Tous les articles par Gael GERARD

Un monde de rêves

Le monde des rêves   
Montait vers ses origines   
Ourdi d'un fripé lumineux   
Là où les esprits enseignent.      
 
Acquérir le pouvoir, élargir sa conscience   
La fleur au revers de la veste   
Cela fleurait bon la vente au camion   
D'une sortie d'autoroute.      
 
Figure emblématique des forêts profondes   
Dardée de répliques tectoniques   
Elle gambillait quelques techniques de transe   
En vu de répandre le subtil sur la terre acide.      
 
Et le verbe de cesser d'être audible   
Parce que le message était faux   
Et qu'éclairait le givre   
En lisière sous la brume.       
 
De grâce élevés   
Les mots vides se mirent à danser   
Gorge blanche et chevelure déliée   
Dans l'inopiné de la douceur d'un rai de lumière.      
 
À frotter leurs sabots   
Ferrures contre le rocher sonore   
Elles entonnèrent chant de sorcière   
À quand reviennent les vertes années.      
 
Pour plus de nuages encore   
Échevelés en bord de ravine   
Nous eûmes le cerveau vidé de sa vigilance   
Tension d'amour tension de sang.      
 
L'âme relevée d'un noir chagrin   
Le barde aux boucles rousses    
Se remit à mugir   
Et les pierres de se fendre.      
 
Elle était belle   
Cette montée en alpage   
Où le front obscurci par les orages traversés   
Le guerrier tomba à genoux.      
 
Pour plus d'un cœur   
Donné à l'oracle   
Nous fîmes trace dans la neige   
Vers l'horizon aux blafardes couleurs.      
 
Un vent violent arracha la tête des sapins   
D'une franche cognée   
Sans que les chants ne s'effacent   
Dans la clairière disposée au sabbat.      
 
Aboutir à l'échange   
Des souvenirs la digne compagnie   
À vous aimer toute la vie   
Toi le vieillard aux yeux lavés de tendresse.      
 
1361

Ce matin un colibri

Ce matin un colibri   
S'est perché sur un coin de la Bible   
À moins que ce soit du Coran.    
 
Chercheur de je ne sais quoi   
Il a écarté les mousses et les algues   
Pour voir le fond du bassin.      
 
Puis il est parti   
Sans un bruit   
Et je me suis couché sur la paille.      
 
Cette paille   
Du moins ce dont il restait   
Du ridicule de mes démonstrations.      
 
Ni marche ni vol   
Pour l'idéologue   
Que les chemins condamnent.      
 
Les écorces    
Corsent l'addition   
De l'écarté en suspicions.      
 
Puis il fit nuit   
Silence et glace   
Enveloppèrent le grand commencement.      
 
En bord de fenêtre   
Le colibri pas effarouché du tout   
M'effleura de sa plénitude légère.      
 
Le connaître
M'encaver en lui   
Mais à quel prix ?          
 
Le mériter   
L'empenailler de mon soutien   
Jusqu'à me blesser le cœur avec son bec.      
 
Revenir sur ses pas    
Laisser la courtilière des forêts   
Remonter le temps.      
 
Retrouver la petite fille aux yeux tristes   
Assise sous l'arbre   
À compter les châtaignes dans son tablier.      
 
1360
 

Grand Chat est revenu

Grand Chat est passé au jardin  
En visite   
Avec sa puissance d'être   
Queue verticale   
Yeux dans les yeux   
Se frottant le flanc allègrement   
Contre nous.      
 
Point de bonheur, point de nostalgie   
L'automne arrivait   
Et il était là   
Sur le fauteuil en bois   
Étendu   
Prenant pose royale   
Dans le soleil déclinant.      
 
Et nous,   
Statuant d'une aussi noble visite   
Avons pris posture close   
Pour qu'il se retrouve   
Cet être dynamique, ce messager des opéras   
Après deux années de mise à disposition  
Pour assurer la cohésion sociale.      
 
Ayant crainte d'être ignorés   
Nous n'avons pas pris de suite la posture ouverte   
D'accession à l'expérience mystique   
Fondée sur l'amour et ses sommets humains   
Pour liberté intérieure émergée   
Engager l'élan créateur   
Par un échange à cœur brûlé.   
 
De cette rencontre entre corps   
Avons accueilli l'esprit   
Sans les mirages de la représentation   
Sans fleurir les abords   
Ni les opinions carénées par le temps                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      
En nous libérant un choix   
Pouvant nous entraîner dans l'impasse de la tristesse.      
 
Impact positif   
Où la joie passive se transforme en joie active   
Avec en amont le tissage de la pièce maîtresse   
De bonne saison   
Avec en aval la passion intense   
De rassembler brindilles et rondins de bois   
Pour le grand Feu où brûler les atermoiements.      
 
Noël, Noël, Grand Chat est revenu !   
Et repartit   
Le mistigri d'automne.      
 
1359
 

Vers le joui-sens

La vie se succède à la vie   
Et sa langue est la mort individuelle.      
 
De chaque secret l'ombre est la résultante   
Une ombre qui permet d'espérer.      
 
Et si je me trouve d'un côté   
Pour atteindre la vérité   
C'est de l'autre côté   
Que l'étincelle surgira.      
 
À la mort d'une personne   
L'âme claire gagne le ciel   
Et son âme sensible réintégre la terre.      
 
À terre les fruits consument les saisons   
Parturientes régulières d'un recours insensé.      
 
Loin du rivage   
À la mer à la voile   
Nous tenons fine tempête   
La puissance des eaux   
À la merci des tentations   
Qui fondent le caractère.      
 
Et le ciel de s'enhardir   
Au lever du jour   
D'une parure jaune et rouge   
Lever une dernière étoile   
Dans sa paume sphérique.      
 
Pour plus loin   
Quand l'orage éclaté   
Barque fracassée   
Sur la côte rugueuse   
En basse continue   
Éparpiller les conditions de la beauté   
Attachement et arrachement.      
 
C'est alors que des lanternes vacillantes   
En bord de mer dans la nuit noire   
Se conjuguant avec le ressac    
Révèleront la présence   
Des suppliciés du destin   
En marche vers le haut fait d'Être.       
 
Venant de l'Univers   
Sommes dans l'honnêteté d'admettre   
Que relevant de la sophistication stupéfiante   
De ce qui apparaît   
La voie du souffle divin   
Dialogue avec le mystère de toute chose   
Vers le joui-sens   
Corps et esprit convoqués au grand bal de l'histoire de l'humanité.     
 
( Peinture de GJCG )
 
1358

Tirer la chevillette

Tirer la chevillette   
Et danser jusqu'à plus soif   
Cré la brèche   
Par laquelle s'évader.      
 
La découverte de ce nouvel espace   
Permet de cartographier    
Ces lieux où notre imaginaire   
Rend chaotiques nos possibilités.    
 
Que faut-il briser pour exister ?   
N'y aurait-il pas approche prudente   
Pour glisser hors du champ aux outrages   
Et changer de perspective.      
 
Les racines poussent bien dans le béton   
Et plus d'un artiste aurait déployé   
Son projet même   
Vers un trajet spatial sans retour.      
 
Au bout du bout   
Il y a cette bibliothèque   
Vrai joyau des Aztèques   
Aux crânes translucides.      
 
La caresse effectuée   
N'est pas à broder sur le trousseau   
Aspirations sensuelles dérivantes   
Avant de trop s'ouvrir.      
 
Sortir du cadre des serrures   
Tirer la chevillette   
Se faire la  malle   
Hors du monde normal.      
 
Et d'être ramener à soi   
Aux ouvrages primordiaux   
Sans évocation de la provenance   
Aux instances familières et sensibles.      
 
1357
 

Cette croix

Je n'échapperai pas   
À cette croix   
Moi le corps   
L'aléatoire de mon apparence.      
 
Nourris d'enveloppes légères   
Invisibles, immortelles   
Les rêves excitent le désir d'utopie   
Dans le couvige ensoleillé.      
 
Mes paupières baissées sont vues   
Dans l'embrasement de l'aube   
Où le repliement sur soi   
Saccage les échanges.      
 
Visage à même de rétablir le fil ténu   
De la vie minuscule   
À l'épuisement parodié   
Par l'écho des battements du cœur.      
 
Ma place est là   
Et il est demandé à ma peau de  répondre   
Moi l'emmaillotée   
En quête de la certitude d'être.      
 
Un peu de folie fera le reste   
Pour repriser les trous de l'enfance   
À l'œuf des origines   
Le fil et l'aiguille de l'opportunité.      
 
Le regard, la voix et le silence   
Feront du berceau   
Le retour à l'intensité   
De quelque chose qui se produit.      

( Peinture de Frédérique Lemarchand )
 
1356

Le matin à la pointe du stylo

Le matin   
À la pointe du stylo   
Il y a l'eau et le refrain   
D'une contine   
Remontant par bulles   
Du frigo qui se décongèle   
En glougloutant.      
 
Les feuilles tombent   
Et je ne me vois pas   
Car la nuit tous les chats sont gris   
À recouvrir pudiquement   
Jusqu'à l'incantation   
Des générations de mots   
Au porte-à-porte de l'acceptation.       
 
Écouter avec les yeux   
Pour ne pas avoir à entendre   
Le murmure des à-valoir   
À fond la caisse   
Dans le jour recommençant   
De mille pensées      
Nous cachant le salut des âmes.      
 
Tout est fait tout est dit   
La souffrance surjoue   
Dans la répétition du mal   
Swastika sur le revers du manteau   
La souffrance se rejoue   
Sur le visage en pleurs   
Un deux trois soleil !      
 
Quelqu'un m'a suggéré   
Qu'il fallait accrocher la clé de la réussite   
Au cou de mon ange   
Pour qu'alors la corde cède   
Et recevoir une dose de peur   
En remontée de l'instant   
Apte aux multiples renaissances.      
 
Hacher menus quelques morceaux d'amour   
Augure du dernier repas   
À l'abri des regards   
Sans croyances   
Pour voler à tire d'aile   
Telle parole fraîche   
Brume et ciel bleu liés par le secret.       
 
1355

Éprouver de parler est grande clarté

À même cette chose   
En soi   
Qu'un rien dérobe   
Cet hors de vue   
À rebondir par dessus la nacelle.      
 
Je l'ignore   
Ce vocabulaire de vieux crins   
Fait d'emphase et de mort   
je l'attends je l'entends   
Depuis si longtemps.      
 
Même les anges   
Porteront mon dernier souffle   
De la rue monte la colère   
À me prêter une pensée   
Ils seront les officiants.      
 
Fatigue bouillonnante   
Jambes lourdes aux guêtres fières   
J'ai rendu ce qui me convient   
Pour ne pas m'informer   
Du lendemain.      
 
À l'usage   
Ils me manquent   
Les buissons bruissants   
Des battements d'ailes   
D'une croissance hors d'âge.      
 
Mesure d'usage   
Effet de commérage   
J'écris   
le son la balle et le grain   
Des batteuses d'antan.      
 
Il y eut grand tapage   
Quand l'ouvrier passa   
Lampes de mineur, gants de cuir épais   
Lourdes bottes de sept lieues   
Au temps des cerises.      
 
Je m'enfermai   
Jusqu'à point d'heure   
Dans la clairière de l'au-delà   
À compter les jours   
D'un clignement de paupières.      
 
Ces gens dehors   
Perdus dans l'indolence   
Les éclats de voix caillassant le silence   
Des notes de musique jaillissant des berceaux   
En vrac.      
 
Quand à elle   
Pleine d'encre et de jeux d'enfant      
Je la soustrais à la page blanche   
Libellule parvenue   
Dans la transparence d'un tulle au vent.      
 
Et les pages passent   
Métamorphoses de l'instant   
À se ranger contre le trottoir   
Miettes de pain offertes   
Aux pigeons de l'Arche.      
 
Même pas mort   
J'aurai la clé   
Pour parler clair   
T'entendre et te voir   
Dans la borie des Claparèdes.       
 
1354

Lila

Lis, là   
Contre mon épaule   
Pour solder   
Exercice mental aux mélèzes associés   
Que la gourde vaille bien la montre   
Quand elle est pleine   
Et que la montre à l'abri des impulsions   
Fasse temps d'arrêt.      
 
Cette scène   
De planches disjointes    
En forêt à taper du pied   
Le temps d'une représentation   
À ne plus se souvenir   
De quoi il était question   
Si ce n'est   
Que le ciel était bleu.      
 
La grande fille    
Me passait un paquet ficelé   
À hauteur des yeux   
Pour m'en mettre plein la vue   
Alors que mes compagnons   
Fumaient la cigarette   
Métamorphose du langage   
À portée de voix.      
 
Elle me répondait   
" Oui "
Et cette histoire un peu compliquée   
Me renvoyait sur les chemins   
Dans la forêt pluvieuse   
Des premiers jours d'été   
À entendre que toute absence   
Était de la nourriture pour l'âme.      
 
Goûter le jour   
Vertu consolatrice   
Aux chants que nul n'entend   
Si ce n'est d'exister   
Pour planter les salades   
Cueillir les mûres   
Dormir au pied d'un arbre   
Une pincée de sel aux coins des lèvres.      
 
Regarde   
À ne plus ressentir la grosse laine   
Sur ses épaules nues   
En doutant de loin en loin   
Que l'arrivée du soleil   
N'altère le rouge-gorge de sa respiration   
Grenouille vermifuge   
Ronde de joie à me donner le tournis.      
 
Passèrent   
Le présent   
Accompli en ses formes et mesures   
Le passé   
Aux bons soins de la souvenance   
Et l'avenir   
Dentelles taillées à la hache   
Sans que cil ne bronche.      
 
 La marmotte crie   
Au parti pris de ce que tu dis   
À franchir le gué   
Une pile de livres à bout de bras   
Altière et fenouillarde   
La transparence accablée   
Par le soucis de plaire   
Jusqu'au plus petit moucheron de la création.      
 
Siffler est jouer   
De la corne de brume   
Pour ouvrir l'espace   
Et laisser venir   
d'un cœur léger   
La main légère   
D'une vie légère   
Comme rai de lumière traverse un feuillage.      
 
1353

La bicyclette éternelle

Elles ont glissé   
Leurs patins d'air   
Sur la fontaine des souvenirs   
Les araignées fines funambules  
Marquant d'auréoles concentriques   
La douce arrivée d'eau   
Pour que rase rassasiée   
S'échapper par la motte de terre soulevée   
En contrebas du pré.      
 
Le travail des herbes folles   
Déposées à la surface du sourire   
Faisait lumière au sortir de la goule   
Renouveau accompli   
À mesure de l'esprit   
Échappé des traverses lourdes   
Le long de la voie ferrée   
Du grain de la  phrase   
Entre deux éclats de rire.      
 
Une pluie mercenaire   
Faisait se courber les scabieuses    
En réjouissant les vaches   
Aux mufles lustrés   
À la robe dégoulinante   
Les dix doigts diligentés   
Sur le combat Villemain Dauthuille   
À piqueter le papier    
Sous les pins de l'orage.      
 
En attente d'un bleu prophétique   
Glorieux d'avoir exhumé la pierre ténébreuse   
Où déposer la mousse humide   
Du face-à-face mélodieux   
Avec le merle aux pattes fil-de-fer   
Il eût été branche molle du cerisier   
Plus apte à soutenir les ténèbres   
Que d'évacuer l'écureuil du square des pompiers.      
 
La main suggère le souffle   
De concert avec le parfait récital   
Quand miettes retenues par la serviette   
Éteindre la lumière   
Pour ne plus entendre le bruit de l'ampoule   
Marche forcée de la créature incommodée   
Aux yeux de pêche   
Reproduisant la Cène   
Des amitiés carillonnantes.      
 
Effluves légères
Soupir évoqué
Pensée permise
Les nœuds se délient
Tapis de prière déposé
Encore une minute ou deux
Pour faire de l'enfant au regard doux
La source du réel pur
Les mains sur les cocottes d'une bicyclette.
 
( Encre de Pascale Gérard )
 
1352