étonnement et gravité
profondeur et légèreté
en sourdine ou avec éclat
comme ça vient
en son cœur
être au plus prêt de soi .
Oui , ensemble
sur terre , à cheminer
de chair et d'esprit ,
se lever le matin
se coucher le soir
participer à la répétition des chants sacrés
lire quelques pages de poésie
s'échapper par de belles pensées
donner sa pâtée au chat sans oublier ses médicaments
guetter le temps qu'il fait
faire quelques pas le nez au vent
observer la nature qui se déploie
voir si la mangeoire aux oiseaux est fournie
prendre le petit déjeuner à deux
soutenir l'autre dans sa parole
échanger pour pousser plus avant
la réflexion sur les choses de la vie
puis méditer
rentrer les poubelles
aller relever le courrier
se dire ce qu'on va faire cette journée
les courses à l'Intermarché , à Botanic , chez le boucher ,
penser aux coups de téléphone
" Il va falloir que j'aille chez le coiffeur " .
Prendre soin de son corps ,
de cette tête migraineuse ,
du voile devant l'œil ,
de ces dents de Cadmos
de ces mains Dupuytren ,
de ce bassin engoncé ,
de ces jambes opérées .
Oui , ensemble
descendre comme vous vers la mer
les charges occupationnelles s'estompent
nul n'est indispensable
être désengagé professionnellement
le pré carré devient essentiel
fleurissent les images
des brassées d'idées convergent
d'où émergent des arrangements
des cadres où poser les œuvres
en déconstruction et construction de là où on est
la quête du sens des choses se précise
rêvasser ,
de douces et fulgurantes émotions
montent du ventre et du cœur ,
obligé que je suis de tendre vers le grand Mystère .
Oui , ensemble
tirer sa révérence
grapher sur le papier
des mots de sang , des mots d'esprit
dans le petit carnet
à la page d'aujourd'hui
au jour nouveau
de fraîches lunaisons attendent encore
telle une éternité offerte
bien au dessus de soi
mais visibles par temps de brume
entre chien et loup
quand la flamme se reflète au plus profond de l'âme
mon ami , mon cœur , ma déraison , ma déférence ,
ma dérobée , ma merveilleuse échappée ,
l'offrande consentie
au petit jour
d'une tendresse à promouvoir.
Oui , ensemble
il y a ces souvenirs , surtout ceux de l'enfance
brouillamini d'un passé révolu
et qui néanmoins collent à nos basques
immense conglomérat de traces
qu'organisent
à petite montées de bile
l'intelligible nostalgie du veilleur .
Oui , ensemble
et puis tant de choses , encore ,
à se retourner dans tous les sens
à faire lever la poussière de notre espace ,
séjour des morts avant la lettre ,
à fixer les points géodésiques forts ,
repères pour les futures générations ,
à ne pas manquer la cible des pertinences .
Devant moi la terre devient aride
les hêtres et les chênes de nos forêts
ont laissé place à quelques buissons épineux
le sable pénètre les anfractuosités de nos tours de Babel .
Avec mes mains , ma voix , mon regard
j'écris ton nom
toi le Futur Venu
toi , Liberté , Lumière et Mort
Nuit et Jour .
je mange les derniers fruits
ces baies rouges , noires , jaunes et vertes
j'habite tel un arlequin les couleurs de l'amour
je suis émerveillé par le passage
de la nuit au jour
et du jour à la nuit
surtout en nature , par temps frais
quand au petit matin
le soleil se lève , repoussant ses draps de miel
pour embraser l’entièreté de la voûte céleste
clameur de bien plus que soi
aux confins de l'espace
de l'accompli
et puis y'a la pluie
cette pluie toute neuve d'après sécheresse
qui fait se lever les fragrances endormies
et fouette le visage d'un éventail d'odeurs
promesse de rencontres inouïes .
Oui , ensemble
en promenade
sur le plateau battu par les vents d'ouest
je m'arrête et repars quant je veux
au gré d'une douleur à la jambe
au gré d'une blessure sur un tronc du frêne
les hautes branches dansant dans un souffle
aux effluves vigoureuses .
Oui , ensemble
c'est un sémaphore
aux fleurs de coquillages
que les yeux du néant
perçoivent
immense élan des vagues éternelles
frappant sans relâche
les rocs de l'avenir
et les maigres barrières
tout autour de cet objet si doux
que l'on pousse
devant soi et derrière soi
de tous les côtés à la fois
en ordre et en désordre
la vie
Sa Vie
cette béance de commencement en commencement ,
ce creuset des opportunités ,
cet appel de l'aube ,
oui , mais ensemble .
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Un regard si doux

Un regard Du côté des marguerites Aux tiges longues Des coccinelles remontantes . Un regard En haleine d'être Du frais partage Des mots de tous les jours . Un regard De toi vers moi À pieds joints dans la flaque d'eau De moi vers toi . Un regard Venu d'ailleurs La trace d'un passereau Fuyant sa signature . Un regard Qui embrasse sa vie Et prend conscience de sa mort Comme le matador dans l'arène . Un regard De l'entre-deux Avec sa condition spirituelle Et infiniment mortelle . Un regard En sa solitude Dans ses limites Dans son ouverture . Un regard Qui n'a rien à faire Pour se contenter d'être Ce qu'on est . Un regard Qui permet de vivre Malgré les ignorances Grâce à son innocence . Un regard Qui adhère sans savoir Au souffle le vent D'où procède la lumière . Un regard Qui sauve En équilibre Du risque des cris et des pleurs . Un regard Un premier pas La foi du charbonnier Comme en passant . Un regard Si présent Qui sauve et s'expose Le temps d'une métamorphose . Un regard Qui transmet Le sable du désert À petites goulées de mystère . Un regard D'une vie l'autre Une force À soulever les montagnes . Un regard gratuit Comme la lune en plein jour Dans l'exaltation Des paupières battantes . Un regard Disponible dans l'instant Disponible à tout jamais Comme ultime ressource . Un regard Qui ne fouille pas Mais rassemble Les étoiles du matin . Un regard Tel un soleil levant Enturbanné Dans ses draps de miel . Un regard si doux Une merveille Du bout du doigt Nu retenu vécu . 259
Petite main tendue

Petite main tendue Se leva vers les cieux Pour capter le nuage errant Sans s'affubler du passé Sans les pleurs de l'arbre aux fines écorchures Sans le pas menu du chevreuil sur la feuille sèche . Puis , Devenu cornemuse De ses doigts de fée Laissa passer La moelle d'un son Frappant de son aile Le paralytique de la relation . Mirliton de mes pensées Face à la haine L'amour et la foi se rejoignent Joie dépouillée De toute définition Entre doute et fidélité D'une intense émotion À parcourir le chemin intérieur . Ne me transformez pas en porte battante Qui s'ouvre et se ferme à tout va Alors que le temps presse de séparer le subtil de l'éther Avant de bénir ses enfants . Ayez confiance Au parapet des circonstances Le visage de sortie d'holocauste Reflète un bonheur Grandeur du feu essentiel Sauveur de l'oubli de soi Sauveur de la confusion d'avec soi . 258
Pirouette de la lettre

Pirouette de la lettre À l'arrivée de celle qui ne vint pas Aux commémorations des mots mordus par la dent principielle Aux safran sachant chasser les vents mauvais Aux callunes courbées sur la lande de l'enfance Aux fresques enrubannées Que dis-je ? Si je ne fabrique l'au-delà Que fais-je alors de si parcimonieux En ballerines de tendresse Aux creux des vagues amoureuses À se fâcher avec la bête À s'élever au matin gracieux Par dessus l'hypertexte des attentes clamées En chasse-patates derrière le peloton moutonnier J'erre en carême d'Être Et produis le déficit Estuaire frémissant D'un mascaret de circonstance Au marquage des dauphins En vacance du tout venant En acceptation du tout venu Griffant d'un ongle acéré Sur l'orgue basaltique Les errances parcheminées Ces questions froides En avidité de connaître Au désespoir d'avoir connu Le simple effet d'un son Au point chantre de l'église Ma jungle Mon Guernica des causes perdues Ma vaillance Ma basilique Saint-Ferjeux Mon enfant de terre et de ciel Unique élan du savetier Près de sa galoche centuriale À décrépir les monts et merveilles D'un horizon éloigné À force de rames Sur la mer Morte Et de coups de menton Contre le mur des lamentations . 257
Chromosomes farfadets de l’aube

Chromosomes Farfadets de l'aube Alter ego s'évertuant À caresser de leurs os Les murailles lasses De nos châteaux endormis . L'asphodèle se mêle Fanges et végétations ourdies Aux luxures de l'esprit Fenêtres ouvertes En pâmoison d'Etre Mon âme , ma tristesse . Echancrées De moellons parcimonieux Montent des tours barbares L'énuclage des ouvertures Gémissements se prolongeant Aux flexures du temps . Raison dernière Des contes de la mère l'Oye S'écroule l'orgue Des vestiges blasonnés Fêlure matricielle Au centre du baldaquin . Mémoire ma mie Recouvre de voix hilares Au déplié de l'écho La chaste offrande De nos lézardes pantelantes Ma peau mon unique . Cliquetis de l'enfance disparue Craque la chaîne générationnelle En ses espoirs ses projets Ces jets de pierres Contre l'histoire Aux maillons rouillés . Sage est notre contrée Alourdie de forêts profondes Sous l'échauguette Te souviens-tu De la douceur des soirs de moisson Ma bien-aimée . Les dalles soulevées Apparaissent Rosissante rosace du néflier roi Prudent propagandiste Des fruits offerts Au meilleur d'entre nous . . Projetant d'ombre en ombre L'épée de lumière Dans l'imbroglio des poutres enchevêtrées D'avec les murs pantelants Les oiseaux piaillent Sous les effluve d'une pluie odorante . Nuits sanguinaires Entre nous traversées Les parures s'écaillent Par delà le zeste d'une frise Ma main contre ta joue Ma pomme d'été . C'est par l'allée Que nous sommes arrivés Entre les arbres encorbellés Le pied léger Le menton en godille Nous les danseurs d'une passacaille . ( Photo de Bernard Lépinay ) 256
