Tous les articles par Gael GERARD

voix de l’autre monde

   Voix de l'autre monde   
si belle reine que la mer   
un instant fléchie. 
    
A la pleine lune   
faut-il se découvrir   
en si peu de temps ? 
         
Passe ton chemin   
ordres et désordres   
par monts et par vaux.   
  
Et fléchissons   
le genou en terre   
le regard au loin. 
   
Au temps fécond de printemps   
d'advenues pointant son nez   
le Beau des mémoires. 
     
En présence des dieux   
point de tergiversations   
le silence construit. 
   
La musique creuse le ciel   
des joies et des peines   
vers l'eau la plus fraîche.   

   
394

Regards croisés d’écritures froissées

 Femme pressentie  
aux étamines de soie   
autrefois regardée   
empreinte de beauté 
nous nous vîmes   
mon amie des vendanges   
en remontant le rang   
regards croisés   
d'écritures froissées. 
    
Au saut du lit   
par matin de paupières closes   
point de romance   
fallait prendre sabots   
et craquer l'allumette   
pour allumer le feu préparé la veille   
avec papier, petit bois et bûches   
sans réveiller l'enfant.   
         
A la Noël   
il y avait des oranges   
des moufles tricotées   
et la boîte emplie de gâteaux   
posée sur un rayon de soleil,   
émerveillement  
délivrant le sens du monde   
par les clés de la connaissance   
par le souffle des recouvrements. 

        
393

la réalité éternelle

 Faut-il que le temps implose   
et desserve la terre
de ses histoires fourchues.

Faut-il que la plaie   
à jamais suppure   
quand la vie se rétracte.   

Passe ton chemin   
homme sans horizon   
que la peur subjugue.
   
Passe la main   
par la fente du secret   
qu'une autre main saisira. 
 
Ne remise point tes rêves   
en carême d'être   
au hasard des connivences. 
 
Évoque l'arbre pliant dans l'orage   
en cadence sous la rafale   
à faire sien l'âme du vent.
   
Écarte les chemises du printemps   
sous la douceur des cerisiers en fleurs   
à compter les abeilles butineuses. 
 
Sois l'épée de feu   
parcourant le terrain de chasse   
des phrases incises. 
 
Sois l'épousée   
de la réalité éternelle   
dans sa transcendance fleurie. 
 
Sois le sel et la myrrhe   
sous l'eucalyptus frissonnant   
qu'anime les eaux de Tibériade. 

 
391

ce matin je suis mort

 Ce matin je suis mort   
et ne puis concevoir ma vie   
comme révolue. 
    
Les souvenirs ne pèsent plus   
le temps n'a pas d'horloge   
la neige est étale   
les oiseaux chantent le silence   
je ne marche plus   
je ne vole plus   
et ne sais si la moindre chose se fait. 
    
Puis-je alors dormir   
sans vigilance   
d'un sommeil permanent   
dans l'indifférence   
d'un état naturellement surnaturel. 
    
Puis-je revenir aux lieux de ma naissance   
sans effort   
à mesure que pelote se défait   
fil à fil   
centimètre par centimètre   
les ferrures de l'esprit sautent   
pour un pas de plus   
ne plus toucher le sol   
pieds nus   
les mains papillons inutiles   
sans que le sourire opère   
à même les coulures rouges groseilles   
contre le mur de l'oubli. 
    
Ce fût un instant   
sans que paraisse la nuit   
un instant de lèvres sèches   
devant l'enveloppe à encoller   
missive survenue.   
  
Je pouvais alors porter en terre   
la caresse d'être
et enfanter. 

    
392

Ses yeux à ciel ouvert

    Elle a vol à voile   
de ses yeux à ciel ouvert   
caressé les monts et les vallons.   

Elle a lessivé   
de ses pleurs les continents   
à faire déborder les océans.   

Elle a marché sur les brisures du temps   
effondrement soudain   
de trou noir en trou blanc.   

Elle a secoué les nuages et les marées   
aux quatre points cardinaux   
de la sainte alliance.   

Elle caresse les étoiles   
au vent solaire d'un excès de lumière   
sans que l'ombre la pénètre.   

Elle est visité par des corps   
de gaz de roches et de vent   
pour mourir et renaître.   

Elle rafraîchit d'une once de hasard   
les élans de la cause première   
essence même de l'homme.   

Elle est l'ancrage sage   
de l'existant et du surnaturel   
danse et passage d'un silence insensé. 
 
Elle est boule et tourne   
en élipse sur elle-même   
chemin à l'issue mystérieuse. 
 
Nulle oreille ne l'entend   
draperie aux ajours lumineux   
enchâssée dans son offrande.   

Terre ô ma terre   
mère la terre est belle   
terre ô ma terre.   


390

Caresse d’ombre

 Si menues les mains de Marie   
 que l'orgue émet le chant des oiseaux   
 gazouillis d'entre les voiles   
 de la montée vers l'aube.   

 Sur l'âne musicien   
 j'ai mesuré du regard   
 la distance du moi au soi   
 une pichenette d'éternité.   

 De crânes à même le sable   
 point   
 l'obsidienne par contre   
 se lamentant d'ordres laissés là.  
 
 Noire de peau et blanc d'écume   
 dans l'encadrement de la fenêtre   
 une fumée s'élève   
 douce et tracassière.   

 Ils sont beaux et bons   
 les chants de l'Être   
 outres ouvertes des enfants d'Emmaüs   
 libres d'angoisse et de néant.  
 
 Caresse d'ombre   
 sur le gril du soleil   
 d'une quête danse l'amour   
 à l'avenant.   


389

Ces mains qui ne ressemblent à rien

 Ces mains qui ne ressemblent à rien   
 pas même à la plaie se refermant.   

 Cette embrasure de porte franchie   
 pour respiration se faire forte.   

 Ce regard si lointain   
 sans que lève le voile   
 là contre l'épaule   
 cadrage des jours tristes   
 à contempler les fusains de Sylvain    
 revenus à flots   
 nausée au court-bouillon   
 les cafards de la mémoire   
 crachotant leurs déjections   
 au rythme d'une cigarette. 
  
 La fenêtre était ouverte   
 les mouettes tournoyaient   
 le vent suça la moelle des os   
 une dernière fois   
 puiser l'eau du puits de la Vieille   
 un bruit derrière la porte   
 je savais qu'il ne viendrait pas   
 mâchuré au vertige de l'oubli   
 du vent dans les venelles   
 à encorner le diable   
 et s'y mirer   
 mousse douce   
 au limon des jours fertiles   
 une bougie sur le devant   
 une lanterne à l'arrière.  

 
388

avant que le sel ne te ronge

   Bâtir   
pour ne plus avoir à devenir. 
 
Ignorer les morsures quotidiennes   
pour plus de légèreté dans l'élévation. 
 
Savoir recueillir le reste des échecs   
en démarche de conscience.   

Etre le loup en lisière   
et feindre d'ignorer le barbelé des grandes plaines.   
Écarquiller les yeux   
devant l'expansion du vent d'ouest.   

A l'aube se séparer des preuves de lune   
pour marcher vers la lumière. 
 
Économiser la chandelle   
sans que brûle le bûcher des souvenirs.   

Sacraliser la myopie intérieure   
au linge froissé des nuits de repli.   

Savoir tourner la roue   
pour que s'épande le sable.   

Se lever encore et encore   
malgré les plaies de l'enfance.   

Devenir perle trouée   
avant que le sel ne te ronge.   


386

Asseoir son arrivée

 Une nuit en tendresse   
 d'élans pulvérisée   
 les feuilles d'automne   
 orchestrent la retombée sur terre.  
 
 Du bruit dans la lessiveuse   
 une clé par inadvertance   
 laissée dans la poche   
 un oubli pour trop peu dire.   

 A niveau   
 se mettre céans   
 et puis rien    
 un rayon de soleil par le volet à claire-voie.   

 Partir tout doucement   
 papillonnant au gré du vent   
 sans ressentiment   
 juste un œillet entre les dents.   

 Asseoir son arrivée   
 sur la pierre dure de l'entrée   
 sous les barreaux de la fenêtre   
 Ô Mère Grand !   


 387

Au temps des arbres perdus

 Là, perdus   
 Dans la frilosité des avancées technologiques   
 Coups de gueule contre le mur des incompréhensions   
 Se lient et se délient   
 Les bonnes raisons   
 Au sens giratoire d'un consumérisme béat.  
 
 Frappant d'un zeste du sabot   
 Le condominium des afflictions   
 L'homme de bure   
 En ses vérités surannées   
 Devient Don Quichotte   
 Derrière le miroir des lamentations.   

 Monte des fosses d'orchestre   
 L'appel des repris de justice,   
 Vêtus d'hardes spectrales,   
 Corps éventrées,   
 Rigueur ajoutée,   
 Harnachés d'obsolescence programmée. 
  
 Cellulose dégoupillée   
 En effraction d'un ordre dispersé   
 Le temps appelle le temps   
 Au creux d'un nid de coucou   
 La vase refluante   
 Colmatant les brèches de l'oubli   
 S'enquière d'une halte secourable.  

 Proviennent d'on ne sait où   
 Dans un faisceau de lumière   
 Les mains ouvragères   
 Aux doigts grêlés de piqûres   
 Ronde enivrante      
 Le regard baissé   
 Rassemblant les myriades d'âmes errantes   
 Autour d'un chant psalmodié   
 Que le tissage expose.   


385