Au court bouillon du goudron

Au court bouillon du goudron
Passent les cornettes des bonnes sœurs
Avions de papier en escadrille
Allant vers un avenir meilleur.

Me retrouver au sommet du petit tas de poussières grises
Me retrouver ouvrage fait
Rend la chose facile à dire
« La poésie c’est la vie ».

J’ai cherché les vers luisants
Pour les installant dans une coquille d’œuf
Être douce lanterne
Guidant l’enfant vers la fleur de nuit.


Il fût un temps
Où le scintillement de la lumière dans le feuillage
Me faisait tenir sous l’arbre
Le langage morse de la tradition.

Je suis arrivé dans l’écriture
Avec force vieilleries
De la culture, des histoires, de la mémoire
Du ressenti, de l’imaginaire, plein d’éléments à manger et à boire.

J’ai secoué tout ça
Pour que retombant d’oblique manière
Les transformées de l’immaturité
Deviennent graillons pour terre nouvelle.

Plan Z des affaires courantes
Déroulant le menu fretin de la rue
Je mesurai le parti-pris de l’esprit
Pour m’engager sur le chemin ferré.

Dans l’espace de vulnérabilité
J’ai dégagé la mélodie de sa gangue
Pour le bruit du ressac aidant
Mettre le matin en position d’attente.


1443

Flûtiau d’argent

Flûtiau d’argent
Tenu à mains fermes
Qu’emporte au milieu de la plaine
La houle sans répit
En maîtrise de l'esprit.

Pour une journée
S’en fût une bonne
À mille lieues de l’ailleurs
Au crépuscule des origines
À manier l’émotion et ses effets seconds.

Des compayrès dodus
La voile des grands arbres
Par le vent cintrée
S’exhalait
L’avancée reine de l’âge.

Les six voies réunies
Engendraient l’outrepassé
Cet impur souvenir
À chercher le devenir de l’épuisement
Dans l’envoi doux et périlleux des opérations.

Large main posée sur la cupule
À haut goût de boutons d’or
Les gens de l’Aubrac
Portaient haut le pas-grand-chose toléré
Des besognes à l’arrêt.

Saillie considérée de spéciale
Le porte-à-porte s’ouvrit
Sur l’entablement des transformations
Prêtes à manifester l’accomplissement spirituel
Sans que chiens ne détalent.

1442

La rencontre absolue

Sur le perchoir du temps
Faire des œuvres de résurrection.

À la pointe de l’aiguille
Enfiler les points de suspension
De cette errance
Notre sœur d’ombre
Disposée là
Au carrefour de nos intentions.

Retour de mémoire
Culte de la soumission.

Qu’il soit colombe ou porte-croix
L’esprit occupe la place privilégiée
Pour qui viendra lui suggérer
Un voyage en terre sainte.

Reflet terrestre des soleils de l’Appel
Le troisième œil escarboucle le trésor principiel
Au centre de nos facultés élevées.

Profonde est l’attente
Du nouveau tour à rejoindre
Quand l’innocence de l’enfant
Prépare la nouvelle naissance.

Alors le vieux sage rassemble
Les moments du mouvement circulaire
Autour d’un centre
Que les trois personnages exaltent
En parfaite collusion
Avec le sens dextre de l’action.

Le cocon a été ouvert
La maturation lente et secrète s’effectue
Le moteur est à son point de fusion
Il étreint les visages
Pour le troisième œil ouvert
Effectuer la mission de relance
À se mouvoir
Selon le nouveau mode.

L’étreinte est ferme
Les éléments de la future perfection
Enlacent la chrysalide
La chenille devient papillon
En l’état de l’achèvement de l’œuvre
D’une pause l’autre.

À livres paginés avec soin
La topographie subtile
Entre en observation
Des lampées d’attention
Devenues familières.

La conscience roule ses yeux
Devant l’expérience
Le mariage est de retour
Autour de la corbeille
Les fruits de la Promesse
Trouvent les mains de la grâce
Pour que tenants et aboutissants
Se concertent
Et mènent à la fusion consommée
De notre véritable nature
D’éclore et de s’épanouir.

La Rencontre nourrit
Les gerbes liées 
Se courbent sous l’épi lourd
D’une fin de moisson
Qui a beaucoup donnée.

Font silence
Devant le nécessaire dédoublement
De notre puissance
Révélée au distillat du cœur
D’avec la contemplation de la nature.

La coupe se propose
À recevoir l’anneau des noces
Narines élargies
Au passage du train des anges
Empilant volutes de fumée
À gorges déployées
Beauté reconsidérée en ultime instance
Tels petits cris de souris
Marquant l’harmonie médiatrice
Des âmes harnachées pour la mission
Âmes prêtes à l’irrigation de l’instant
Par la conscience de l’absolu.

1441 


Le merveilleux Mystère

Toi qui a perdu ta route
Toi qu’un heureux abandon
Fait taire les attachements
Sois le nom nouveau
Du sommet de la montagne.

Rôde et fait effort
Pour colmater les sentes pierreuses
Prêtes à la divagation
Sois la clameur et te fait pousser des ailes
Dans l’immaculée de la Promesse.

Reste silencieux
Alors que se transmet la postérité
Résiste
Aux gelées et sécheresses
Pour que vienne le soleil de sapience.

Garde l’œil
Sur l’aigle des hauteurs
Cet être au cœur altier
Qui de la forêt claire à la lune bien ronde
Propose l’ouverture.

Le ciel brasse les nues
Chargé des ballerines de la grâce insondable
Il envoie sa puissante fantaisie
Cette nature fondamentale
Tendre nonchalamment la corde de son arc.

Là-haut
S’amuser ou nous punir
N’a pas court
Pour que subsiste hors basculement
Le prône digeste du merveilleux Mystère.

1440

Mari de limagne

Je vous le jure
Elle s’appelle Marie
Danse par tous les temps
Se met en quatre à la moindre ondée
Pour aciduler de sa cape
Le granuleux esprit des mangeurs de brumes.

Amour compassion équanimité
Sa grande renommée emplit les horizons
De la poésie à la métaphysique
Nous pouvons convoler
Sur terre et dans le ciel
Joyeusement la tête couronnée.

Son Fruit est le Maître
Le Paraclet sitôt venu
Le souffre-douleurs des paparazzis
L’épingle d’or sur le coutil
À montrer le chemin du retour
Pour enfin discerner le réel.

Au long de la Limagne
Elle s’est nourri de baies et de fruits sauvages
La nuit au clair de lune
Elle s’est assise sur la chaire
Recevant la parole vernaculaire
De l’Éveil primordial elle s’est réjouie.

Inclinant la tête
Elle dort contre l’arbre
Le cœur emplit de claire lumière
À venir comme il fût dit
En vraie voyante
Nous enseignant l’impensable relation.

Et tout se tait
Le passé le présent le futur se sont joints
Indolente et plaisante
Elle a rêvé de la Source
Le sein offert aux bulles d’eau
Ses grandes ailes ouvertes.

1439

Le piquet mauve

Ai cru de toi
La montée sans parole
Des petites cellules égarées
Ni de soie ni de satin
Pour le culte en été.

Sagesse involutive
De l’âme s’échappant en fumées
Avec le temps qui passe
Et délivre profondes entailles
Dans l’ombre du chemin.

Assis contre le tertre
À caresser les herbes sèches
Pur éveil à l’infini
Ai déposé vin et fruits sur mon lit mortuaire
Livré aux nues autant qu’aux vers de terre.

Je me promenais là-haut
Sur les sommets
Et mon regard à l’horizon
Jusqu’à l’abîme
Y choyer l’impermanence des choses.

Je ne peux que dompter les piquets de clôture
Devenus spectres
Bien qu’il me soit interdit 
D’avoir des amis
Moi le promeneur solitaire.

Mauve offrande
Au bleu immaculé
La marche fût interminable
Épuisante même
Alors que la cime promise était déjà en vue.

1438

La Belle Ouverture

De la Belle Ouverture
Écartée des dix doigts
Entre la douceur des joues
Et les larmes de joie
L’à-plomb de qui aime
Passe passe passera.

La brume murmure
Casse-noisettes du blanc sommital
À effrayer le lièvre de mars
Parfaite soumission
Amenuisant le fondant de la neige
Par-dessus la dent du chat.

Palmée
Ourdie des mille traits de l’esprit
S’ouvre la vie
Où lire était le seul plaisir
Bien avant les rougeurs de l’aube
Où survivre tel poisson dans l’ornière.

Aïe !
L’initiative reine
À la dégaine furtive
Renâclant en bord d’abîme
À évaluer l’épaisseur de la paille
Pour âne au repos.

Livrant tunique
En sa générosité
La nuit détale
Hautes bannières au vent 
Pour entendre rire 
Le lagopède des lieux.

S’asseoir
Ouvrir le sac
Festoyer de vin et de sifflard
Grappiller quelques myrtilles
Le menton entre les mains
Attendre que ça passe.

1437


À la mémoire de Luis Jorge Borges

Le coq de bruyère
Sur ses ergots levé
S’est épris de la poule des bruyères
Juste pour chagriner
Les eaux du torrent ténébreux.

S’y est pris de si tendre manière
Qu’inoculant par le travers
Quelques mots d’amour
Il a franchi la ligne rouge
Sans oublier les chagrins du siècle.

Massacres massacres
Les fleurs restent belles
Le danseur de tango tanguote
Le Grand Voyage est pour demain
S’envolent les restes fanés de la désinvolture.

Assigné à résidence
En galopant au triple galop par la pampa
L’Étrange aveugle aux pommettes saillantes
S’est très tôt souvenu
Que les trésors d’émotions n’amassent pas mousse.

Je ne puis le sauver 
Des abrupts ravins de la complaisance
Lui le parangon des gauchos
L’animateur désopilant du marché aux volailles
Qui a tendu la joue à l’arbitraire de la réalité.

Il survivra au trompe-l’œil
De ses éructations singulières
Quand poussant le travail herméneutique
Vers son infinie complétude
Pouvait s’élever de la pampa l’odeur des viandes grillées.

La métempsychose l’aligna contre le mur
À pourfendre quelque chose de plus
Que la contemplation des origines
Cette assignation
À « ne pas être davantage que quelque chose ».
 
Quel âge avait-il
Quand il fût relégué dans la fosse commune
Des symboles de la Nation
Lui l’enquêteur méticuleux
Lui le pourfendeur des colonels.

On le trouvait parfois
Sous le grand arbre près du corral
À souffler sur les génies de la compagnie des anges
Alors que derrière la barrière
Figurait à cheval le Bon Père des égarés.

Le vagabond à la plume agile
Savait dépeindre le bourreau et la victime
Sans dévoyer d’où il tenait la consigne
Si ce n’est de l’admirable bibliothèque de Babel
Que des contingences l’obligèrent à ne pouvoir lire.

Funambule du phylactère
Le tenancier de l’instinct
S’était même permis d’inventer Internet
Quand d’autres coreligionnaires
Œuvraient dans la misère.

Shakespeare est à sa porte
Et que les brumes m’emportent
Si le minotaure sorti du labyrinthe
Fait à Luis Jorge Borges
L’honneur d’émettre le cri d'un dernier écrit.

1436

( Œuvre de Jean-Claude Guerrero )



Uniques pour la grâce

Triptyque de l’Orient
À mille lieues des côtes
Douleurs nimbées de gaze
Sans répit au milieu des flots
La houle déroule son âme.

Chevaucher le nuage n’est pas mince affaire
Tout comme se faire pousser des ailes
Quand l’Immaculé de nos orifices
Déplie sur le mur cardinal
L’abondance fourchue de nos langues babillardes.

Unique obstacle à la stabilité
L’heure est à l’herbe rase
Pour une obscurité proposant ses brouillards
À la cause entendue
D’avoir été fidèle.

Il faisait froid dans cette pignatelle
Sans toutefois voir l’horizon
Il avait été convenu
De faire face à l’instant
Au printemps d’un vert naissant.

L’herbier magique
Recroquevillé au fond de la malle
Laissait paraître
Par lune bien ronde
Le cœur méfiant de demeurer seul.

La cardinalité du lieu
Abhorre les grumes rêches
Disposées en désordre sur la raspoutitsa
Douces fleurs éloignées à jamais
Des codicilles de la plainte.

Le faire-semblant de la retraite
Entraîne nos vulgaires histoires
Vers la mire des larmes 
Pendant que caquetant à l’encan
Passent les oies sauvages.

Pauvres marionnettes
Décapsulées avec les dents
L’envie les prit
De soulever par le travers
Les piles du pont à la dérive.

Vivre cupide
Se vêtir au fil des ans
Augure triste passion
Quand vont et viennent 
Les mâles sentes de la faribole.

Uniques par la grâce
À faire courir la main
Sur le dévers d’une peau de chèvre
IL nous fût aise
D’entrer dans la hutte des fumigations.

Abrupt péril
Des senteurs océanes
À la vue des nues se déchirant
Apparut diverticule de l’action
L’espace vide de la présence.

Refermer l’ouvrage
Se fera au grand carrefour de l’air libre
Face à l’azur
En attendant foi de marin
Le moindre atome de bon sens.

1435

( Œuvre de Jean-Claude Guerrero )

Le koan éclaté

D’un grain l’autre
À fendre la lumière
L’attelage du profond des grottes
S’est arrêté à point nommé.

Petits cailloux aux gorges déployées
Ont poussé leurs coursiers
Par le temps libéré
Sur un édredon brodé.

Courez messieurs de la haute
Ou bien légiférez parmi les nues
Trognes hirsutes
Émergeant du bouge aux lanternes fêlées.

Le lit couvert de livres
Avons conçus un éboulis
Ressassant par le menu
Les contes et merveilles de la parodie.

Mille miroirs aux vertus glissantes
Retenaient le quartz redondant
Pour fil à fil
Lisser le filet aux oiseaux.

Et je prêchai prêchai
Que le Bon Père
Ne courrait plus après l’apprenti-solitaire
Affublé de branchages et de mousses.

Le ciel est ouvert
Blanche tunique apparue
Sur le saisissant printemps
Me claquant le visage au vent.

Proche de l’aube sapientiale
Qui tarde à s’élever
Le sentiment d’éternité
Rapièce un koan éclaté.

1434

La présence à ce qui s'advient