ficelle rouge au cou du porc mort

   Les langues lèchent l'estran
les nuages proposent la vie dispose 
au creux des vagues tristes
tinte la corne de brume .

Ficelle rouge au cou du porc mort
filent défilent
les rustres les éructants les monstres
les rebelles à l'esprit .

Aficionados d'un chant désopilant
ils organisent l'affliction au hasard des estaminets
montent l'effroi sur l'autel des sévices
ceux de l'ailleurs les pourvoyeurs de nausée .

Chantant l'abandon de la pensée
ils vont ils viennent
les jeunes gens aux cadavres exquis
les sans-lois à la foi obligée .

Passe la femme au visage offert
la vivante hors des cloîtres 
écarquillant de ses mains suppliantes
l'œil d'un soleil affligé .

Ne mâchons pas nos mots
soyons de fermes appuis
pour qu'aux rigoles de sang
succède une énergie verte .

Sortent à potron-minet
les rats de nos cités
les lucioles hésitantes
de nos rues désertées .

Le temps à rebrousse-nerfs effleure
d'une attention soutenue
les offenses éprouvées
au marécage des compromissions .

Relève-toi
émets le son claudiquant des pauvres gens
les damnés aux sans-dents 
que l'or noir désespère .

Sois le verbe sur l'écritoire communal
chauffe-toi au bois des sentences assassines
économise tes jeux et tes pommades
sors au grand jour et dis que l'homme est grand .

Invective les demeurants
sois le fiel des seigneurs de l'esprit
creuse la tombe des accaparés de la forme
passe ton chemin devant l'illusion .

Et revient à l'oreille nous dire
que la vie est désir
sur un air de guitare
en mal d'amour le muguet au revers .

Afin que vogue le bateau de papier
au bassin des Tuileries
un soir de décembre
sur l'océan des vérités .

Enfant que nous sommes
enfant que nous avons été
pour nos enfants de toujours
soyons le sel et le miel de la Terre .


248

la lumière en robe de satin

      La lumière en robe de satin  
fleurs frémissantes  
consume à petits jets de brume  
le vertige finissant d'une journée d'automne .  

La page tournée  
reflète au marbre du passé  
le soucis trop fois béni  
d'un manquement à l'oubli .  

S'émarge le creux des paumes sèches  
en caresses douces   
sur le rugueux de l'arbre  
poitrail découvert  
éclatée d'une ombrelle  
convergeant au gré des vents  
vers l'aube de riz ourlée .  

Il est des mésanges à tête charbonnière  
aux pépiements crépitants  
sans que se lève la ridelle   
du char des fêtes de mariage .  

Toute romance est perle rare  
tout sourire aux prises d'un rai de soleil   
se retire la nuit  
au cri du crapaud accoucheur .  

Menuet de roses éparses  
s'ébrouent les coquillages  
de tendres processions  
aux extases consommées .  


247

en captation de soi

 Reflux de la mer   
avant un dernier saut   
le béton se fissure   
claquent les veines de verre   
sous la griffe salée   
les ferrures gémissent   
les oyats divaguent   
ce que racontent les marins   
aux temps lointains des terre-neuvas   
morsures d'un froid tenace   
le vent arrache les arbres   
les boues emplissent les fossés   
les barges se soulèvent   
les bouées volent   
en gerbes d'écume   
le long de l'estran   
les vagues claquent la digue   
les lisses brinqueballent   
le sable emplit le moindre trou   
le ciel se fait tohu-bohu   
en cette feinte d'estoc   
les mouettes  pirouettent   
au profond du blockhaus   
la nausée aux lèvres   
un cri   
inouï   
de silence   
les heures sont bulles de savon   
cavalcade effrénée   
les chevaux caracolent   
les galets fricassent   
en surplomb du bastingage   
corrigeant d'un trait de plume   
l'œil des souvenances   
l'ombre se fait surface   
les creux emplissent de leurs suçons de vase   
les plate-bandes de la plage   
naissent brisures de terre   
les crocs de la bête   
écarlate en son outrance   
recroquevillée et mal aimée   
sale et refoulée   
rebelle et courroucée   
exposée aux quatre vents   
n'étant plus que souffle   
une charogne   
la plaie offerte   
en bordure de bocage   
aux nervures fossiles   
roulent les tambours   
craquent les lucioles   
sous le talon    
rempart contre le bitume effondré   
l'amertume   
d'alternances noires et blanches   
en captation de soi   
la mort dans l'âme .   

246

De part et d’autre à l’avenant

De part et d'autre
à l'avenant
d'un participe présent
je fais mien
le " qu'en dira-t-on "
des choses de l'esprit 
mais sans nuire à autrui .
 
D'autre part 
je racle les fonds de casserole
en crédence je pose mon vertige
sur le pas des portes
j'argumente en ronds de jambe .
 
Je maugrée
parfois
sans l'ombre d'un doute
mais choisis mes flèches pour qui de droit
à l'envers des atermoiements .
 
Passé le moment de dire
je crêpe de noir la nature bafouée
je frissonne sous l'averse
et fausse compagnie
pour dire peu
avec peu de traces
afin de pas rouiller l'avenir .
 
Que dirait-on de moi
à mi-mots des choses encerclées
au carrefour des timbres millésimés
si je m'offrais 
en cadence accélérée
au miroir du pas de l'oie .
 
" Passez votre chemin , y'a rien à voir " .
 
Et si  revenant en arrière 
l'homme qui pense s'inscrit dans la romance
il y aurait sur le linteau de ma fermette 
ces mots de glaise , ces mots d'amour :
 
" Arrêtez-vous , prenez votre temps ,
y'a tout à voir , entrez dans ma caverne
cruche oreille et Saint Esprit de mon ventre en poésie
rebellez-vous
tapez du poing
apostrophez le patron
mais jamais , ô jamais ,
ne manquez l'écoute du verbiage des souris du lieu " .
245

promenade en vérité

 Un cirque de montagne
 avec devant soi le déploiement de son histoire .

 De perplexité en désarroi
 demeure le vague à l'âme .

 Une maladie du corps à corps
 avec en dérobade
 cette habitude de ne rien voir .

 Les hauts sapins inaccessibles à la tronçonneuse
 greffent le musc des mouflons
 sur la sente parcourue 
 d'un matin bitumineux .

 Je sais que guérir n'est pas chose facile ,
 que guérir le mal par la source
 est semé d'embûches .

 Nous risquons alors de surseoir aux erreurs grossières
 pour en révéler d'autres plus insidieuses .

 Il est des perspectives sans issue
 que le charme d'une idée baladeuse séduit ,
 et rend propre à la consommation du chercheur 
 plus apte à cueillir la fleur qu'à la laisser grandir.
 
 Le creux de ma main recèle en 
ces jours de deuil
 les perles de rosée d'aujourd'hui ;
 transformation où les gouttes d'eau clapotent 
sur la houppelande du berger .

 Accéder à l'illimité de sa vision
 oblige à l'arrêt devant ses propres limites .

 Il est préférable de rechercher ses défauts
 à petits coups d'intelligence soyeuse
 que d'exploser le cadenas 
 des choses invisibles ,
 qui seront éternellement voilées .

 Le défait d'un lit se mire dans un ciel de traîne ,
 à reculons des plaisirs mondains .

 Sur le sentier de cailloux , de végétaux 
 et de   flaques d'eau mêlés ;
 dans la fraîcheur généreuse du sous-bois ,
 j'avançai  ...
 quand soudain des branches craquèrent ,
 des pierres roulèrent ,
 le temps balbutia ,
 une odeur de suint mouillé s'éleva ;
 l'ours dévalait la pente ...
 fuyant tel un bulldozer saccageant 
 un champ de maïs .
 J'étais cloué sous séquestre .

 Le séducteur de l'Invisible mettait bas
 ce qui lui restait d'intention .

 Alors passèrent les diablotins de l'orgueil, 
 de l'envie, de la cupidité ,
 puis celui du désir secret de faire partie 
des puissants , 
 puis encore celui de la volonté 
 d'être reconnu , de dominer ,
 de discourir sur les connaissances subtiles 
 et élevées ,
 afin de pouvoir transmettre 
 nos savoirs accumulés , à qui de droit , 
 nos enfants aveuglés .

 La procession n'en finissait pas ,
 les gémissements d'êtres blessés
 courbés sous leurs hardes déchirées
 accouraient des quatre coins de la forêt
 vers le corps et le sang de la régénération .

 Vision une et ultime .

 Pleurent nos ancêtres
 au creux des souvenirs éteints .

 Le souffle apocalyptique
 abat les temples .

 La soupe des origines
 agrège de prime manière les accords 
d'une musique légère .

 Nouvelle forme que prennent les atomes 
dans leur bain de lumière .

 La Vérité est au-delà de toi-même .
 Elle attend ,
 inouïe dans son principe ,
 et c'est elle qui te guide .


 244 

Le Cœur-Cri du Colibri

Dis ce que dit l'ami   
mon allié des frayeurs et des rebellions   
Souffle   
lèvres contre lèvres    
la parole phylactère   
montre de ses mains généreuses   
les portes qui s'ouvrent .   

Ne t'étonne pas   
il fait jour   
les oiseaux grésillent sous le soleil naissant   
nul autre ne saurait abandonner   
cet envol nourricier   
hors de toi-même .   

Laisse monter la sève   
du profond de tes racines   
échange la coupe de vin jusqu'à l'ivresse   
nous délivrant de la raison .
  
Saisis le talisman   
sans poser de questions   
resserre tes doigts   
sur le cou du démon   
sans le quitter des yeux .   

N'est-ce-pas cet espace   
d'entre les êtres   
espace des âmes en voyage   
que toute chose éphémère   
requiert 
à qui sourit
le cœur-cri du colibri .   


242

A beaumont sur un poney blond

Beaumont sur un poney blond
j'ai épelé ton nom
ma sœur des eaux tumultueuses
reverdie sous le trait lumineux
des montées en vertige .

Variante passagère
sur le piano des auréoles
ton songe et ta neige mêlés
aux arêtes travesties de nos ancêtres
m'ont fait carène fière sur les flots amers .

Feuilles maternelles
époque mensongère
vous vous êtes épuisés
en caresses lentes
sur un tas de carcasses embouties .

Pleure ma fleur
souffle le silence
sur le crépon de nos plaies
l'avenir en signe de reflet
mon amour
ma force
mon humilité .


239

des mots sous le regard des échoppes fermées

 Des mots sous le regard des échoppes fermées   
tels des hirondelles sur un fil de départ   
silence de l'homme qui se tient aux limites du territoire   
proférant d'illusoires mirages   
messages bravaches   
collusion d'avec le désert .   

Les mots   
ces enveloppes émettrices   
ces orgues guerrières   
en passe de devenir ombres de la lumière   
sont le creux d'un vallon pour l'enfant recroquevillé de douleur .  
 
Les mots profèrent le sens   
chez les cœurs éveillés   
que le temps éparpillent    
pour   
les jours ensoleillés   
détruire les idoles extérieures .   

Les mots de paix   
sont la semence de l'arbre de nos attentes   
dont les branches s'élèvent jusqu'au ciel de l'âme   
ces bras que mes nuits appellent   
dans ma disposition à te recevoir    
intime au plus profond de moi .
  
Ô toi mon ami mon secret   
que de signes ai-je rassemblés   
pour toi   
faits de cire molle, de matière putrescible, de rage enamourée   
à en faire saigner les nuages du doute   
Ô mon ami   
ils furent paroles de sage   
un grand mystère devenu puits de science    
la calme contemplation de la finitude .   


240

la sincérité, un envol vers soi

   Il est un secret   
aux marches de l'illusion   
dans l'ombre cristalline d'une source   
oblique errance   
que nul ange ou démon ne pourrait altérer   
mémoire immémoriale   
hors les murs   
des collégialités de la peur .   

La sincérité ,   
un envol vers soi ,   
un envol vers le vrai ,   
le vrai de la grâce   
ne cherchant pas l'embellissement   
dans une énergie à contre-courant .   

La source au cœur des ténèbres est vérité .   
Débarquons à pleines bennes les images de soi ,   
faisons se lever l'étrange spectacle   
de l'homme initié par son ombre .  
 
Aux eaux de l'esprit point d'accoutumance ,   
rien que les vestiges d'une sagesse ancienne    
à l'aube des commencements .   

Dans la farandole des illusions reste le noyau des origines .   
Tourner sans hâte   
la meule de l'esprit   
entrer en collision avec soi-même   
et partir en voyage ,   
hors voile   
vers les portes    
où l'homme ne vivrait plus de son image .
  
Aimer les créatures hors de soi .
  
Articuler la vérité avec le cœur .   

Ton âme ne sera plus divisée ,   
œuvres et paroles formant l'unique .   

Hors du théâtre d'ombres   
la vie n'est pas spectacle ,   
elle est aventure   
à celui qui sort de la caverne du cyclope .  
 
Le secret de la sincérité insuffle   
la vie aux œuvres et aux formes .  
 

241

La voie au plus proche de soi

œuvre de Sylvain GERARD
   Trop souvent , entend-on , que :
 " Suivre la Voie, le rêve d'être humain, de
pouvoir redresser la sinuosité du cœur est
intention essentielle . Et pour cela ne faut-il
pas partir, s'extraire des chaînes du monde " .

Cela est fausseté !

Là n'est point la vie ,
partir c'est éviter la recherche de la Vérité .
Les chaînes n'existent qu'en soi-même .

Plutôt que d'être attiré par des mirages
extérieurs, 
protège-toi de tes propres ruses .

Cesse de te réfugier derrière une fausse
humilité .

Jette-toi dans l'océan de la providence .

Préfère ce que tu ignores , ignore ce que tu
connais.

Ne crains pas l'inconnu .

La Vérité n'est pas voilée .

Ce sont tes yeux qui portent voile .

Tes yeux ,
des voiles que tu dois ouvrir .

Le sage , lui , rompt d'avec ses habitudes .

Les miracles du monde sont d'une effarante
pureté ,
la seule voie est la rectitude intérieure .

La lumière en bout de corridor ,
l'ultime de la voie ,
un au-delà au plus proche de soi.


243

La présence à ce qui s'advient