Archives de catégorie : Année 2022

Construire une maison

Construire une maison    
De ses mains piler la paille    
Monter les murs       
Augure d'une levée du sol  
De ses membres élus    
A composer avec l'eau la lumière et la terre    
Avant que nuit ne signe l'arrêt de la journée.             
 
Ils furent    
Près de la fontaine    
Le mulet prêt à fouler le frais cresson    
Deux lutins malins    
Barbotant à même leurs souvenirs    
Le pourquoi du comment    
D'élever la bâtisse en ce lieu.        
 
Ah ! Ça ! Je les ai survolé    
Leurs arbres d'ombrage plantés    
Quand le soleil dru    
Faisait se rassembler trois générations    
Devant la toile de Pierrot en sieste douce    
Tricot, papotages et lecture du journal   
Rassemblant les plus vaillants.            
 
S'effacent les brumes matinales    
Relevant droites comme Baptiste les herbes de la nuit    
Pour pastourelle au réveil    
Entonner chants et rires    
Sur le devant de la maison    
Qu'ils ont construit nos anciens   
Pour bien plus que leur temps de vie.        
 
 
974

En passant par Saint-Ferjeux

J'ai sorti les mains des poches    
Pour sentir si la pluie tombait    
Sur le dessus des doigts.        
 
Et s'en était trop    
Je t'ai vu    
Étincelant dans ta parure princière.        
 
Du coin de l'œil    
Nous sûmes que nous n'avions pas su     
Nous purifier dans l'ombre de l'autre.        
 
A se remémorer    
Le temps des cerises    
Reflète une aurore immobile.        
 
Aux plumes passementières    
S'échappent par la coursive    
L'odeur d'un méchoui.        
 
Prudence et pommes reinettes    
De nuit comme de jour    
Il fallut bien du courage pour se quitter sans ambages.            
 
Battre la campagne    
Entre bleuets et coquelicots    
Froisse les blés aux tiges fines.      
 
Quand le vent peuplent les peupliers    
Sur la boîte de bois    
La rose seule.        
 
Mon petit des horizons bleus    
Montre-moi    
Cette aube éternelle.        
 
Saisies au caramel    
Les pièces du tronc    
A brûler sur l'autel.        
 
En cet été en associés    
Cruauté du passage rapide    
Des fleurs séchées sur le pavé.        
 
Marcher dans l'allée des Alyscamps    
Avant que tout soit emporté    
Forme sagesse sur le champ.        
 
Par deux    
Quand défilent joies et peines    
Restent souvenirs aux cintres accrochés.        
 
Flocons de rire    
Parsèment rue Nicolle      
La chambre des enfants.        
 
Finement épris de toi    
Avec la fleur de genévrier    
Avons ouvert le bal.        
 
Tendrement    
Sur tes genoux    
Avons posé la paume de nos mains.       
 
Quant au kompucha    
Y'en a plus 
Et c'est bien ainsi. Mon amour.          
 
Si tu voulais    
Par un signe d'en haut d'en bas    
Me montrer le chemin. Je prends.        
 
 
973

En passant par la Lorraine

Du pays où poussent les jonquilles    
En avril aux teintes marines    
Un astronef est paru pour moins d'un sou    
Je l'admets    
En ces errances de l'amour    
Ma femme de Lorraine    
Au creux des terres rouges    
A gratter de ses ongles    
Les dernières rages de la rupture    
Alors que passaient les oies sauvages    
Sur les étangs        
De notre rencontre.         
 
Un œuf posé sur la table de bistrot    
Trotte et canaille un café sur le zinc    
A la sortie de Questembert    
Au passage des Romanos    
Ramassant les ferrailles rouillées    
Qu'ils iront vendre au Luxembourg    
Pour maille à partir    
D'un berceau de Cantebonne    
Énamourer de perles    
Les chevaux roux de notre cavalcade    
Au nom des libertés d'une grâce venue    
Le bec de la folie picotant notre visage.          
 
Route longue    
Sous les abris de Maginot    
Nous fûmes mariés    
Le temps des pommes mûres    
A recueillir les fleurs coupées
Jetées au bas des HLM    
A chanter Brel et Ferré    
Sans que revienne la 4 L bleue    
En songe le gui à tous les étages    
La batteuse à même le chaume de Fillières    
Éclatée en menus débris    
Après le passage du train des mines.
 
 
972

Passe poussière

Passe poussière    
Au porte-à-porte
Des actes de Foi
La flamme vacille
Au gré des éclats de voix.

A même la plaine
Où combattent les ombres
S'enroulent dans les taillis
Les serpents de l'alarme
Sous le rire du chêne-maître.

Les mains arc-en-ciel
Du jour de Pâques
Jouent roucoulent farigoulent
En ordre dispersé

Dans la cour des instincts.

Massive attaque
Des rappeurs de la peur
A écorcher le mouton d'or
Sur le billot du temps
Visage de la mort.

Sac de noix
Jeté à la volée
Sur le plancher de bois

Fait déraison
Une fois passé saison.

Craque la branche sèche
Sur le sarcophage de l'attente
Les petits hommes de pierre
Sur les lèvres du trou
Jetèrent la rose dernière.


971


Le chat est là

Le chat est là    
Et c'est bien comme ça.        
 
Mâche le brin d'herbe    
Et regarde le ciel.        
 
Les feuilles tremblent    
Sous un vent guilleret.        
 
Traversent la prairie    
Les oiseaux de couleurs.        
 
Trotte dans ma tête     
L'histoire de la Petite Fadette.        
 
Je me lève pour faire quelques pas    
Changement de point de vue.        
 
La lumière clignote dans le feuillage    
Des perles de soleil dans les yeux.        
 
Ce qui est là devant moi    
Me regarde.        
 
J'écrase une herbe entre mes doigts    
Pour la sentir et la lécher.        
 
Un chien aboie puis se tait    
Une auto passe au loin.        
 
Les nuages n'ont pas bougé    
Immobilité de réserve.        
 
La Terre tourne et moi avec    
Pourtant je ne ressens rien.        
 
J'attrape le mug de chicorée
Et avale une goulée.
 
L'ordinateur ronfle 
Plein de compassion.
 
Mes acouphènes me glissent 
" Tu es vivant."
 
Un dernier coup d'œil sur le texte
Et je quitte le clavier.
 
 
970

Un regard se pose

Pour peu que le regard se pose  
A l'instar d'un métronome    
Sur la plage de notre solitude  
Et que vous profériez quelque péroraison    
Comme bateau ivre en quête de la bonne direction    
Sursoit l'homme au doigt de Dieu    
Haranguant le piano sous les papillons de couleurs    
D'une partition écrite au mérite du sang.        
 
Alors ce serait dure et généreuse    
La réponse à la question    
Que nul membre de la famille ne saurait décrypter :    
" Moi et les autres sommes les guides    
A l'orée de la Connaissance    
Et nul ne doit paraître en cet état    
Sans les habits de nuages les arbres de la forêt    
Aux senteurs de vanille. "        
 
Puis un matin de semaine ordinaire       
Alors que retentissait le chant du coq    
Effaçant les plaintes de la nuit    
Se leva par le travers la Grande Forme    
Bientôt suivi d'un cri    
Le cri des cieux maudits    
Que les gesticulants en aube blanche    
Tentaient de circonscrire au trait de côte.        
 
 
969

S’il téléphonait

Ce matin la fenêtre était ouverte    
Car il croyait pouvoir revenir    
Pour lui parler    
De sa voix faible et douce    
Comme à son habitude.        
 
Il préférait être seul    
Pour réfléchir    
Pour méditer    
Pour rejoindre la source    
Et questionner le passé.        
 
Grande ouverte sur ses projets    
Là derrière la chaise    
Un de ses fils manquait    
Ce qu'il acceptait     
Pour briser ses chaînes.            
 
En rentrant des courses    
Il rangerait ses affaires    
Le lit sera fait    
En ultime recours     
Pour accomplir son destin.        
 
Et si son frère téléphonait    
Ce serait comme avant    
Il partirait à sa rencontre   
Selon la tradition    
Pour être utile.        
 
 
968


	

Frapper à la porte

Sagement assis sur la pierre  
Eugène pensait à Onéguine    
L'homme de la Terre Noble    
Au bourgeon décroché de son arbre.        
 
La Main passa de gauche à droite    
Pour effacer la buée sur la vitre    
Sans prendre garde aux coulures    
Rassemblant l'eau dans la gouliche.        
 
A la faveur de cette année nouvelle    
Forces missives envoyées    
Aux maisonnées connues    
Resserrèrent nos liens.        
 
D'avoir retirée la boîte    
Apporta un peu d'air    
Pour senteurs vermeilles    
Entonner "Vive le vent d'hiver".        
 
Le porteur de clavicule    
Ce génie de l'écriture    
Lorsqu'il traversât la rue    
Fût renversé et mourut sur le champ.         
 
Nous continuions de marcher    
Et les pieds nous faisaient mal    
Nous continuions de travailler     
Et les mains nous faisaient mal.        
 
Nous ne savions pas aimer    
Hormis à l'entrée des cimetières    
Retrouver nos frères et sœurs    
Tête baissée et fleurs jointes.        
 
Cela était un rêve    
Ou plutôt une opportunité    
Pour confirmer notre destinée    
Pleurer et sourire en sortie de scène.        
 
Préparons-nous    
Tous ensemble    
De vivre du puits et de la terre    
Pour répondre à l'Appel.        
 
Sans trop voir clair    
A force de toc-toquer à la porte    
Il se pourrait qu'elle s'ouvre    
Et d'entrer à l'Intérieur serait la Joie.        
 
Les beaux visages de belles personnes    
Nous accueilleraient    
Nous les récipiendaires    
De la communication avec l'Invisible.        
 
 
967


Pensée opaline

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est IMG_3516-1-1024x744.jpg.
D'une tâche opaline    
Ronde molle    
A la tombée du jour   
Coule le temps    
Pareil à cette histoire    
Commencée la veille    
Et qui longtemps contée    
Révéla profonde mémoire.        
 
A ceux qui accomplissent    
Dans un fermoir chargé de sens    
Les moments privilégiés de l'oubli    
A ceux pour qui le contournement des formes brèves    
Fait cadre sur la glace de l'étang     
Les volutes d'un feu sacrificiel     
Marquent du sceau de la contemplation     
Ces phrases-mains de l'âme.        
 
Horizon perpétuel    
Terres noires d'Ukraine    
A l'arrivée des Scythes     
Vous fûtes ceints de la lumière des ancêtres    
Face aux cavales des steppes    
Riches de tourbe et de blé blond    
Alors que se dessinait    
Notre visage au profond des nuages.        
 
 ( D'après une œuvre plastique de Jean-Claude Guerrero )

966
 

Un enfant t’embrasse

Un enfant t'embrasse    
Du temps revenu    
La pulpe est douce    
A qui se souvient.          
 
Un enfant t'embrasse    
Fleur d'année au ressaut assuré    
Me met à l'ouvrage    
De mon âge avancé.        
 
Un enfant t'embrasse    
Vienne et passe le vent    
Au dessus de la plaine    
Jonchée d'hommes à pleine main ouverte.        
 
Un enfant t'embrasse    
Au carrefour des troènes    
Où montres molles pendent     
Devant le phare d'une lune assoupie.        
 
Un enfant t'embrasse    
Partons d'un pas de presse    
Sur la route qui sans égard    
Corrige la trajectoire.    
 
Un enfant t'embrasse    
Foule la mousse légère    
Sous les pieds nus    
De l'âme recouvrée.        
 
Un enfant t'embrasse    
Feule la hyène sagace    
Sur sa couche de lierre    
Gonflée des ferveurs de l'hiver.         
 
Un enfant t'embrasse    
Le long de la jetée      
Filles et garçons raison gardée    
Rêvent de coquillages en cœur.        
 
Un enfant t'embrasse    
Avec le temps on va on vient    
On oublie ce qui fait mal    
Et ouvrons les persiennes.        
 
Un enfant t'embrasse    
Passe passe passera    
D'abord y'a l'aîné soufflant la brume    
De ses chants de Noël.        
 
Un enfant t'embrasse    
Les cheveux blancs surgissent    
Les mains tremblent    
Le chat sur les genoux.        
 
Un enfant t'embrasse    
Au verso de la musique    
De silence accompagnée    
Monte l'appel du dernier saut.                
 
Un enfant t'embrasse    
Et puis rien    
Juste la solitude     
Sous le gui de l'accueil.        
 
Un enfant t'embrasse    
Femme aux mains de tiges rêches    
Fasse la danse en bel équipage    
Donner pleine mesure à tendresse venue.        
 
Un enfant t'embrasse    
Barbe de lin drue    
Cheveux en broussaille libérés de la tonte    
Le visage buriné accueille le reflet de sa jeunesse.        
 
Un enfant t'embrasse    
Droit descendu de Montmartre    
Le poulbot des batailles    
Gratte les pavés lustrés de la Commune.        
 
Un enfant t'embrasse    
Filoche des brassées de nuages    
Jusqu'aux passerelles du ciel    
Le soleil accompagne nos rêves.        
 
 
965