Le monde des rêves
Montait vers ses origines
Ourdi d'un fripé lumineux
Là où les esprits enseignent.
Acquérir le pouvoir, élargir sa conscience
La fleur au revers de la veste
Cela fleurait bon la vente au camion
D'une sortie d'autoroute.
Figure emblématique des forêts profondes
Dardée de répliques tectoniques
Elle gambillait quelques techniques de transe
En vu de répandre le subtil sur la terre acide.
Et le verbe de cesser d'être audible
Parce que le message était faux
Et qu'éclairait le givre
En lisière sous la brume.
De grâce élevés
Les mots vides se mirent à danser
Gorge blanche et chevelure déliée
Dans l'inopiné de la douceur d'un rai de lumière.
À frotter leurs sabots
Ferrures contre le rocher sonore
Elles entonnèrent chant de sorcière
À quand reviennent les vertes années.
Pour plus de nuages encore
Échevelés en bord de ravine
Nous eûmes le cerveau vidé de sa vigilance
Tension d'amour tension de sang.
L'âme relevée d'un noir chagrin
Le barde aux boucles rousses
Se remit à mugir
Et les pierres de se fendre.
Elle était belle
Cette montée en alpage
Où le front obscurci par les orages traversés
Le guerrier tomba à genoux.
Pour plus d'un cœur
Donné à l'oracle
Nous fîmes trace dans la neige
Vers l'horizon aux blafardes couleurs.
Un vent violent arracha la tête des sapins
D'une franche cognée
Sans que les chants ne s'effacent
Dans la clairière disposée au sabbat.
Aboutir à l'échange
Des souvenirs la digne compagnie
À vous aimer toute la vie
Toi le vieillard aux yeux lavés de tendresse.
1361
Ce matin un colibri
S'est perché sur un coin de la Bible
À moins que ce soit du Coran.
Chercheur de je ne sais quoi
Il a écarté les mousses et les algues
Pour voir le fond du bassin.
Puis il est parti
Sans un bruit
Et je me suis couché sur la paille.
Cette paille
Du moins ce dont il restait
Du ridicule de mes démonstrations.
Ni marche ni vol
Pour l'idéologue
Que les chemins condamnent.
Les écorces
Corsent l'addition
De l'écarté en suspicions.
Puis il fit nuit
Silence et glace
Enveloppèrent le grand commencement.
En bord de fenêtre
Le colibri pas effarouché du tout
M'effleura de sa plénitude légère.
Le connaître
M'encaver en lui
Mais à quel prix ?
Le mériter
L'empenailler de mon soutien
Jusqu'à me blesser le cœur avec son bec.
Revenir sur ses pas
Laisser la courtilière des forêts
Remonter le temps.
Retrouver la petite fille aux yeux tristes
Assise sous l'arbre
À compter les châtaignes dans son tablier.
1360
Grand Chat est passé au jardin
En visite
Avec sa puissance d'être
Queue verticale
Yeux dans les yeux
Se frottant le flanc allègrement
Contre nous.
Point de bonheur, point de nostalgie
L'automne arrivait
Et il était là
Sur le fauteuil en bois
Étendu
Prenant pose royale
Dans le soleil déclinant.
Et nous,
Statuant d'une aussi noble visite
Avons pris posture close
Pour qu'il se retrouve
Cet être dynamique, ce messager des opéras
Après deux années de mise àdisposition
Pour assurer la cohésion sociale.
Ayant crainte d'être ignorés
Nous n'avons pas pris de suite la posture ouverte
D'accession à l'expérience mystique
Fondée sur l'amour et ses sommets humains
Pour liberté intérieure émergée
Engager l'élan créateur
Par un échange à cœur brûlé.
De cette rencontre entre corps
Avons accueilli l'esprit
Sans les mirages de la représentation
Sans fleurir les abords
Ni les opinions carénées par le temps
En nous libérant un choix
Pouvant nous entraîner dans l'impasse de la tristesse.
Impact positif
Où la joie passive se transforme en joie active
Avec en amont le tissage de la pièce maîtresse
De bonne saison
Avec en aval la passion intense
De rassembler brindilles et rondins de bois
Pour le grand Feu où brûler les atermoiements.
Noël, Noël, Grand Chat est revenu !
Et repartit
Le mistigri d'automne.
1359
La vie se succède à la vie
Et sa langue est la mort individuelle.
De chaque secret l'ombre est la résultante
Une ombre qui permet d'espérer.
Et si je me trouve d'un côté
Pour atteindre la vérité
C'est de l'autre côté
Que l'étincelle surgira.
À la mort d'une personne
L'âme claire gagne le ciel
Et son âme sensible réintégre la terre.
À terre les fruits consument les saisons
Parturientes régulières d'un recours insensé.
Loin du rivage
À la mer à la voile
Nous tenons fine tempête
La puissance des eaux
À la merci des tentations
Qui fondent le caractère.
Et le ciel de s'enhardir
Au lever du jour
D'une parure jaune et rouge
Lever une dernière étoile
Dans sa paume sphérique.
Pour plus loin
Quand l'orage éclaté
Barque fracassée
Sur la côte rugueuse
En basse continue
Éparpiller les conditions de la beauté
Attachement et arrachement.
C'est alors que des lanternes vacillantes
En bord de mer dans la nuit noire
Se conjuguant avec le ressac
Révèleront la présence
Des suppliciés du destin
En marche vers le haut fait d'Être.
Venant de l'Univers
Sommes dans l'honnêteté d'admettre
Que relevant de la sophistication stupéfiante
De ce qui apparaît
La voie du souffle divin
Dialogue avec le mystère de toute chose
Vers le joui-sens
Corps et esprit convoqués au grand bal de l'histoire de l'humanité.
( Peinture de GJCG )
1358
Tirer la chevillette
Et danser jusqu'à plus soif
Cré la brèche
Par laquelle s'évader.
La découverte de ce nouvel espace
Permet de cartographier
Ces lieux où notre imaginaire
Rend chaotiques nos possibilités.
Que faut-il briser pour exister ?
N'y aurait-il pas approche prudente
Pour glisser hors du champ aux outrages
Et changer de perspective.
Les racines poussent bien dans le béton
Et plus d'un artiste aurait déployé
Son projet même
Vers un trajet spatial sans retour.
Au bout du bout
Il y a cette bibliothèque
Vrai joyau des Aztèques
Aux crânes translucides.
La caresse effectuée
N'est pas à broder sur le trousseau
Aspirations sensuelles dérivantes
Avant de trop s'ouvrir.
Sortir du cadre des serrures
Tirer la chevillette
Se faire la malle
Hors du monde normal.
Et d'être ramener à soi
Aux ouvrages primordiaux
Sans évocation de la provenance
Aux instances familières et sensibles.
1357
Je n'échapperai pas
À cette croix
Moi le corps
L'aléatoire de mon apparence.
Nourris d'enveloppes légères
Invisibles, immortelles
Les rêves excitent le désir d'utopie
Dans le couvige ensoleillé.
Mes paupières baissées sont vues
Dans l'embrasement de l'aube
Où le repliement sur soi
Saccage les échanges.
Visage à même de rétablir le fil ténu
De la vie minuscule
À l'épuisement parodié
Par l'écho des battements du cœur.
Ma place est là
Et il est demandé à ma peau de répondre
Moi l'emmaillotée
En quête de la certitude d'être.
Un peu de folie fera le reste
Pour repriser les trous de l'enfance
À l'œuf des origines
Le fil et l'aiguille de l'opportunité.
Le regard, la voix et le silence
Feront du berceau
Le retour à l'intensité
De quelque chose qui se produit.
( Peinture de Frédérique Lemarchand )
1356
Le matin
À la pointe du stylo
Il y a l'eau et le refrain
D'une contine
Remontant par bulles
Du frigo qui se décongèle
En glougloutant.
Les feuilles tombent
Et je ne me vois pas
Car la nuit tous les chats sont gris
À recouvrir pudiquement
Jusqu'à l'incantation
Des générations de mots
Au porte-à-porte de l'acceptation.
Écouter avec les yeux
Pour ne pas avoir à entendre
Le murmure des à-valoir
À fond la caisse
Dans le jour recommençant
De mille pensées
Nous cachant le salut des âmes.
Tout est fait tout est dit
La souffrance surjoue
Dans la répétition du mal
Swastika sur le revers du manteau
La souffrance se rejoue
Sur le visage en pleurs
Un deux trois soleil !
Quelqu'un m'a suggéré
Qu'il fallait accrocher la clé de la réussite
Au cou de mon ange
Pour qu'alors la corde cède
Et recevoir une dose de peur
En remontée de l'instant
Apte aux multiples renaissances.
Hacher menus quelques morceaux d'amour
Augure du dernier repas
À l'abri des regards
Sans croyances
Pour voler à tire d'aile
Telle parole fraîche
Brume et ciel bleu liés par le secret.
1355
À même cette chose
En soi
Qu'un rien dérobe
Cet hors de vue
À rebondir par dessus la nacelle.
Je l'ignore
Ce vocabulaire de vieux crins
Fait d'emphase et de mort
je l'attends je l'entends
Depuis si longtemps.
Même les anges
Porteront mon dernier souffle
De la rue monte la colère
À me prêter une pensée
Ils seront les officiants.
Fatigue bouillonnante
Jambes lourdes aux guêtres fières
J'ai rendu ce qui me convient
Pour ne pas m'informer
Du lendemain.
À l'usage
Ils me manquent
Les buissons bruissants
Des battements d'ailes
D'une croissance hors d'âge.
Mesure d'usage
Effet de commérage
J'écris
le son la balle et le grain
Des batteuses d'antan.
Il y eut grand tapage
Quand l'ouvrier passa
Lampes de mineur, gants de cuir épais
Lourdes bottes de sept lieues
Au temps des cerises.
Je m'enfermai
Jusqu'à point d'heure
Dans la clairière de l'au-delà
À compter les jours
D'un clignement de paupières.
Ces gens dehors
Perdus dans l'indolence
Les éclats de voix caillassant le silence
Des notes de musique jaillissant des berceaux
En vrac.
Quand à elle
Pleine d'encre et de jeux d'enfant
Je la soustrais à la page blanche
Libellule parvenue
Dans la transparence d'un tulle au vent.
Et les pages passent
Métamorphoses de l'instant
À se ranger contre le trottoir
Miettes de pain offertes
Aux pigeons de l'Arche.
Même pas mort
J'aurai la clé
Pour parler clair
T'entendre et te voir
Dans la borie des Claparèdes.
1354
Lis, là
Contre mon épaule
Pour solder
Exercice mental aux mélèzes associés
Que la gourde vaille bien la montre
Quand elle est pleine
Et que la montre à l'abri des impulsions
Fasse temps d'arrêt.
Cette scène
De planches disjointes
En forêt à taper du pied
Le temps d'une représentation
À ne plus se souvenir
De quoi il était question
Si ce n'est
Que le ciel était bleu.
La grande fille
Me passait un paquet ficelé
À hauteur des yeux
Pour m'en mettre plein la vue
Alors que mes compagnons
Fumaient la cigarette
Métamorphose du langage
À portée de voix.
Elle me répondait
" Oui "
Et cette histoire un peu compliquée
Me renvoyait sur les chemins
Dans la forêt pluvieuse
Des premiers jours d'été
À entendre que toute absence
Était de la nourriture pour l'âme.
Goûter le jour
Vertu consolatrice
Aux chants que nul n'entend
Si ce n'est d'exister
Pour planter les salades
Cueillir les mûres
Dormir au pied d'un arbre
Une pincée de sel aux coins des lèvres.
Regarde
À ne plus ressentir la grosse laine
Sur ses épaules nues
En doutant de loin en loin
Que l'arrivée du soleil
N'altère le rouge-gorge de sa respiration
Grenouille vermifuge
Ronde de joie à me donner le tournis.
Passèrent
Le présent
Accompli en ses formes et mesures
Le passé
Aux bons soins de la souvenance
Et l'avenir
Dentelles taillées à la hache
Sans que cil ne bronche.
La marmotte crie
Au parti pris de ce que tu dis
À franchir le gué
Une pile de livres à bout de bras
Altière et fenouillarde
La transparence accablée
Par le soucis de plaire
Jusqu'au plus petit moucheron de la création.
Siffler est jouer
De la corne de brume
Pour ouvrir l'espace
Et laisser venir
d'un cœur léger
La main légère
D'une vie légère
Comme rai de lumière traverse un feuillage.
1353
Elles ont glissé
Leurs patins d'air
Sur la fontaine des souvenirs
Les araignées fines funambules
Marquant d'auréoles concentriques
La douce arrivée d'eau
Pour que rase rassasiée
S'échapper par la motte de terre soulevée
En contrebas du pré.
Le travail des herbes folles
Déposées à la surface du sourire
Faisait lumière au sortir de la goule
Renouveau accompli
À mesure de l'esprit
Échappé des traverses lourdes
Le long de la voie ferrée
Du grain de la phrase
Entre deux éclats de rire.
Une pluie mercenaire
Faisait se courber les scabieuses
En réjouissant les vaches
Aux mufles lustrés
À la robe dégoulinante
Les dix doigts diligentés
Sur le combat Villemain Dauthuille
À piqueter le papier
Sous les pins de l'orage.
En attente d'un bleu prophétique
Glorieux d'avoir exhumé la pierre ténébreuse
Où déposer la mousse humide
Du face-à-face mélodieux
Avec le merle aux pattes fil-de-fer
Il eût été branche molle du cerisier
Plus apte à soutenir les ténèbres
Que d'évacuer l'écureuil du square des pompiers.
La main suggère le souffle
De concert avec le parfait récital
Quand miettes retenues par la serviette
Éteindre la lumière
Pour ne plus entendre le bruit de l'ampoule
Marche forcée de la créature incommodée
Aux yeux de pêche
Reproduisant la Cène
Des amitiés carillonnantes.
Effluves légères
Soupir évoqué
Pensée permise
Les nœuds se délient
Tapis de prière déposé
Encore une minute ou deux
Pour faire de l'enfant au regard doux
La source du réel pur
Les mains sur les cocottes d'une bicyclette.
( Encre de Pascale Gérard )
1352