De la boule à la spirale

J’ai prêté l’oreille
Et la pierre m’a répondu.

Qui ne mange pas est mangé
Et qui mange bifurque.

Plus gros que toi
J’ai embarrassé le monde.

La boule dure dans la goule
Rejoint le labyrinthe invisible.

Selon son âme selon son cœur
Parvenir un jour en lisière.

Cette destination suggérée, pressentie, entretenue
C’est le secret.

La dureté de l’épreuve
Est chemin de progression.

Se perdre
Pour abandonner ses vieilles références.

Dans la forêt des symboles
J’ai greffé la branche du coudrier.

De paix habité
Ramasser la plume d’or.

Au-delà de nos capacités apparentes
Trouver la boîte noire.

Énorme pierre philosophale
Grésillant d’étincelles bleutées.

Pris en charge par des forces
Écrire le jour et la nuit.

Pomme perchée au plus haut de l’arbre
Reçoit la parole des étoiles.

J’ai joint un timbre pour le retour
De la divine Source le moyen de servir.

Accompagner l’œuvre
D’une infinie patience.

Tout est présent
Juste mettre en ordre.

Pas de notice de montage
Pour les pièces et rouages de la machine humaine.

Élaborer sa propre forme
Selon un modèle unique.

Le point d’attraction de toute chose
Est connaissance du tréfonds, de l’intime et de la conscience d’un absolu.

La rose de la totalité
Sèche et flamboyante entre soleil et lune.

De la boule à la spirale
Le temps d’une gestation.


1477

Stylet du haut des cathédrales


Stylet du haut des cathédrales
À la pierre tombale feinte
Tendre vertu
À rentrer au Point du Jour
Par la fente de volupté.

Il est du monde
Que frontière entre les vivants et les morts
Délice de la Goule
D’où viennent les moineaux
Vraie poésie de la lumière.

Main aux herbes courbes
Ensemencement jusqu’à sa propre consomption
D’une vigueur altière
À portée des feuilles sèches
Cingle une dernière voile.

Chercher n’est pas trouver
Le livre à la sueur d’encre
Qui par nuit de septembre
Allumera un dernier feu
Éclairant les yeux mouillés de l’aube.

À se taire plus longtemps
Les mains pariétales
Gagnent la pelouse sage
Devant le fleuve de boue
En toute subtilité.

Bruits tout partout
Du Maître des écritures
Apposant sa patte d’encre
Sur la logique dépouillée
D’un éternel enlisement.

Lovée dans sa conque marine
Le vide stylisticien
Avale la contrée aux flocons de neige
Part intangible de sa légitime passivité
À boucler bas la ceinture des instincts.

Battre campagne
À fleurs de lys rabattus
Engage le bougre à rallumer la flamme
Contre la pierre froide
De son originalité.

Ombres et lumière s’enlaçant
À la veillée des échanges
Je saurais être la main miraculée
Sortie de terre
Terrassée par la musique des orgues.

Du trou la main se lève
Doigts et ongles enrobés de glaise
Vers la fleur de lotus
S’efforçant de percer les nuages
Aux marges de la grâce.

Sur la paroi
Dansent les ombres de la préhistoire
Traits lancés contre le mystère
À ne pas mourir trop vite
En ces temps de rêveries prononcées.

Nichée de mai
Cadavre exquis tombé sur la pelouse
Les branchettes ferraillent sèches
Jusqu’à l’ivresse de renaître
Au jeu des particules lumineuses.


1476

Avec ferveur et humilité

Avec ferveur et humilité
Dans le jardin des souvenirs
Il fallut jouer des coudes
Pour porter la pignole
Dans la sérialité de l’âme
Jusqu’au foyer grand-parental.

Les sourires colorés de nos désirs
Ont gravi la côte
La fleur au ventre
Conscient de grandir en l’Être
Par amour de la Beauté
Et de la Vérité.

Rambarde jusqu’en fond de couloir
Par temps de musique triste
À l’assaut du faîtage vers l’ascension unique
Dégageant le remuement des oiseaux
L’empreinte noircie sur les murs de chaux
Rappelant les torches du passé.

Vivre c’est rassembler des grappes d’images
Dans l’ivresse de renaître sous la liqueur bleutée de l’air
Aux marches du destin
Que le hasard fait sien
Par l’instabilité du gargouillis de l’esprit
Livre ouvert sur les genoux.

Pas besoin d’anges ni trompettes
Au corridor des amours
Prélude incessamment répété
Par la musique des sphères
Sur un fond de fox-trot
Grésillant en fond de grange

Faut savoir
Que la douleur
Seule en bord de route
Marque le grignotage de l’âge
Engendrant plaies et bosses
Au paradis des jours à venir.

Place au Méphisto de l’ombre
D’étage en étage
La pluie se fait bruyante
Sur les vasistas


1475

Flamme Visage et Dentelles

Flamme Visage et Dentelles
Rêveries de la religiosité
Bonbons de guimauve
Camisole de force
Cène officinale de l’Être
Alphabet des mondanités
Une sainteté va
Bruit sourd du marteau-pilon.

Appel au grand air
Baguettes magiques sur le tambour de l’âme
En guerre contre la fausse parole
Geôles ouvertes devant le petit écran
Dédicace manuscrite au feutre noir
Le pont entre la boue et la mélancolie
Une écriture de garde-barrière tôt levé
Prince-poète des esthètes et des moralistes.

Aux horloges du monde
Les ressorts se sont cassés
Le visage reflet s’est usé en rase-campagne
La tête de l’hydre s’est envolée
Un clou enfoncé dans la misère du monde
Le passe-droit des contemplatifs
Un arrachement aux cimaises de l’ordre
Le premier jour d’école d’une passion triste.

C’est dans le noir qu’on prend feu
Qu’il nous reste tout à découvrir
Que les chevaux de la pensée éructent
Que le bruit du papier froissé fait mystère
Que se révèlent les lumières de la poésie
Grignotage du simple et du gentil
Connaissance de la déchirure
Bouche-à-bouche d’amour avec la chose.



1474

Le poète farfouille


Le poète fouille dans la grange à mots
Pour un passage de l’autre côté de la vitre
Avec plein de moineaux pour picorer le grain.

Le poète cherche la bonne pièce
Dans le puzzle aux multiples entrées
Guidé par la caresse du non-agir.

Il feuillette
Et l’acte de lire ne s’improvise pas
Il est blessure amoureuse.

La tâche blanche d’un troupeau de moutons
Éclaire l’enfance
Claire comme un cœur de guimauve.

Je suis avec toi
Inadapté au monde
Comme écorchure au genou.

Si je suis lu
C’est qu’un miracle a fait éclater l’éprouvette
Sur le paillis des feuilles mortes.

La nature est grande bougresse
Soutenue par la brume des harmonies
Dans l’illusion du divin sous-tendu.

L’homme est un aveugle dans la vie
Le poète, lui, lisse ses lentilles de contact
Lorsqu’un vent glacial les recouvre de givre.

Une trace mène au plus petit cratère
De laine recouvert
Pour le nid de la huppe.

Immense est le fond d’horizon
Énigme insondable de l’Univers
Se parant des mille morts à venir.

Faire mine de rien
Le tour de la colline
En prenant le matin par la main.

Puis s’en aller
Comme frêne en bord de pré
Dans l’attente immense.


1473

La poévie

Cette oie en fond de cave
Se pavanait
Alors que tout autour était rebu.

Tâche blanche propre à souhait
Dans le blafard d’une poussière grise
Semblait la juste destination.

À trois c’est mieux
De choisir le chef se discute un peu
Le petit dernier étant toujours là.

Les yeux se dessillaient
Des détails apparaissaient
En tournant vers la gauche torche en main.

Remontant en surface
Il fût céans d’inscrire sur le papier
Quelques remarques fraîches.

La pente s’était infléchie
De l’eau coulait entre les dalles d’ardoise
Il avait fallu abandonner les habits de la garde.

À remonter aux origines
La quête débutait par un « Promenez-vous
Dans les bois » hors la loi.

Le panneau directionnel était aveugle
Nous étions hors communautés
Hors des dissensions.

La redoutable gentillesse des fleurs bleues
S’était dissoute dans la courbure du temps
En dépossession de soi.

Restait le cadre
De fonte moulé et de colifichets de bon aloi
Décapité par l’innocence des tout-petits.

Le lieu du monde lourd et sérieux
Était à quitter d’une pichenette ajustée
Sur le nez de quelque grossier personnage.

Ridelles montées sur les côtés du char
Permet à davantage de foin d’être transporté
Tout au long de la poévie.

1472

Les Égarés



Et pour chasser le culte de l’été
Pour chasser la poussière blanche du porc de Bigorre
Ils ondulèrent jusqu’à se mettre en quatre
Les Égarés.

Ficellement vôtre
À la merci de quelques effluves du Madiran
Leurs âmes s’égarèrent dans la fumée
Les soldats d’Ukraine.

Pesamment bedonnant
Le vrai chef de famille portant médaille
Ils ont imbibé d’eau de selz la voie romaine
À défaut d’ouvrir une source.

Nul ne permettait pareille incartade
Sabre au clair
La prégnance du désir comme stratégie suprême
Faisait foi.

Petchenègues de la pensée ardente
Sous la pluie battante
Ils ont préférés la tranchée boueuse
Au drone égrillard.

Nuée des versatilités de l’Esprit
La claire couleur de lait dans le blanc des yeux
Ils ont éparpillé les cauris
Comme grains de l’épi de riz.

À faire vivre la démesure
Dans les potentialités de l’Éveil
Ils ont laissé aux grandes oreilles
Le soin de guetter missile.

Au comble de la faim et du froid
Ils ont ourdi le geste de trop
Contre le lire et l’écoute des chants d’oiseaux
Les Égarés de la raspoutitsa.

Le cœur rouge confiture
En instance déplacé
Découpant le pavé en fine poésie
Nous ne cessons d’aligner nos blessures.

Le vrai sens de l’instant
Pris dans le chaos des choses
Est de sauter à pieds joints dans l’abîme
Avant que la badauderie du dimanche nous atteigne.

Maugréer puis se taire
Comme veut la discipline
Nous pousse par des rêves inopinés
Au cœur de la vie.

Quittant l’aire des contes féériques
À la gueuserie décapée
Reste le grenier de l’enfance
Avant que les mots à tous nous manquent.

1471

Tonsure sacramentelle

Tonsure sacramentelle
Dépouillement spiritualisé du paysage
Sentiment d’altitude
Sentiment d’élévation.

Cette forme pariétale
Ce rire vaginal d’un vieillard émoustillé
Une bamboche certaine
Dans le tohu-bohu du chevelu arborescent.

Occupé à répandre le rosacé saigneux
Aux jointures du mur
Est apparu hilarant
Le giclement baveux d'une falaise indentée.

Le Seigneur
Face contre face dans le monde cloîtré de la terre ferme
Avance entre deux nuées
À l’ouverture des frisures casuelles.

Brassées de soutaches bariolées
Se font se défont les petites marionnettes
Au village apparues
Dans le dévers du sentier.

Grimper le long de la casse pierreuse
Parmi les éboulis jusqu’au roc ferme
Cailloux croulant sous la semelle
À portée de l’excursion matinale.

Le reliquaire préserve le passé
Lieu où s’embobine l’échine du temps
Et goûter la liberté
Conjuguée à l’esprit d’aventure.

Point de portes secrètes
Si ce n’est l’impérieuse nécessité
De visiter les lieux
Pour rencontrer les vallons rétrécis d’une coulée verte.

Changement de vue
Pour un parcours se dérobant
Jusqu’à l’apparition finale
D’un pressentiment laissant le cœur battant.

Descente en ses alliances
Où la Folie siffle
Le prolongement en pointillés
De la fin de partie aboutie.

S’engager de belle manière
Dans quelques recoins simples
À emplir d’une inspiration délicieuse
Les ressauts de nos blessures d’antan.

Princesse aux yeux de chevreuil
Flotte par-dessus les bois
Cheveux fins et mains du matin calme
Où déposer le film de nos attentes.

1470

Pensée légère



Pensée légère
Sans y croire
Que les airs se démodent
Hormis les chants d’oiseaux.

Se permettre
D’affirmer le trait d’humour
Sur la terrasse de pierre
Hors la vastitude du jargon.


Point de réponse à apporter
L'allégresse est paradoxale
LQuand au soleil
Il est la bonne humeur de la journée à venir.

Attendre que cela perce
Prière élevée jusqu’aux cintres
Des poésies de l’âme
La main trahissant une inquiétude.

C’est beau ce fabuleux récit sous les pieds
Raclant d’une voix ordinaire
Le sens de la vie
Tant que la pelouse ondule.

Rien de plus étrange
Que le naufragé de l’éternel
Dont un simple geste
Approche le débris à quoi se raccrocher.

À deux l’absolu se partage
De toute façon on ne s’en servait pas
De ce carrelage aux angles vifs
Où renaître à chaque sortie d’école.

Sourire pour s’entendre dire
Que demain ça ira mieux
Que toute délicatesse est clé de voûte de l’infini
Quand la fontaine de la Hount persiste.

Les jours sont comptés
Le progrès impitoyable
Balaie le cliquetis inquiet du résistant
Dans le boqueteau mouillé de fièvre.

Par la fenêtre un rire
Une seconde que cela dure
Dans l’indifférence de tout un chacun
Au retour du marché.

Mésalliance du regard et de l’écriture
Où même de penser est sacrilège
Pour les moineaux friquet
Que la quête enflamme.

Un grand musicien viendrait jouer du piano
Fugue en bottes de clarté
Déambulant par la coursive
Soupir léger au port altier.

1469

Étrange phénomène

Etrange phénomène
De la colombe à la princesse
Que le vent interpelle
Le long des pentes sèches.

Tradition entendue
Tradition entretenue
Par les voix polyphoniques
Des familles aux gouffres profonds.

Vivre un épisode
Puis un autre
Pour s’entendre dire
Que nous avons été.

Les planches recouvrant la tranchée
Ont cédé
Pour un lendemain meilleur
Enjoindre l’âme à donner naissance.

Sortir de son sac quelque nourriture terrestre
En plein désert
Un plaisir à faire durer
Sans affection excessive.

Improvisons
Par reconduction tacite
Les termes du contrat
De surprise en rébellion.

S’ouvre sans s’en mêler
La voie des lieux
Aux vœux rapprochés
Près de l’arbre des primautés.

S’enfuient en pleurant
Les hommes aux cottes de maille brûlantes
Heureux d’avoir honoré par le meurtre
La pantalonnade des soupçons.

Regard à la vigueur épuisée
Les toutes dernières phrases
Singeront l’ensevelissement
Des terreurs humaines.

Aux portes du mystère
Il n’y a de brume
Que le rose aux joues
D’avoir vaincu la peur.

Heureuse fêlure
Pare-soleil des haillons de l’enfance
À grandes enjambées
Se destiner à paraître sans fioritures insensées.

Dans l’après du demain à venir
Manqueront à l’appel
Les rodomontades d’avoir été
Avant d’arriver à temps.

1468

La présence à ce qui s'advient