S’asseoir et se taire

Continuez de jouer   
Et vous serez récompensé   
De musique   
De sommeil   
D'images   
Et de bons points.      

Au village les amis !   
Et retenez par le bout de la frange   
Les chemins de l'été   
Au pont au change   
Faisant acte    
Sans bourse déliée.       

À grandes enjambées   
Il foulait la coursive   
Pour d'un geste vif   
Se retourner sans plus de manière   
Devant ses nuits d'enfants   
À tenir la main du père.      

Respirer à bout de branche   
Sans que les nuages s'accrochent   
Écorce sous la main   
À parodier le destin   
Quand celui-ci les yeux bandés   
Commande au monde sans pensée.      

La vieille dame a besoin de son jardin   
De son rosier préféré   
De loin en loin   
Quand envahie d'émotions   
Elle revoie la jeune fille aux pétales fragiles   
Envahir toute sa vie.      

L'eau silencieuse   
S'est mise à couler sous la porte   
Où mousse vivante des instincts   
L'animal se mettre à laper son destin   
En présence de l'ami   
L'affûteur au regard gris.      

Qui l'eût cru   
Que l'épervier descendrait   
Par petits ronds indifférents   
Jusqu'à se poser sur son visage   
De honte et de rage mêlées   
Jusqu'à l'encan de tout soucis.      

Brinquebalé tel fétu de paille   
Il répétait à qui l'entendre   
Que cela finirait   
Même agrippé aux tenailles de l'esprit   
Qu'un courant d'air   
Suffirait à libérer.      

Et il pleurait   
Contre les poitrines gonflées   
En témoignage du jour   
Où soulevant la poussière   
La nef des fous   
Plongea en ses entrailles.      

Drôle d'oraison   
Que celle au dos courbé   
Arrimant le cri des mourants   
Aux piliers de la basilique   
Qu'un obus éventra   
Visage las à la cagoule noire.      

Les mots sont là   
Portés en pointillé   
À ceux qui restent   
Épuisés   
Obligés de faire face   
Sans savoir cadrer.      

Écoute   
Tourne la page   
Pour arracher au chaos du monde   
Ce que je ne sais que faire   
De cette histoire en pointillé   
Aux nu-pieds de cuir.      

 
1300

Le lignage de la raison

Mourir de mer   
Effluve amère   
Au sentiment des paupières baissées   
À l'intérieur même de la vague lasse   
Que la lettre exaspère   
Sacoche fermée.      
 
M'eussent prévenu   
Les langues tendues   
Par dessus le marigot  
Des gros mots assénés  
Je succombais   
Par la fenêtre au ponant.      
 
À prendre   
Face au mur   
La posture des entrants   
Nuit de rêve   
Perdue retenue   
Pour un autre rivage.      
 
Reconnaître   
Bien plus que naître   
Porte le Rien au monde   
À se nourrir et mourir   
Fenestron charmant ouvert
Devant conscience forte.      
 
Se craquellent les habitudes   
Nos obligées   
Au plus fort des souvenirs   
Accorder le piano   
Puis rester en vie   
Le bras tendu à l'antique.      
 
Jouer   
Pour la femme aux cheveux roux   
La traversée des voies ferrées   
Enfant ribouldingue   
Des prairies parsemées   
De fleurs de sang.      
 
À ne plus mettre   
Le vieil homme   
À la porte   
Coups furieux frappés    
Au couple des amants   
Tête bêche à l'instant.      
 
Passagers de l'étrange famille   
À la gravité feinte   
Vous mélangiez les corps   
Chose rare   
À l'enveloppe bienveillante   
Des maîtres-queue de la substance.      
 
Frère et sœur   
Adoptés dans l'évidence   
Dites oui   
Par un trou de souris   
Où faire disparaître   
Et la trame et le fil.      
 
Racines à l'air   
La nuit peut tomber maintenant   
Avant que réflexion n'exaspère   
Tel chien errant   
Reniflant l'épiphanie aveugle   
Des airs de bonne manière.      
 
La peur   
Se l'interdire   
Pour mieux aimer   
Le ciel et la cime des arbres   
Lignage de la raison   
Dos appuyé à l'écorce.       
 
1299

Cette heure là

Sept heures   
Cette heure là et pas une autre
Place aux errances, aux rêveries
Sans en voir le bout
Pourvu que le travail se fasse.

Attendre que la poitrine éclate
N'effraie pas le trappeur
Le gars à la longue barbe
Passant son temps
À regarder par dessus les arbres.

Et si quelque vigueur lui vient
Avec armes et bagages
Il ira farfouiller
Parmi les hardes abandonnées
Sans se soucier du lendemain.

C'est le corps qui résonne ainsi
Dès l'aube
Par la faute du labyrinthe plein d'échos
Pauvre lieu traversé
Sur cette terre croutée.

Se lever
Alors que les images s'éloignent
Doucement
Jusqu'à perdre de vue
L'horizon et son marché des quatre saisons.

Puis je quitterai la table
Et m'encorderai aux mots
Sans peser pour ceux qu'on aime
En silence
Une évidence.

1298

Clapotis éternels

De cette coupe belle   
Où rassembler nuits éternelles   
Coule ma peine   
Entre les ridelles   
Du char des martyrs   
Suspendu    
Par la faim et la soif   
Aux poutres de la grange   
Et la majesté douce   
Du tissage des saisons   
À la prompte allégeance   
Au monde ancien et jamais advenu.      
 
Parons au plus pressé   
Soyons de mèche   
Avec l'allongement du noir   
Pour recouvrir de plâtre grossier   
Les murs de nos cellules   
Et glisser dans les anfractuosités   
Les lampes à facettes   
Qui permettront aux moines copistes   
De grapher de quelques silhouettes grotesques   
Les cupules secrètes   
Pleines d'un chagrin éternel   
Hasta luego, compadre !       
 
1297

Rire Écrire

Rire écrire   
À bon droit   
De bon cœur   
Pour qui me lira   
Plume légère   
Pour vous plaire
Par la plaine   
Fraîche haleine   
Errante Adèle
De mémoire soutenue   
Le hachoir du temps   
Entre les dents   
Au banc des émotions   
Faisant friction
De folie en raison   
Permise diatribe   
Appuyant poigne ferme   
Sentences et mots de grâce   
Cendres de bon aloi   
Sur l'autel des afflictions   
Au naturel immémorial   
Des reliques   
Rassemblées en ballots   
Un soir de fenaison.      
 
1296

Le corps mourant des dinosaures

Vouloir s'envoler   
Pur vrombissement
Des dinosaures
À se déployer
Plumage caréné
Prenant repère sur l'horizon
Aux abords d'une plage
Brise marine
Mariée aux bouffées des nuées
Emportant à nouveau
Le lancinant appel
Des longs chants de louange
Au sein de l'Immensité
En échange du langage
Narrant par le menu
Ce qui est possible de perdre
Grain de poussière
Pour incessant retour à l'Être
Cœur Battant
Au gré des marées
Saupoudrer à l'envie
D'un souffle généreux
Les désirs inassouvis
Jusqu'à point nommé de l'univers
Au trou que chaque vie fore
Se refermant tel un piège

Face aux dieux.

1295

Roule ta bille

Roule ta bille   
Et me viens   
À sauter   
Sur les amendements de l'esprit   
À chevaucher la contrée   
À passer le temps   
D'onde en onde   
Clameur aux semelles de vent   
Vivant ici et maintenant   
Sans clôture   
À hauteur de fleur   
Dans l'herbe drue   
Étrangement sèche   
Sous le ciel lumineux   
Préludant la venue   
Du simiesque nuage   
Entraînant   
Du foyer mal éteint   
Le feu aux fumées bleues.      
 
1294

Énigmatique rencontre

Dans le bois, une trouée   
Énigmatique rencontre   
Profonde et ombreuse   
Qui sans trembler   
Me regarde   
Monde qui est ici   
Et pas autre part   
À croire que ça circule   
Et que les morts restent parmi nous   
Alors que la terre tremble   
Tendre absence de l'époque   
Où déjà vieux   
J'attendais un signe de Dieu   
Qui jamais ne vint   
D'une ténèbre l'autre
Pour refaire sa vie   
Nous qui avons survécu à l'abîme   
En gardiennage   
Du vide au cœur   
Des heures chaudes   
Alors qu'au couchant   
À la revoyure   
Nous devisions des deux règnes.      


1293

La fenêtre bleue

Le jeu, la fleur et le présent   
Au centre du vide   
Se sont fendus d'amour   
Devant l'enfance naissante.      
 
D'étoiles ceint   
Buvant à la source   
En deçà au delà   
Du silencieux couvige.      
 
Un cri   
L'envol du pigeon des liesses   
Convola à corps perdu   
Sur le tremplin des errances.      
 
D'un moment l'autre   
La brume parut   
Migration ailée des illusions   
Par l'égarement du masque tenu à bout de bras.      
 
Volutes évoluant   
De la pipe du vieillard   
Robe écrue visage tendue   
À mi-hauteur de la nuit, nous.       
 
Et le ciel se para   
Des parapluies de l'ancienne cité   
Comme tombent les pierres du toit   
Perpétuel flamboiement du souvenir.      
 
À vif   
Échos de nos blessures   
Le diamant du secret tira de sa poche   
L'hôte invisible du sans-reproche.      
 
Célérité des nuits d'été   
Insaisissable fragrance de la romance   
Pourrions-nous être déjà là   
Nimbé d'une ardeur sagace.      
 
À l'arrière du rayonnement des astres   
Il y a le travers de mille désastres   
Puis le froid de l'écorce mouillée   
D'une journée avancée.      
 
Des voix à mi-pente   
Ont éclairé les rires et les dires   
Du mûrissement impavide   
De notre hôte, la Bible.      
 
Et tout fût signe   
La main, le fruit   
Et ce qui point   
Par la fenêtre bleue.      
 
1292


Frêle esquif de lumière

Puis vint là-bas   
Du Très-Haut des instances
Au milieu du Tout
Que l'on nomme contrée

Brassée de nos insuffisances
Le long chant de louange
À se gausser de l'éclair
Frêle esquif de lumière
À même le pacte de sang
Montrant ses brisures
Sur l'emmêlé de nos instincts
Par la voie des signes
Au-delà des sons
Furtif parfum d'un bouquet d'été
Posé sur la table
Devant l'enfant perdu
Palpitant présent
Pour chemin parcouru
À remonter le temps.

1291

La présence à ce qui s'advient