naissance de l’enfant de lumière

   A la mort des feuilles   
l'arbre retrouve son noyau   
en joyeuse compagnie tout est bois   
le corps pèse.   
  
Tel un jeune oiseau   
il est encouragé à rejoindre les terres d'en-haut   
il sautille   
il volette pour apprendre la fluidité.   
  
Déployant ses ailes toutes neuves   
au soleil couchant   
son corps lumineux s'envole   
vers les demeures familières.   

  
546

Batifolons le long de l’onde

 Batifolons le long de l'onde   
coquille de mots   
aux aléas des remous   
soumise et consentante   
mâchurée de teintes bleues   
ouvrant larges ses yeux   
émerveillée   
par la rencontre.   
  
Arrivés au bief   
déposant les amarres   
contre le granite de la berge   
montent les vociférations du meunier.
   
Pour peu que la peinture s'écaille   
ma poule d'eau   
mon égérie   
je te lègue mon sang de traîne misère   
époumonée d'algues vertes   
sans excès devant l'offre de tes bras   
mon pressentiment   
ma destinée   
mon unique   
ma romance mille fois réenchantée   
sans soupçon d'abandon.   

    
545

Du ruisseau au chant d’oiseau

  Du ruisseau au chant d'oiseau   
en écho des montagnes   
si tendre si fragile   
cette ascension vers soi   
au poudroiement des lumières   
bouches ouvertes   
nous irons   
la blanche auréole des matins   
guidant le berger   
main ouverte   
à qui la prendra   
notre enfance   
entre les rochers   
au crépu d'une végétation    
que l'amble d'un cheval   
inaugurera   
messager d'une dernière promesse   
à mesure d'un temps d'offrandes   
de paroles affranchies   
sur le pas de porte de l'esprit   
ma petite langue des prés   
ma douce amie des bois   
ma déraison endimanchée
tant de fois caressée   
sans que rompe la ramure   
et que monte   
le silence de la prière.     


544

les abysses de l’incertitude

( encre de Pascale Gérard )
Frappant   
les sombres abysses   
la vague vint   
puissante et chaude   
broyant nos illusions   
au fond des abers fracassés.      
 
Tout était plus grand   
la prière montait des embarcations   
le flot cinglait les visages   
il n'y avait sur le pont   
que cordages enchevêtrés   
et prise de ris cliquetante.      
 
Quand du ciel   
jaillit la corne des morses   
la beauté nous saisit   
pour nous empaler   
au vertige des supplications   
l'instant d'inattention assumé.      
 
Se déversaient l'or et la lumière   
des relations avec le Tout   
le doigt de solitude en évidence   
aux cinquantièmes rugissants   
nous rappelant à l'ouvrage   
de tant et tant d'amour à prodiguer.      
 

543

Mamour, ma vie

 Mamour ma vie   
 aux racines mêlées   
 filtrait cette lumière   
 en fond d'allée   
 aux arbres de gratitude   
 et de puissance alliées.  
    
 Des papillons de jour   
 des papillons de nuit   
 dans leurs courses syncopées   
 dansaient l'aller-venu   
 des vives couleurs de l'Esprit   
 au son des tambours guérisseurs. 
     
 A genoux sur le seuil   
 elle tendait ses bras nus   
 paumes des mains ouvertes   
 sa chevelure lustrale   
 effaçant les derniers lambeaux de nuit   
 que le baiser de l'aube rougissait.    

  
  542

comme aux infos

   Il y a le monde en ses excès   
et puis l'aigrette blanche   
en son immobilité.      
 
Au coucher du soleil   
il y a l'homme sensible   
le trublion des marais salants   
la lèvre moussue. 
   
A marée basse   
traces sur le sable   
du cygne en son envol   
un frisson pour se remémorer. 
    
La nuit organise les songes   
trémie des gouttes de pluie   
pour une danse sacrée   
sigisbée de notre errance.      

541

Eperdu, à courir les bois

Eperdu
à courir les bois   
l'homme se met vite en émoi   
sous le murmure d'une ramure   
poussée par le vent   
qui de ci de là   
fait vaciller la houppe des grands arbres   
au regard vibrant   
point de remue-ménage   
juste la danse vigilante    
des gardiens du seuil   
dont l'œil darde   
en l'avenir lustré   
par maints passages   
telle peau étendue sur la souche   
au bouche à bouche   
de mots écrus   
papillons de lumière   
livrés au lendemain   
pourvu qu'ils sachent   
du temps accompli   
dire l'attente juste.      
 

 540

Sont faits pour s’aimer ces deux là

   Sont faits pour s’aimer ces deux là   
à la cantonade   
d’âme et de gargouillis du cœur   
s’échappent à petits jets
les ambages sans menottes   
d’ailes altières   
les passements de jambes   
des poètes nos frères   
nos pères nos fils   
l’accaparée aux cieux   
des calmes enfants de la vie simple.      

Passant   

ôte ton couvre-chef   
il y a là de bon aloi sous les humeurs automnales
beaucoup de silence et d’amitié.   

  
539

Demain l’arc-en-ciel


Aux limites  
de la quête et du doute   
il y a cette attente,   
la clarté en son avènement.      
 
Les nuages peuvent se déliter,   
les vents ne suffisent plus,   
il y a aussi la marée du cœur   
qui fait vaciller l'être.      
 
La pluie qui tombe sur le ciré   
au contact de la peau nue   
électrise la conscience   
d'être au delà de la chaleur animale   
et en deçà du monde.      
 
Plus rien ne se passe comme avant   
les vaches continuent de brouter   
le chien est assis entre mes jambes,   
je suis adossé au talus de pierres,   
tous deux sommes de garde   
au goutte à goutte du temps qui morigène.      
 
Reviennent du large   
les voiles de l'enfance.      
 
Il faut partir   
pour ne plus revenir,   
l'humide et la lumière se marient,   
demain il y aura l'arc-en-ciel.      
 
 
538

Ma mère de l’autre temps

   Ma mère de l'autre temps   
d'où elle venait   
je ne sais   
peut-être de ce train   
au dessus du viaduc   
puis le retour en enfer chez les sœurs   
sans Marie   
abandonnée dans des draps souillés   
offerte à la terreur.      

Mon père silencieux et amoureux   
s'accrochait à sa femme    
comme au radeau de la Méduse   
courant joyeusement   
derrière la carriole au sortir de la gare   
dans la poussière de Montamizé   
puis s'adossant contre un paillou   
jouait de la trompette.      

Ils eurent un enfant   
les convoquant à se marier   
le bel enfant du printemps   
pour palier à l'entrée en guerre   
au bout du chemin d'entre les blés   
à cueillir le bleuet et le coquelicot   
en tendresse et injonction   
pour que destin advienne.      

Il s'appellera Jean   
comme cet oncle mort jeune   
libéré des tranchées   
et de la grippe espagnole   
que je devais réincarner   
vint cinq ans après   
en ombre portée sur le seuil   
chez mémé Danube.      

Qu'en sais-je ?   
je ne l'ai jamais vu   
mais je le crois.      

Puis une fille vint   
à qui Lulu donna son prénom    
alouette des champs   
entendue en planèze   
au paradis estival de l'Auvergne familière.      

Quand le petit dernier jaillit   
ce fût le grand chambardement   
l'oubli du taudis de Grenelle   
notre mère ne fût plus hagarde sauvageonne   
à courir les chablis de son enfance   
loin des bombardements   
elle reprit pied   
réagença quelques pièces du puzzle   
et fît revenir Fifi sous son oreiller.      

Ils n'ont pas été plus loin   
les ouvriers de notre source   
bâtie sur les ruines de familles en exil   
ils reposent en dehors de la scène   
sous les étoiles d'un ciel large   
qu'il n'est pas vain de contempler   
le soir quand le RER ébranle les tombes.      

Parfois tout en haut   
trois points lumineux nous font de l'œil   
derrière la course des nuages   
chantent nos morts   
s'égaillent les vivants   
sur leurs chemins de vie   
enfle la rumeur d'une tornade   
que le vent soulève   
sur la route de Frugères   
tel le repli des boches du Mont Mouchet   
leur forfait accompli.   

Il est temps d'étendre la nappe   
sur l'herbe du Pradou   
d'amener la vaisselle qui quincaille   
dans le grand panier d'osier   
sans oublier le vin noir tiré du tonneau   
rire et parler haut   
pendant que les enfants chahutent   
que marraine prépare l'appareil photo
et que grand'père signe d'une croix   
le dessous de la tourte. 

         
537

La présence à ce qui s'advient