Deux pierres de beauté

Deux pierres de beauté ont surgi
Telles oreilles enchantées
Du méli-mélo de racines
Suppléant à la timidité feinte
Du promeneur familier

Titubant sur la sente rocailleuse.

En ce jour de l’Assomption
Le linge séchait dans le pradou
La cloche de Saint Lambert avait sonné
Nous attendions habillés de près
Souliers cirés
Près des grosses pierres de l’entrée.

Souvenir souvenir
De la chambre d’écho des Matillou
Retentirent les voix raffinées aux petits oignons
Des femme-mères afférées à leurs derniers préparatifs
Alors que les homme-pères bichonnaient les voitures
Là-haut sur la route.

La forteresse de l’avenir était à prendre
Le manuscrit bouclé
La mélancolie cachait ses dernières poussières
La page se tournait
Wedi'i wneud yn gyflym da iawn
Au déplié des visages familiers.

Écrire c’est prendre soin
De ce que l’on voit
Phrase après phrase
Lorsque le frêne et le tilleul bruissent
Et que montent du muret
Le souffle de la présence des anciens.


1479

Propre et dur

Propre et dur
Sans grain chenu à se mettre sous la dent
La vraie Vie en fond de cour
Porte ouverte
Cœur timoré
Nous avons convenu d’évaluer l’espace monacal
Cette offrande de l’orthogonalité des lieux.

Rectitude et Fermeté
Amusent la foule
Alors que le petit homme
Perdu, éperdu, généreux, épuisé mais toujours debout
Est la risée de tous
Sans que la douce fleur advienne
Dans ses épousailles avec le monde.

En fond de la ravine
Parmi les dangers de la paresse intérieure
Le Ciel s’amuse à nous punir
Nous les maîtres de notre destin
Enclins à se nourrir à la paille
Parmi les traits d’humour
Jusqu’à ce que corde vibre au sortir de l'ombre.


1478


De la boule à la spirale

J’ai prêté l’oreille
Et la pierre m’a répondu.

Qui ne mange pas est mangé
Et qui mange bifurque.

Plus gros que toi
J’ai embarrassé le monde.

La boule dure dans la goule
Rejoint le labyrinthe invisible.

Selon son âme selon son cœur
Parvenir un jour en lisière.

Cette destination suggérée, pressentie, entretenue
C’est le secret.

La dureté de l’épreuve
Est chemin de progression.

Se perdre
Pour abandonner ses vieilles références.

Dans la forêt des symboles
J’ai greffé la branche du coudrier.

De paix habité
Ramasser la plume d’or.

Au-delà de nos capacités apparentes
Trouver la boîte noire.

Énorme pierre philosophale
Grésillant d’étincelles bleutées.

Pris en charge par des forces
Écrire le jour et la nuit.

Pomme perchée au plus haut de l’arbre
Reçoit la parole des étoiles.

J’ai joint un timbre pour le retour
De la divine Source le moyen de servir.

Accompagner l’œuvre
D’une infinie patience.

Tout est présent
Juste mettre en ordre.

Pas de notice de montage
Pour les pièces et rouages de la machine humaine.

Élaborer sa propre forme
Selon un modèle unique.

Le point d’attraction de toute chose
Est connaissance du tréfonds, de l’intime et de la conscience d’un absolu.

La rose de la totalité
Sèche et flamboyante entre soleil et lune.

De la boule à la spirale
Le temps d’une gestation.


1477

Stylet du haut des cathédrales


Stylet du haut des cathédrales
À la pierre tombale feinte
Tendre vertu
À rentrer au Point du Jour
Par la fente de volupté.

Il est du monde
Que frontière entre les vivants et les morts
Délice de la Goule
D’où viennent les moineaux
Vraie poésie de la lumière.

Main aux herbes courbes
Ensemencement jusqu’à sa propre consomption
D’une vigueur altière
À portée des feuilles sèches
Cingle une dernière voile.

Chercher n’est pas trouver
Le livre à la sueur d’encre
Qui par nuit de septembre
Allumera un dernier feu
Éclairant les yeux mouillés de l’aube.

À se taire plus longtemps
Les mains pariétales
Gagnent la pelouse sage
Devant le fleuve de boue
En toute subtilité.

Bruits tout partout
Du Maître des écritures
Apposant sa patte d’encre
Sur la logique dépouillée
D’un éternel enlisement.

Lovée dans sa conque marine
Le vide stylisticien
Avale la contrée aux flocons de neige
Part intangible de sa légitime passivité
À boucler bas la ceinture des instincts.

Battre campagne
À fleurs de lys rabattus
Engage le bougre à rallumer la flamme
Contre la pierre froide
De son originalité.

Ombres et lumière s’enlaçant
À la veillée des échanges
Je saurais être la main miraculée
Sortie de terre
Terrassée par la musique des orgues.

Du trou la main se lève
Doigts et ongles enrobés de glaise
Vers la fleur de lotus
S’efforçant de percer les nuages
Aux marges de la grâce.

Sur la paroi
Dansent les ombres de la préhistoire
Traits lancés contre le mystère
À ne pas mourir trop vite
En ces temps de rêveries prononcées.

Nichée de mai
Cadavre exquis tombé sur la pelouse
Les branchettes ferraillent sèches
Jusqu’à l’ivresse de renaître
Au jeu des particules lumineuses.


1476

Avec ferveur et humilité

Avec ferveur et humilité
Dans le jardin des souvenirs
Il fallut jouer des coudes
Pour porter la pignole
Dans la sérialité de l’âme
Jusqu’au foyer grand-parental.

Les sourires colorés de nos désirs
Ont gravi la côte
La fleur au ventre
Conscient de grandir en l’Être
Par amour de la Beauté
Et de la Vérité.

Rambarde jusqu’en fond de couloir
Par temps de musique triste
À l’assaut du faîtage vers l’ascension unique
Dégageant le remuement des oiseaux
L’empreinte noircie sur les murs de chaux
Rappelant les torches du passé.

Vivre c’est rassembler des grappes d’images
Dans l’ivresse de renaître sous la liqueur bleutée de l’air
Aux marches du destin
Que le hasard fait sien
Par l’instabilité du gargouillis de l’esprit
Livre ouvert sur les genoux.

Pas besoin d’anges ni trompettes
Au corridor des amours
Prélude incessamment répété
Par la musique des sphères
Sur un fond de fox-trot
Grésillant en fond de grange

Faut savoir
Que la douleur
Seule en bord de route
Marque le grignotage de l’âge
Engendrant plaies et bosses
Au paradis des jours à venir.

Place au Méphisto de l’ombre
D’étage en étage
La pluie se fait bruyante
Sur les vasistas


1475

Flamme Visage et Dentelles

Flamme Visage et Dentelles
Rêveries de la religiosité
Bonbons de guimauve
Camisole de force
Cène officinale de l’Être
Alphabet des mondanités
Une sainteté va
Bruit sourd du marteau-pilon.

Appel au grand air
Baguettes magiques sur le tambour de l’âme
En guerre contre la fausse parole
Geôles ouvertes devant le petit écran
Dédicace manuscrite au feutre noir
Le pont entre la boue et la mélancolie
Une écriture de garde-barrière tôt levé
Prince-poète des esthètes et des moralistes.

Aux horloges du monde
Les ressorts se sont cassés
Le visage reflet s’est usé en rase-campagne
La tête de l’hydre s’est envolée
Un clou enfoncé dans la misère du monde
Le passe-droit des contemplatifs
Un arrachement aux cimaises de l’ordre
Le premier jour d’école d’une passion triste.

C’est dans le noir qu’on prend feu
Qu’il nous reste tout à découvrir
Que les chevaux de la pensée éructent
Que le bruit du papier froissé fait mystère
Que se révèlent les lumières de la poésie
Grignotage du simple et du gentil
Connaissance de la déchirure
Bouche-à-bouche d’amour avec la chose.



1474

Le poète farfouille


Le poète fouille dans la grange à mots
Pour un passage de l’autre côté de la vitre
Avec plein de moineaux pour picorer le grain.

Le poète cherche la bonne pièce
Dans le puzzle aux multiples entrées
Guidé par la caresse du non-agir.

Il feuillette
Et l’acte de lire ne s’improvise pas
Il est blessure amoureuse.

La tâche blanche d’un troupeau de moutons
Éclaire l’enfance
Claire comme un cœur de guimauve.

Je suis avec toi
Inadapté au monde
Comme écorchure au genou.

Si je suis lu
C’est qu’un miracle a fait éclater l’éprouvette
Sur le paillis des feuilles mortes.

La nature est grande bougresse
Soutenue par la brume des harmonies
Dans l’illusion du divin sous-tendu.

L’homme est un aveugle dans la vie
Le poète, ei, lisse ses lentilles de contact
Lorsqu’un vent glacial les recouvre de givre.

Une trace mène au plus petit cratère
De laine recouvert
Pour le nid de la huppe.

Immense est le fond d’horizon
Énigme insondable de l’Univers
Se parant des mille morts à venir.

Faire mine de rien
Le tour de la colline
En prenant le matin par la main.

Puis s’en aller
Comme frêne en bord de pré
Dans l’attente immense.


1473