L’art dû de l’amandier

Il était un rameau d’amandier
Pendu à la boutonnière
Pas plus tard qu’hier
Que le pas de l’échanson
Avait fait chanson
Par pure raison.

À l’énoncé du prêchi-prêcha
Avions sorti la tranche de lard
Pour acquis vernaculaire
Que l’occasion propose
Et que le bel Art du bellâtre argumente
Pour plus tard, après demain et tout le train-train.

Faut pas rester là
Faut lester le petit rat
D’un mot-palabre
Havresac pour la balade
Avec rigueur
Et de bonne humeur.

D’enfermer la nature dans une forme
Altère le profond du mystère
Pour ouvrir à l'œuvre esthétique
Que le mandarin récupère
Comme un gros rat exposé à la vindicte populaire
Manière de lever la main le doigt à l’envers.

Plus d’un marin courant la bagatelle
Prend le vent en grippe à la sortie du bouge 
Alors que colombe passée par le fenestron
Augure de céleste manière
Le langage premier de l’homme
La croix et la bannière au milieu du chemin.

Croisant le pèlerin de Compostelle
Plumes bleues et rousses accolées au bourdon
L’oiseau de paradis me dit
Qu’être vivant accorde la métamorphose
Alors que de chevaucher un nuage
Cornemuse de brumes le vrai et le faux.

1427

Sri Chandra Swami est mort

La nouvelle se fît connaître
À l’aune des enfants criant dans la ruelle
Venus joindre les deux bouts à la vie à la mort
Simple opportunité
D’alléguer 
Que puissance et tournicotis 
Font pis que pendre
En nos temps de parodie.

Sri Chandra Swami n’est plus
Et son âme aux Courmettes assignée
Contre la falaise
À grandes enjambées rejointe
Pousse le Silence
En son vagabondage intérieur
Avec sourire et cœur ouvert
Sur la Voie sans retour.

Au culbuto des occasions
Il est de la clarté
La providence assignée
Au Rien du tout venant
Comme de planter la graine
N’effraye ni le temps ni la distraction
Quand l’énergie du haut
Offre la liberté au bas.

Griffes en exergue
Matière enveloppée
Des formes-couleurs de la nature
Entre néant et éternité
Il est une parure
Où l’espace rehaussé de lumière
Conjoint l’ineffable frisson du simple
D’enfourcher la grâce d’être.

1426

Il y a un siècle

Comment dans les souvenirs
Apprendre à circuler
Si le courant vous emporte
La maisonnée dispersée
Le père loin des fils.

Essayer d’attraper au filet
Quelque rêve
À mains nues
Posées sur les genoux
Augure une montée des origines.   

Auguste Genestoux et Léa Bizard se marient
Avec enfants et parents comme suite
Les sombres brumes de la Grande Guerre
Imposant les recompositions familiales
Pour construire un foyer.

Le montage en pyramide
Scellait pour l’occasion
La propension d’exister
Des deux clans se rencontrant
Dans la cour de ferme du mieux loti.

Au buisson ardent de la célébration
Il sera naturel d’adjoindre
Les herbes folles de la liberté
Pour calquer sur la vie à nouveau bourdonnante
Le sceau de la résurrection printanière.

Fleure bon
La senteur des champs
Ces ancêtres soumis à haut équipage
Chantres d’éternité
Au passage des générations.

1425

Ne pas en rire

Ne pas en rire
Et si nous n’arrêtons pas de rire
Nos rires ne feront que tourner en rond
Jusqu’au blanc des justifications
Jusqu’à dépasser les soucis de ce monde.

La souche est là
Comme une vieille dame 
Qui aurait perdu sa chemise
Et qu’on ne pourrait jamais rattraper
Car trop sauvage et bien trop solitaire.

Quand aux fruits de la passion
Mettons-les comme provisions
Pour cet ours en hiver
Hibernant plus que de raison
Sur le palier de la maison.

Promise à la mort
Comme tous les vivants
Sereine et vêtue de plumes 
Par pleine lune
La vie vague est magie seulement.

Le tortillon égosillard
De notre langue
Simple et souvent vernaculaire
Épouse sans arrière pensée
Le florilège des mots de liberté.

Et quand vaque la mariée 
Au retour de l’été
Il est bien aise de découvrir la Perle
Cette précieuse chose innée
Au fond du corps choyé.

1424

L’enfant troglodyte

Suintements d’entre les côtes
Est apparu l’enfant du monde
Le bel enfant de l’œuf
Sujet des vastes plaines
Qu’il décida de visiter.

Tombèrent les fleurs
La poussière même fût grand océan
Ouvrant béante la porte du milieu
Décidé à vivre
Au carré d’as de la femme aimée.

Le partage était inégal
Les royaumes esquivaient la meute enragée
Agressives bestioles logées à l’enseigne de misère 
Faisant entendre l’arrachée
Des chairs sur les os de la décision.

Les mânes reçues le matin
Nourrissaient corbeaux et chouettes
Et l’Infini repu fermait les déserts
Alors que la petite troglodyte
Faisait son nid dans le sein d'une mère.

Et Dieu
De se départir
Des flèches et des pierres
Qui ne pouvaient l’atteindre
Dans le lieu élevé des illusions partagées.

Les vieillards rodaient
Caparaçonnés d’or
Aux beaux cheveux blancs
À broder le tout savoir
Sur les filles printanières.

1423

Et les femmes et les hommes

Et les femmes
À l’encontre des usages
Dames âgées
Jeunes nymphettes
Reprenaient en chœur la chanson de Blanche-Neige.

Et les hommes
Satrapes en queue de pie
Hommes très mûrs
Jeunes coquelets
À parader de nuit devant les bouges obscurs.

Le soleil se levait
Pour le poème 
Vous prendrez bien un bain d’orange
Avec petite fenêtre parcimonieuse
Pour imaginer un monde dépoussiéré.

Le troupeau a été mené
En vagues occipitales
Un savant de passage 
Ayant prononcé discours
Comme un gazouillis de fleurs d’été.

Sur les charbons ardents
Cervelles étendues à même la braise
Avons conquis le jour qui dérive
Jusqu’à toucher le fond
Du premier distique de l’élégante élégie.

Le riz s’est accumulé 
Les mûriers se sont accrochés aux murs
Les enfants ont ramassé leurs billes
Au loin mille ans de vie se découpaient
Devant le sourire de la géhenne.

1422

Le quartz rose du roc à travailler

Étrange lettre ratée
De la légende arthurienne
Il hoquetait du bec
Quelque chanson triste
En rupture des hautes sphères de la connaissance.

Se creuser un puits
Attendre que la mer fasse miroir
Sur l’écritoire des longues nuits
À force de frotter la roche
Convoque la pensée graduelle et subite.

Connaître la couleur de l’âme
À même des cauris que l’on lance
Rend l’aveugle-né apte au soucis premier
Du désir-attachement
Propre au bain matutinal.

Quel bonhomme aurait acquis pareille sagesse
Là, en pensée piratée
Au plus calme du détail oublié
Ces traces de pas d’oiseau sur le sable 
Pour inscrire l’instant ultime où le rideau tombe.

Rire avec la poésie
Au soleil de minuit
Loin des contraintes tonales
Rend le scribouillard à taille de guêpe 
Apte à saisir lune seulette.

Ne mêlons pas l’ondulation de l’écrit ancien
Avec la pure mélodie de l’instinct
Soufflons les ridules de l’eau jusqu’à la côte
Abordons l’œil ouvert du bon côté
Le quartz rose du roc à travailler.


1421

En avant !

En avant
Quelque soit l’un de l’autre
La parure des errants
Posée en la Lumière
Celui qui suit la Voie est toujours seul.

Cette compagne lointaine
Au cœur énamouré
Savait en Sa Présence
Manier les choses 
En dehors de leur apparence.

Nulle hirondelle
Ne pouvait trouver intense mélancolie
Si ce n’est l’ombre du phœnix bleu
Plaqué tout là-haut
Aux cintres de la voûte.

Le même visage
Essayant d’oublier qu’il a un corps
Parsème l’azur du dedans
À grande occasion de boire dans ses mains
La peccadille d’un sursaut de l’âme.

Ayant à rendre belles
Les nues de la journée
Elle avait pour calebasse
Le claquement du vent dans la coupée
À même le cœur et ses humeurs.

Une erreur à la bonne heure
Un tenon carré dans une mortaise ronde
Rend la faute supportable
Pour qui ceint de l’épice
Franchit l’à-pic de la connaissance.

1420

Une après-midi en médiathèque

Retenir pour que cela passe
Ce quelque chose qu’on voudrait dire
Et qui claque au dessus de l’eau
Au milieu de toutes les pluies.

Puis descendre en candeur
Vers le lieu des atermoiements
À défaire le ruban de ce qui viendra
Conque d'où émettre
Le son sourd des alignements de circonstance.

Le futur où sans être tu es à la juste place 
Je l’à-coups je contrecoups
Devant le coq en demi-lune
Portant en place publique
Le corps et son langage
Carénés du chant des partisans
À la une 
Sur le sable de l’arène.

Rien
Vide
La peau nue
S’exonérer pour que ne viennent
Ni souvenance
Ni accords majeurs
Ni simple décrochage 
À franchir
Paupières ouvertes
Sur ce qui advient
Cette immédiateté des corps habillés
Tous différents
Aux têtes parturientes
Prêtes à clamer 
Que la clé est à trouver
Fissure dans le mur
Où lumière noire s’échapper
Expérience d’apposition de la main aux ongles bleus
Sur le col de l’outrepassé.  

Enlever la bogue
Pour que le noyau saute aux yeux
Irruption du codicille avant le texte
Langage écrasé entre le pouce et l’index
Dans l’élan du rien trouver pas pris
Mais surgi.

Il est à toi le mot
La cabosse du fruit
Sitôt fendue
Le lait blanc se mêlant à la terre
Pour disparaître
Là 
Au bout du bout
Fine étole
Recouvrant le sol.

Coursier des abominations
Abattu sur le champ
Les affamés tranchant larges morceaux de viande
Dans la chair de l’agneau.

Monte 
Le regard de la chouette
Gauche droite gauche droite
De ses grands yeux ronds
Où se fatalise
Où se facilite
Le déploiement des nues bleutées
Pieusement consignées dans de vieux rouleaux.

Un soir d’été
À navrer la pointe du couteau
Sur la pierre à sculpter
Avons trouvé la douceur de la joue de Mère   
Et le regard de la vraie vie de Fils.  

Par la trouée
J’ai vu s’enfouir le passé
Mal m’en à pris
Il était 15 heures 35.

Par la trouée
J’ai vu s’enfuir l’avenir
Bien m’en à pris
Il était 15 heures 37.

De la poussière sur le tas de cendres
Le vent passera
Rien ne restera.

1419

Amandier en fleurs

Amandier en fleurs
Amandier au pluriel des heures
Heureux amandier pour amants heureux
Ai mandé l'unique facteur
Sans la chute des fleurs
À point d’heures.

Ma sœur mon cœur
Pleurs d’âme
À la pointe de l’arbre
Au plus haut du berceau
L’écureuil s’attarde
À fleur de peau au milieu du ruisseau.

Reflet sur l’illusion
Avons perdu les paroles de la chanson
Comme un parangon de détachement
À mesure de l’écrit grandissant
Soutenant parapluie
Par temps de pluie à minuit.

Forme faites pour plaire
À contrecœur de la polémique
Il eût été céans
Qu’en termes d’énonciation
La langue ne soit pas littéraire
Mais sujette à caution.

S’amuser comme petit fou
Guetter l’apax
Tel paquet cadeau
En leurre de tergiversation
La Vérité s’époumone dans un non-sens
Pour histoire de céleste solitude.

Point de galimatias
La fleur de l’amandier est là
Accordant de manière ambiguë
Le mot avec le ressenti
Fleurant bon la parenthèse onirique
Du souffle dans l’ombre.

1418

La présence à ce qui s'advient