Retenue

Je t'ai mené là    
Petite fille aux doigts de fée.   
 
Les anges nous ont suivi    
En cortège une rose à la main.         
 
Le chant du merle    
Je l'ai glissé dans l'enveloppe.        
 
Les nuages recommençaient à sourire    
Comme aux premiers jours.        
 
Je me suis retourné    
Pour voir la maison une dernière fois.        
 
De toute éternité    
Jamais tilleul et frêne n'avaient été si beaux.        
 
Nos rires ricochaient    
Sur le battant de l'horloge.        
 
Hormis cette attente    
Les phrases courtes permises    
Pas besoin d'image    
Les fleurs pensent    
Les pensées fleurissent    
Brûlent à même le macadam    
Les gribouillis de l'entendement    
Mort et vie forment tissus    
Une trace de sang pourpre au vent.      

 
 
978

Une vie agitée

Tu as parcouru le chemin    
Pour être des nôtres    
Sans que science te hèle    
Ainsi plongé dans tes écrits    
Éviterai-tu le pas de trop ?        
 
Aucune fièvre dans le ghetto        
N'a relégué ton énergie    
Vers la guerre    
Où l'abomination d'être célèbre    
Organise le délitement des rêves.        
 
Quel gâchis la vie    
Avant de s'apercevoir    
Que les derniers mètres à franchir    
Sont ceux de la dérision    
Quand la clôture s'affaisse.        
 
Le vieil homme    
N'appelle plus de ciels nouveaux    
Il boit mange et bredouille    
Des mots de grave densité       
En communication avec l'invisible.        
 
Alors la Vie agite les fantômes    
Et ceux-ci sortent à reculons    
De la boîte en carton    
Des tendres années    
Où l'homme était la joie de l'homme.        
 
Arrêtons là l'énoncé du doute    
Soyons maître en nos errances    
Sans passe-droit    
Sans refus du dépouillement    
Afin de garer le raison en double-file.        
 
Merci d'être venu me lire    
Merci d'avoir confié à votre visage    
Les traits du dépassement    
Vous avez bien mérité une tranche de gâteau    
Avant d'être compagnon de routes.             
 
 
977


Les moutons de Gergovie

De la terre nue autour du site  
D'orientation la quadrature    
De l'horizon à bon escient    
Main en visière face au soleil.         
 
Descente dans l'herbe gelée    
Craquante à souhait    
Irisée des fées de nuit    
Cherchant sommeil le jour venu.        
 
Rencontre des moutons    
Bêlements emmêlés    
Des crottes sous la semelle    
Bonjour bonjour les Belles !      
 
Puis le Silence    
Entre les murs et les taillis    
L'agneau mort    
Un corbeau passe.        
 
Retrouver le chemin    
Le soleil et la vie    
La glace dans les creux    
Aux dalles dansantes.        
 
Parking et tutti quanti    
Les portières claquent    
S'asseoir sur un banc    
A l'écoute.        
 
 
976

Des platanes tressant couronnes





Sachant parler aux arbres  
Il a revu sa copie    
Puis s'adossant au grand tilleul    
Évoquer les courses des enfants    
Dans le parc de la mairie.        
 
Entrons en regard-esprit    
De tous côtés dispos    
Prêts à saisir le bon regard le bon esprit    
A la pointe de l'épée     
Le travail accompli.       
 
Un. Ne retenons pas nos larmes    
Soyons frère et sœur petite fleur    
Au passage du char à foin    
Sur la route poussiéreuse    
A rendre maman heureuse.        
 
Silure au ras du banc de sable    
J'ai vu sa goule barbue    
Devant la felouque descendante    
Au gré du courant tourbillonnant    
Aux grosses bulles argentées.        
 
Parmi les algues    
Cette forme cette femme    
Ophélie en sa chevelure    
Filant droit vers l'horizon    
Où dansent les fumerolles de la Centrale.        
 
Sur les berges se terraient les ragondins    
A l'abri des platanes tressant couronnes    
Vers un ciel d'attente    
Vide d'un bleu capricieux    
Faisant place nette aux brillances.        
 
 
975

Construire une maison

Construire une maison    
De ses mains piler la paille    
Monter les murs       
Augure d'une levée du sol  
De ses membres élus    
A composer avec l'eau la lumière et la terre    
Avant que nuit ne signe l'arrêt de la journée.             
 
Ils furent    
Près de la fontaine    
Le mulet prêt à fouler le frais cresson    
Deux lutins malins    
Barbotant à même leurs souvenirs    
Le pourquoi du comment    
D'élever la bâtisse en ce lieu.        
 
Ah ! Ça ! Je les ai survolé    
Leurs arbres d'ombrage plantés    
Quand le soleil dru    
Faisait se rassembler trois générations    
Devant la toile de Pierrot en sieste douce    
Tricot, papotages et lecture du journal   
Rassemblant les plus vaillants.            
 
S'effacent les brumes matinales    
Relevant droites comme Baptiste les herbes de la nuit    
Pour pastourelle au réveil    
Entonner chants et rires    
Sur le devant de la maison    
Qu'ils ont construit nos anciens   
Pour bien plus que leur temps de vie.        
 
 
974

En passant par Saint-Ferjeux

J'ai sorti les mains des poches    
Pour sentir si la pluie tombait    
Sur le dessus des doigts.        
 
Et s'en était trop    
Je t'ai vu    
Étincelant dans ta parure princière.        
 
Du coin de l'œil    
Nous sûmes que nous n'avions pas su     
Nous purifier dans l'ombre de l'autre.        
 
A se remémorer    
Le temps des cerises    
Reflète une aurore immobile.        
 
Aux plumes passementières    
S'échappent par la coursive    
L'odeur d'un méchoui.        
 
Prudence et pommes reinettes    
De nuit comme de jour    
Il fallut bien du courage pour se quitter sans ambages.            
 
Battre la campagne    
Entre bleuets et coquelicots    
Froisse les blés aux tiges fines.      
 
Quand le vent peuplent les peupliers    
Sur la boîte de bois    
La rose seule.        
 
Mon petit des horizons bleus    
Montre-moi    
Cette aube éternelle.        
 
Saisies au caramel    
Les pièces du tronc    
A brûler sur l'autel.        
 
En cet été en associés    
Cruauté du passage rapide    
Des fleurs séchées sur le pavé.        
 
Marcher dans l'allée des Alyscamps    
Avant que tout soit emporté    
Forme sagesse sur le champ.        
 
Par deux    
Quand défilent joies et peines    
Restent souvenirs aux cintres accrochés.        
 
Flocons de rire    
Parsèment rue Nicolle      
La chambre des enfants.        
 
Finement épris de toi    
Avec la fleur de genévrier    
Avons ouvert le bal.        
 
Tendrement    
Sur tes genoux    
Avons posé la paume de nos mains.       
 
Quant au kompucha    
Y'en a plus 
Ac felly y mae. Fy nghariad.          
 
Si tu voulais    
Par un signe d'en haut d'en bas    
Me montrer le chemin. Je prends.        
 
 
973

En passant par la Lorraine

Du pays où poussent les jonquilles    
En avril aux teintes marines    
Un astronef est paru pour moins d'un sou    
Je l'admets    
En ces errances de l'amour    
Ma femme de Lorraine    
Au creux des terres rouges    
A gratter de ses ongles    
Les dernières rages de la rupture    
Alors que passaient les oies sauvages    
Sur les étangs        
De notre rencontre.         
 
Un œuf posé sur la table de bistrot    
Trotte et canaille un café sur le zinc    
A la sortie de Questembert    
Au passage des Romanos    
Ramassant les ferrailles rouillées    
Qu'ils iront vendre au Luxembourg    
Pour maille à partir    
D'un berceau de Cantebonne    
Énamourer de perles    
Les chevaux roux de notre cavalcade    
Au nom des libertés d'une grâce venue    
Le bec de la folie picotant notre visage.          
 
Route longue    
Sous les abris de Maginot    
Nous fûmes mariés    
Le temps des pommes mûres    
A recueillir les fleurs coupées
Jetées au bas des HLM    
A chanter Brel et Ferré    
Sans que revienne la 4 L bleue    
En songe le gui à tous les étages    
La batteuse à même le chaume de Fillières    
Éclatée en menus débris    
Après le passage du train des mines.
 
 
972

Passe poussière

Passe poussière    
Au porte-à-porte
Des actes de Foi
La flamme vacille
Au gré des éclats de voix.

A même la plaine
Où combattent les ombres
S'enroulent dans les taillis
Les serpents de l'alarme
Sous le rire du chêne-maître.

Les mains arc-en-ciel
Du jour de Pâques
Jouent roucoulent farigoulent
En ordre dispersé

Dans la cour des instincts.

Massive attaque
Des rappeurs de la peur
A écorcher le mouton d'or
Sur le billot du temps
Visage de la mort.

Sac de noix
Jeté à la volée
Sur le plancher de bois

Fait déraison
Une fois passé saison.

Craque la branche sèche
Sur le sarcophage de l'attente
Les petits hommes de pierre
Sur les lèvres du trou
Jetèrent la rose dernière.


971


Le chat est là

Le chat est là    
Et c'est bien comme ça.        
 
Mâche le brin d'herbe    
Et regarde le ciel.        
 
Les feuilles tremblent    
Sous un vent guilleret.        
 
Traversent la prairie    
Les oiseaux de couleurs.        
 
Trotte dans ma tête     
L'histoire de la Petite Fadette.        
 
Je me lève pour faire quelques pas    
Changement de point de vue.        
 
La lumière clignote dans le feuillage    
Des perles de soleil dans les yeux.        
 
Ce qui est là devant moi    
Me regarde.        
 
J'écrase une herbe entre mes doigts    
Pour la sentir et la lécher.        
 
Un chien aboie puis se tait    
Une auto passe au loin.        
 
Les nuages n'ont pas bougé    
Immobilité de réserve.        
 
La Terre tourne et moi avec    
Pourtant je ne ressens rien.        
 
J'attrape le mug de chicorée
Et avale une goulée.
 
L'ordinateur ronfle 
Plein de compassion.
 
Mes acouphènes me glissent 
" Tu es vivant."
 
Un dernier coup d'œil sur le texte
Et je quitte le clavier.
 
 
970

Un regard se pose

Pour peu que le regard se pose  
A l'instar d'un métronome    
Sur la plage de notre solitude  
Et que vous profériez quelque péroraison    
Comme bateau ivre en quête de la bonne direction    
Sursoit l'homme au doigt de Dieu    
Haranguant le piano sous les papillons de couleurs    
D'une partition écrite au mérite du sang.        
 
Alors ce serait dure et généreuse    
La réponse à la question    
Que nul membre de la famille ne saurait décrypter :    
" Moi et les autres sommes les guides    
A l'orée de la Connaissance    
Et nul ne doit paraître en cet état    
Sans les habits de nuages les arbres de la forêt    
Aux senteurs de vanille. "        
 
Puis un matin de semaine ordinaire       
Alors que retentissait le chant du coq    
Effaçant les plaintes de la nuit    
Se leva par le travers la Grande Forme    
Bientôt suivi d'un cri    
Le cri des cieux maudits    
Que les gesticulants en aube blanche    
Tentaient de circonscrire au trait de côte.        
 
 
969