Tous les articles par Gael GERARD

en lisière de forêt

   En lisière de forêt   
la vie   
la vie secourable   
la vie en offrande   
la vie giboyeuse en amitiés   
la vie qui se faufile et que rien n'arrête      
Un carré de verdure   
où poser ses pas   
une échancrure si fragile   
que le regard même   
trace les courbes de l'avenir      
Une flaque d'eau      
D'avoir marcher   
devant soi   
vers la nuit   
libère l'espoir   
de ses convenances      
Reste un sillon de lumière   
où béance tenante   
choir   
sans retour arrière   
sans pomme de discorde   
une corne de tendresse en plein cœur. 

    
503
(sculpture de Martine  Cuenat)

Larmes de pluie en godille

 Le chien courait   
 sur le chemin  des bergères 
 entre les fougères accoutumées.    
 
 Navré de devoir frapper   
 un si bel homme   
 à la carotide.  
    
 Maman devant   
 s'était éloignée   
 en simulation d'être pressée de rentrer.

 La pluie se fit cinglante   
 et piquait le visage   
 une brume nous recouvrait.      
 
 La marée était montante   
 on entendait le ressac   
 frapper les dalles de granite. 
     
 La jetée était déserte   
 un marin dans sa petite embarcation   
 godillait ferme   
 vers un cargo   
 ancré entre les jetées du port.  

       ( peinture de GJCG )
  
502
 

au prolongement du jour

   Au prolongement du jour   
quand la nuit se fait profonde   
où le navigateur tremble   
devant les dangers qui l'assaillent   
il y a cette lumière   
cet oiseau qui annonce la terre   
et le soleil    
quand la connaissance est naissance   
que le jour est amour   
se gonflent les montgolfières   
en ascension gracieuse   
chalumeaux bruyants   
faisant fuir les oiseaux   
comme manne au désert   
quand la faim nous tenaille.      
Mesure-t-on les pas à faire   
affaire de temps   
affaire de regard   
portés en juste place   
jusqu'au soir ? 
    

501
(peinture de Manon Vichy)

Écluses ouvertes

 Vivre la toile recouverte de couleurs   
 dans les deux dimensions   
 de l'une à l'autre   
 les brosses brassent l'air   
 coulures aux lanières gouleyantes   
 les signes éclosent   
 sitôt remis en leur origine.        

 Écluses ouvertes   
 la montée des émotions   
 fait vague unique   
 quand l'étrave saccage   
 l'eau et la berge   
 entre les rangées de platanes   
 au vent sifflant   
 sur les bourgeons à venir.      


  500

Le détachement du poète

 Le poète ne se relit pas   
 Il écrit   
 Il ne revient jamais sur ses pas   
 Il s'éprend de l'agitation des foules.    
  
 Il a compris à la fois tout et rien.         
 Le grand détachement.   
   
 L'expression poétique est peu réfléchie   
 Mais elle réfléchit le monde.   
   
 L'extérieur est un puits de mots   
 De maux m - a - u - x   
 À la source des mots.   
   
 Le poète ne sauve pas l'humanité   
 Il essaye de se sauver   
 Lui  
 En ses contorsions existentielles   
 Qui le font s'ouvrir. 
     
 Le poète est un gyrobroyeur   
 Il est le metteur en  mots   
 Des existences autres    
 Présentes ou passées. 
  
 Il est le vers et le fruit   
 Et le bruit   
 Et le verre et l'eau.

      
  499

le temps n’est pas constitutif

  Le temps n’est pas constitutif d’un quelconque ordre ; ce qu’est par contre l’intuition qui elle est aveugle au temps .

Le temps n’est que le passé et l’éternité . Il est impossible de penser le temps, de saisir le temps . La notion d’ « instant présent » est un oxymoron

Le temps ? Ce montant vertical entre les deux parties de la fenêtre ;  un avant, un après, un tout près, un ressenti gauche / droite, une bipartition, un ailleurs ? La pensée s’exerce à le définir … et le temps file entre nos doigts .

Le temps ne partage ni ne relie ; il  permet un faux dialogue entre deux illusions, il remplit un néant qui fait peur, il permet le bavardage sans que l’après soit évoqué, il fausse la vie, il nous fait appeler « vie » ce qui n’a pas eu le temps d’être, par manquement à la vie, par non acceptation de notre finitude .

Le symbole, lui, est une incarnation de la réalité, de ce qui fait du lien entre le sujet et l’objet .

Il y a quelque chose au delà du sujet et de l’objet ; il y a la résonance de la rencontre, hors temps .

Ce qu’il y a de contradictoire, de naïf, de mutilant entre le sujet et l’objet en relation univoque, dépasse la capacité de parole . Cela exhausse et incite au mouvement et à l’action, ce qui permet de passer à un autre niveau de réalité .

Il est nécessaire de changer son positionnement en interrogeant sans cesse « la manière dont je suis » par rapport au monde . Et si celà ne se peut, s’il y a répétition des mêmes choses : c’est manquer la cible .

De passer d’un niveau de réalité à un autre niveau de réalité ne peut se produire que lors d’un certain état de disponibilité, quand quelque chose nous pénètre secrètement, lors d’une claire observation sans parti pris, d’une méditation, d’un lâcher prise  …

C’est alors qu’un temps nouveau est, l’instantané, le temps qui naît, un temps là, dans la fulgurance de son émergence, un temps d’hier et d’aujourd’hui, un temps hors temps, la plénitude de l’instant, comme si l’éternité se trouvait là, à ce moment, un temps fait d’ailleurs et d’ici, le temps de la rencontre, et qui est bien plus que la somme de ce qui nous convoque et de ce que nous sommes, un temps en élévation qui promeut un autre niveau de conscience, un temps où aller, un temps déjà là, le temps qui n’est pas constitutif, le temps qui néanmoins nous embrase, l’âme alors exhaussée c’est-à-dire animée par le double mouvement de l’accueil et du don de soi rassemblés dans l’embrasement de soi .

191

de saut en saut

   De saut en saut   
de sourire en soupir   
de soupir en sourire   
quoi que l'on fasse   
aujourd'hui fera face à la finitude   
pour demain   
et après-demain   
en débours de quelque nuit d'amour   
~  accueillir le temps qui passe. 
    
Eclose chaque matin   
au chant du merle   
l'aurore nouvelle   
ouvre ses paupières   
pour une journée convoquée   
~  présence à ce qui est.   
  
Remettre la maison en ordre   
nourrir le chat   
aller au marché   
déjeuner avec un ami   
ouvrir un livre   
refermer les pensées    
dans le linge blanc des souvenirs   
~  accord avec ce qui vient.   

  
498

Carole niche

   Élégante montée vers la cime des arbres   
Puis descente
en vacuité tendre   
le long des bulles de rosée.   

Corolle niche   
aux insectes appropriée   
même le son du cor   
les enivre.     
 
Passage ombragé en bas de falaise   
reflets des touches de soleil   
au travers du feuillage.      

Et puis rien   
juste regarder ce qui vient   
l'estompage des effets de lumière   
atteindre l'eau noire.     


496

la conscience de la conscience

     Mais, il est possible qu’on soit aussi la conscience de la conscience de … et là, c’est de l’Etre de notre être dont il s’agit, ce qui nous ramène de l’existentiel à l’essentiel, cet essentiel qui n’est pas quelque chose d’abstrait mais la Vie de notre vie, le Souffle de notre souffle, la conscience de notre conscience….      

     Ce qui interroge pas seulement notre esprit analytique, mais notre « Vision » et nous invite à faire un pas de plus, un pas au-delà des images et des symptômes dans lesquels nous pouvons nous arrêter. C’est alors savoir qu’on ne sait rien, c’est le commencement de la sagesse.      

     La pluie peut venir, il y aura moi sous la pluie qui frappe le sol, qui bruisse et soulève les fragrances. Il y aura aussi l’Etre-Présence de ce qui arrive, cette conscience d’être là et hors tout ce qui peut nous arriver, l’instant de la rencontre comme jamais cela est arrivé, ce flash de grâce qui nous lie à bien plus que nous, dans le plain-chant  de l’accomplissement et des adieux, sensations et réflexions dissoutes, hors le vivre et la mort de notre être identitaire, cette partie de nous-mêmes étrangère à nous et qui nous aliène, bien avant que la pluie ne tombe, bien après que le sol soit sec.      

     Nous sommes et avons été, une trace, mais une trace qui avons troqué la connaissance contre le silence, la suspension des options de sens pour Etre, un avec soi, être Un.      

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