Le petit gars, la jeune fille et le papa

Un jour dans ma boîte aux lettres   
une enveloppe blanche   
que j'ouvre   
à l'intérieur une feuille entièrement blanche.      
 
Et puis je passe la feuille à la flamme   
dessus des mots superbes   
sans doute écrits au citron    
apparition.         
 
Telle est notre vie   
on n'y comprend rien   
on ne sait pas ce qui nous arrive   
alors qu'il suffirait d'éclairer.      
 
Un petit gars à trottinette   
une jeune fille en patins à roulettes   
un papa à casquette    
splendeur de l'amour.      
 
Le petit gars c'est l'oisillon sorti du nid   
la jeune fille va de l'avant corde tendue   
le papa ouvre la route   
et on se plaindrait du silence.      
 
Le petit gars patine d'un élan qui nous ébranle   
la jeune fille utilise la compagnie d'un chien  
le papa courroie de transmission   
enthousiasme le goudron laisse béton.      
 
Le petit gars pourrait dire qu'il est délaissé   
la jeune fille qu'elle utilise la force animale  
que le papa poursuit son running   
obstinément sans se demander où cela mène.      
 
Il ne s'agit pas d'aller chercher une réponse   
si on la cherche trop on va l'inventer   
et si quelqu'un d'autre l'invente   
c'est de la glue ou de l'eau de rose.      
 
Le petit gars patine   
la jeune fille roule   
le papa court   
sans un clin d'œil.   
 
Pour aller loin   
pour rencontrer la joie   
pour comprendre ses blessures   
pour véritablement naître.      
 
Le petit gars, la jeune fille, le papa   
tous reliés sont sur le chemin   
à donner de l'énergie de leur corps   
à donner d'eux-mêmes.      
 
S'abandonner à ce qui est   
celui qui sert s'oublie lui-même   
pour n'attendre rien en retour   
et perdre sa vie pour enfin la trouver.      
 
1174

Peyre Fichade

Un coin de nature   
à Peyre Fichade   
l'endroit est aimable   
familier spontanément   
à user en connaissance.      
 
Les images sculptées ne parlent pas   
mais soulignent les aspects visibles   
du temps des bêtes   
de ces animaux que l'on affronte   
et dirige avec souplesse et contrôle.      
 
L'arbre et le rocher   
baignent dans la lumière   
à s'offrir aux énergies telluriques   
ample caresse d'un soleil dansant feuillage   
prompt à purifier notre feu.      
 
Le gardien du seuil   
au masque de granite   
tire à lui et la terre et le ciel   
avant de laisser passage   
au compagnon de rencontre.      
 
Etreinte harmonieuse   
du sol sonnant tambour   
à même d'enrayer l'émotion de l'instant   
sous la coupe d'une marche conjointe   
alchimiquement neutre.      
 
Rappel à l'humilité   
par la belle créature   
à réaliser quintessence des œuvres de vie   
en maîtrise des dragons et oiseaux   
dans l'éclosion de sa puissance.      
 
Chuchoter à l'oreille   
l'entendre et l'écouter   
le partage profond   
pour auréole reine   
être ceint du lien de notre destinée.      
 
Voir et être vu   
restituant la clarté de l'enfant   
dans le sens vertical   
des empilements d'expériences confondues   
en élévation sereine.      
 
Emergeront de la forêt   
les moyens d'extraire le joyau de sa gangue   
pour souffle en libre circulation de l'esprit   
tendre ses lèvres   
vers la transmission éminante de l'échange.      
 
1173

Vénus, nuages et lune

Au couchant ensemencé d'éclats de lune   
sont apparus   
les puissances de l'ombre   
l'autre, les forces lumineuses.      
 
Au début est l'inconnu   
de soi-même et du monde   
en ignorance de ce qui est possible   
chien de dentelle dans le ciel.      
 
Dépouillé et fragile   
portant haut la force menaçante   
tensions cachées en son for  
il erre.      
 
C'est la peur qui déforme la vision   
et sa propre énergie un brouillard inconvenant   
alors que l'obstacle est en lui   
cette crainte de faire traces en terres vierges.      
 
Nul n'accueille joyeusement le joyau de ses yeux   
Vénus au regard du fond des âges   
perle d'ombre   
porte d'accès au mystère.      
 
Franchir le seuil   
mains coupées paupières closes   
rend blessure formatrice   
et âme folle amour.      
 
L'homme fragile du début   
devenu responsable de la matière et du pouvoir   
devient point d'inflexion   
où glisser dans sa poche le glossaire des incantations.      
 
Géant    
sortant de la géhenne   
il livrera son sang au premier bout de chair venu   
germe de sa propre chute.      
 
Debout   
l'épreuve l'a mis face à lui-même   
le miroir est à retourner   
la bifurcation à découvrir.      
 
1172

La courtoisie de l’Être

Montre moi ta peau de sous le voile   
Je sais qu'il y a là   
L'errance des choses vécues   
Et la toise des choses à venir.      
 
Aussi retire vite ces fadaises   
Du bocal à chansons   
Sois dans la docte ignorance   
Du non-savoir notre maître.      
 
Plus rien autour de nous   
Apparemment mais pleine de ressources    
La source   
Le lumineux contact.      
 
Bien avant les connaissances accumulées   
Par notre personnalité   
Il y a le préexistant à tout ça   
Notre Être.      
 
Veille en lisière du bois   
Le petit rien des grands espaces   
La peur, haserre, l'envie, la vanité   
Toutes rassemblées pour le raout des illusions.      
 
Soyons lucide   
Il n'est de pas qui compte   
Que la semelle du soulier foulant le sol   
Et le nez en l'air pour l'alouette lulu.     
 
Autrement dit   
Dire " Merci "   
Engage l'Être en instance de dépersonnalisation   
Vers les crocs de la manducation.     
 
Posons le calame   
Sur la pierre des investigations   
Soyons le vent du désir   
Soyons le beau parti.      
 
Le voile soulevé   
Amène cendres sur l'Esprit   
Vienne alors l'origine de cette dissipation   
La liberté inséparable de l'énergie.      
 
( détail d'un dessin de Jean-Claude Guerrero )
 
1171

La Force

Graphe de nuit   
n'arrête pas le péril   
de la constance à mettre sous clé   
la Force.      
 
Plus de principes   
sur les vestiges de l'ordre   
opère    
la malignité de l'accaparement.      
 
Et tout est à lancer dehors   
l'ébranlement des assises   
comme l'aboutissement de ce qui a été arraché   
la Vie toute la vie donc.      
 
Le Monde va   
en pratiquant le détachement   
donner sens à l'enfant du monstre   
grinçant des dents dans sa mandorle.      
 
Corriger l'impasse d'un jugement   
plutôt que de fabriquer l'inénarrable   
occasionne sur le versant pataphysique   
quelques menus reflets.      
 
Lire le Réel   
exclu la tradition de l'émotion   
engendrant le pouvoir inique   
de la courtoisie héroïque.      
 
Tout  bien fait   
le nouveau langage   
d'une manière incontrôlée    
larmoie sur le beau et bien penser.      
 
Se découvrir   
devant la Vérité   
en délivrant le fin mot de l'Histoire   
prélude au rêve apocalyptique.      
 
En silence   
au plus profond des désœuvrements   
l'implacable déchaînement de la puissance   
pousse l'oisillon hors du nid.      

 ( Graphe de Jean-Claude Guerrero )

1170

Le papa de la passerelle

Papa   
tu viens parfois   
par rafales de silence   
dans un ciel de présence pure.      
 
Le bouclier là   
sans arrogance posé   
à choisir les mots pour ça   
écrire en impulsion.      
 
Transmettre   
le feu avec du froid   
dans la barque des sensations   
parler en amitié.      
 
Ils veulent partir   
un jour d'été   
et se sera l'automne   
en salopette bleue.      
 
Le doigt angélique   
accueille   
d'une aiguille l'autre   
l'ourlet du jour.      
 
De vieux remparts   
en limite du désert   
à moitié écroulés   
offrande au simoun.      
 
Nos compagnons   
ont préféré leurs rêves   
tout autant que les livres   
la table de chevet.      
 
Arrêtez de penser aux épreuves    
ardentes brûlantes violentes   
elles sont le rose aux joues   
pour les âmes très hautes.      
 
Papa    
du berceau au souvenir de toi   
il est plume fragile   
voletant par vive lumière.      
 
Pressé d'aller ailleurs   
provoque brassées d'amour   
sur le retour   
vers la page blanche.      
 
Dans la cour de maternelle   
parfois Papa se fait attendre   
d'une attente longue   
comme un jour en exploration de terres inconnues.      
 
Sur la passerelle   
ébranlé par la tendresse   
j'entends le soir   
le son d'une trompette.      
 
( détail d'une œuvre de Jean-Claude Guerrero )
  
1169

Un sien de rien

Tourner autour du cœur   
enchante les pétales du moment  
nous fait sien   
un sien de rien   
pour nous rendre heureux   
d'avoir raté jusqu'au lendemain   
afin de recommencer.      
 
Vide vital de chercher   
en fin de gestation   
la nature véritable de qui nous sommes   
sans réussir   
mais en tombant amoureux   
de cette vie à demi-mots   
sur le tranchant de la marche en avant.      
 
Ecrire   
sans trop savoir pour quoi    
mais avancer   
par cette folle navigation   
à contre-pied des tambours de la raison   
ces tranches de pain de mie   
coupées en retrait du désir.      
 
Pour battre le fer   
cœur à cœur   
dans la moiteur de l'apathie   
il est souvent question d'un regard doux   
dressé contre l'obscénité   
pour passer le gué pieds nus   
des étoiles plein les yeux.        
 
La Bonté cette pensée   
à rebours des colifichets de l'instinct   
sera masque superbe   
cachant le fond du ciel   
tout prêt des catéchumènes   
pour que ça rigole ferme   
tête roulant dans la corbeille.      
 
Au bonheur de la main qui va vers le livre   
sans que pèse la charge de la reconnaissance   
se contentant de jouer sur les chemins   
les reins ceints de bon matin   
furent enseigné l'humour et le maintien   
alors que défilait en sous-titre   
les dragons saisissant les poignets de l'homme.      
 
Ce silence   
dans la poitrine
qui se soulève et s'abaisse   
indicible   
comme un enfant ensorcelé   
par la haute singularité   
d'un matin de givre.      
 
( œuvre de Jean-Claude Guerrero )
 
1168

A plus soif, écrire

Ecrire pour se protéger des mots 
qui rendent invisible la vie   
et accompagner le vol de l'ange 
qui fait vibrer la chair.
 
Ecrire c'est vivre à petits battements d'ailes  
tête fine se dressant par dessus la couvée   
dans le giron des parents   
à s'enquérir de quelques vers.      
 
Ecrire c'est au bord du trapillou de la maison-mère   
guetter l'arrivée de celle qui vous regardera   
la mine réjouie le regard clair   
une pluie de désirs frais tombant du ciel.      
 
Ecrire c'est craquer l'allumette   
pour qu'aux limites de la brûlure   
le bois noir se rétracter   
et tomber dans la bassine.      
 
Ecrire c'est remonter de la fontaine   
les lourds seaux d'eau   
en se racontant des histoires   
pour que douleur passe.     
 
Ecrire c'est descendre au Pradou  
tirer la bonne carte des philosophes   
tomber sur Socrate lui tirer la barbe   
et rire sous cape.   
 
Ecrire c'est rodomonter la grande échelle   
contre la paroi de l'imaginaire   
à toucher la manne céleste d'un doigt mouillé   
pour s'entendre dire "j'arrive".      
 
Ecrire c'est fixer en bout de lance   
les étoiles et le bruit du Latécoère   
au son de l'angélus   
un soir de rude journée.      
 
Ecrire c'est n'importe quoi   
la gorge sèche les mains dans les poches   
attendre que cela passe   
au gré des amours mortes.      
 
Ecrire c'est cueillir les fruits cruels    
d'un arbre éternel   
que les moineaux empenaillés de poussière   
laisseront en parentèle.      
 
Ecrire c'est construire une cabane au fond du jardin   
pour qu'y demeure l'enfant qui n'a pas grandi   
le jeu de planches tuilées   
en vue de l'orage à venir.        
 
Ecrire c'est calquer ses pas   
sur la trace des autres   
afin d'être autrement autre   
présent au demeurant.      
 
Ecrire c'est définir puis finir   
ce qui éternellement commence   
par le chas de l'aiguille   
d'un néant d'activité.      
 
Ecrire c'est penser tout haut   
la co-naissance possible   
d'un co-naître à venir   
en déploiement de la lucidité.      
 
Ecrire c'est au vertige des mots   
répartir sur la tige des feuilles émotionnées   
la libération libertine d'une vie   
en chaos de soi.      
 
Ecrire ce peut être   
comme tel ou tel personnage d'un conte   
défier la mécréance   
en épousant les contraires.      
 
Ecrire c'est attendre que le froid vous gagne   
assigné sur le tard   
à descendre l'escalier des soumissions   
jusqu'à l'humilité de l'esprit.      
 
Ecrire c'est être le plumitif débonnaire    
de la conscription   
se curant le nez   
devant la vulnérabilité.      
 
Ecrire "A suivre"   
"qui peut le plus peut le moins"   
et passer son chemin   
sans jouer de la flûte des vertèbres.      
 
Ecrire c'est être présent   
à ce qui vient   
sans que la pédagogie préjuge   
du bien ou mal de l'exercice.      
 
Ecrire c'est être le loup des steppes   
à étaler sa carpette   
de nuit comme à l'accoutumé
d'une parole fleurie.      
 
( œuvre de Jean-Claude Guerrero )
 
1167

L’oiseau de Paradis

S'en est allé   
Carolus Proximus   
un matin de ciel clair   
de cette sphère opaque    
pleine d'années-terre   
sans bagage par la sente    
échapper à ses révolutions.       
 
Point de règles d'amour   
ses idées fausses et vraies   
formaient le partage du grand œil    
désuet encartage   
en ces temps de mémoire akashique    
soumises à ce qui a été fait   
soumises à ce qu'on en dit.      
 
Ses sommeils avaient été tributaires    
des morts passées   
en commodité de langage   
à constituer l'Être spirituel qu'il sera   
alors que phases stables de la conspiration   
désapprises dans l'ambition de perdre   
la décélération était à son Très-Bas.        
 
Il avait voyagé   
par refus par égoïsme   
dans les Principes de la Vie   
claudiquant de routine   
la main sur le frein   
à déplorer le processus d'envol   
de ceux qui meurent jeunes.      
 
Afin de naître à sa nouvelle étoile   
l'assaut donné sur des collines sans parapet   
l'avait tiré de son errance   
pour l'enjoindre de grimper hors ténèbres   
pensé guidé paraphrasé les bras en croix   
dans l'équilibre d'un corps chancelant   
en éclipse de sa foi.      
 
A l'envers de son destin   
l'orbite en négativité   
il avait décalqué sa démarche   
du désert d'autrui   
aux plaisirs terrestres charnels et matériels   
pour se présenter devant son passé   
dans l'entre-deux-mondes de la phase intermédiaire.      
 
Lourdes étaient les chaînes   
de cet accoutrement d'oiseau de paradis   
à contempler le passage en solitude   
à soigner son arrivée dans l'Au-delà   
lui le nouveau-né de l'éblouissement initial   
en ascendance du Massif Christique   
à faire miroir de lui-même.      
 
1166

En passant par l’Ukraine

Brèves modulations   
du vent entre les mots   
soutenant de leurs dents de lait   
le quiproquo du corbeau   
au sortir du castel   
croassant par l'esprit de la pierre   
la juste répartition de la terre et du ciel.      
 
Les arbres et leurs racines   
par vagues singulières   
passent et repassent   
tentacules aux cailloux des rivières   
tendresse éphémère   
des grumeaux d'une soupe   
dans l'écuelle de lumière.      
 
Crème douce   
étalée sur ta peau   
en contrebas des pas de trop   
de l'herbe à mâchouiller    
avons mis le holà   
pour que crinières au vent   
les chevaux caresser le temps.      
 
File la laine   
éternelle bergère   
au pourpoint de laine écrue   
à la lumière des jours perdus   
chanter l'air des bois noirs   
entre le coq des passiflores   
et le loup du verbe en bouche.      
 
Bisons ardents   
et brioches tendres   
des plaines enrubannées de brume   
nous avançons   
séneçons de l'avent   
à coups de cornes et de sabots   
sur la terre amoureuse.      
 
Rien n'arrête   
la charge des uhlans   
sur l'Ukraine aux terres grasses   
terrassée par le souffle du dragon   
de haine et de fortraiture aguerri   
pas même le cri des femmes et enfants   
crispant les allumettes dans leurs mains de dentelle.      
 
 
1165

La présence à ce qui s'advient