Petite main tendue

 Petite main tendue
 Se leva vers les cieux
 Pour capter le nuage errant
 Sans s'affubler du passé
 Sans les pleurs de l'arbre aux fines écorchures
 Sans le pas menu du chevreuil sur la feuille sèche .

 Puis , 
 Devenu cornemuse
 De ses doigts de fée
 Laissa passer
 La moelle d'un son
 Frappant de son aile
 Le paralytique de la relation .

 Mirliton de mes pensées
 Face à la haine
 L'amour et la foi se rejoignent
 Joie dépouillée
 De toute définition
 Entre doute et fidélité
 D'une intense émotion
  À parcourir le chemin intérieur .

 Ne me transformez pas en porte battante
 Qui s'ouvre et se ferme à tout va
 Alors que le temps presse de séparer le subtil de l'éther
 Avant de bénir ses enfants  .

 Ayez confiance
 Au parapet des circonstances
 Le visage de sortie d'holocauste
 Reflète un bonheur 
 Grandeur du feu essentiel
 Sauveur de l'oubli de soi
 Sauveur de la confusion d'avec soi .


 258 

Pirouette de la lettre

 Pirouette de la lettre
  À l'arrivée de celle qui ne vint pas
 Aux commémorations des mots mordus par la dent principielle
 Aux safran sachant chasser les vents mauvais
 Aux callunes courbées sur la lande de l'enfance
 Aux fresques enrubannées
 Que dis-je ?
 Si je ne fabrique l'au-delà
 Que fais-je alors de si parcimonieux
 En ballerines de tendresse
 Aux creux des vagues amoureuses
 À se fâcher avec la bête
 À s'élever au matin gracieux
 Par dessus l'hypertexte des attentes clamées
 En chasse-patates derrière le peloton moutonnier
 J'erre en carême d'Être
 Et produis le déficit
 Estuaire frémissant
 D'un mascaret de circonstance
 Au marquage des dauphins
 En vacance du tout venant
 En acceptation du tout venu
 Griffant d'un ongle acéré
 Sur l'orgue basaltique
 Les errances parcheminées
 Ces questions froides 
 En avidité de connaître
 Au désespoir d'avoir connu
 Le simple effet d'un son
 Au point chantre de l'église
 Ma jungle
 Mon Guernica des causes perdues
 Ma vaillance
 Ma basilique Saint-Ferjeux
 Mon enfant de terre et de ciel
 Unique élan du savetier
 Près de sa galoche centuriale
 À décrépir les monts et merveilles
 D'un horizon éloigné
  À force de rames
 Sur la mer Morte
 Et de coups de menton
 Contre le mur des lamentations .


 257 

Chromosomes farfadets de l’aube

 Chromosomes
 Farfadets de l'aube
 Alter ego s'évertuant
 À caresser de leurs os
 Les murailles lasses
 De nos châteaux endormis .

 L'asphodèle se mêle
 Fanges et végétations ourdies
 Aux luxures de l'esprit
 Fenêtres ouvertes
 En pâmoison d'Etre
 Mon âme , ma tristesse .
 
Echancrées
 De moellons parcimonieux
 Montent des tours barbares
 L'énuclage des ouvertures
 Gémissements se prolongeant
 Aux flexures du temps .

 Raison dernière
 Des contes de la mère l'Oye
 S'écroule l'orgue
 Des vestiges blasonnés
 Fêlure matricielle 
 Au centre du baldaquin .

 Mémoire ma mie
 Recouvre de voix hilares
 Au déplié de l'écho
 La chaste offrande
 De nos lézardes pantelantes
 Ma peau mon unique .

 Cliquetis de l'enfance disparue 
 Craque la chaîne générationnelle
 En ses espoirs ses projets
 Ces jets de pierres
 Contre l'histoire
 Aux maillons rouillés .

 Sage est notre contrée
 Alourdie de forêts profondes
 Sous l'échauguette
 Te souviens-tu
 De la douceur des soirs de moisson
 Ma bien-aimée .

 Les dalles soulevées
 Apparaissent
 Rosissante rosace du néflier roi
 Prudent propagandiste
 Des fruits offerts
 Au meilleur d'entre nous . .

 Projetant d'ombre en ombre
 L'épée de lumière
 Dans l'imbroglio des poutres enchevêtrées
 D'avec les murs pantelants
 Les oiseaux piaillent 
 Sous les effluve d'une pluie odorante .

 Nuits sanguinaires
 Entre nous traversées
 Les parures s'écaillent
 Par delà le zeste d'une frise 
 Ma main contre ta joue
 Ma pomme d'été .

 C'est par l'allée 
 Que nous sommes arrivés
 Entre les arbres encorbellés
 Le pied léger
 Le menton en godille
 Nous les danseurs d'une passacaille .
 
 ( Photo de Bernard Lépinay ) 

 256 

Toute échancrure mérite ramage

 Toute échancrure mérite ramage   
 des doigts de chanvre
 écarquillent la paille de remplissage
 ainsi va le linéament des permissivités .

 Auguste admonestation
 faite d'une haute chaire
 coloriée par de petits enfants
 ainsi vont les pastoureaux .

 Assise à l'écart
 en réception de l'indicible
 la Merveille pleure son sautoir
 égaré au labyrinthe des mots .

 Les chants suivent les andantes
 au statut anomique
 ombres du siècle
 parcourant le gravier dominical .

 S'élèvent puis s'abaissent 
 les facondes , signes et lèvres
 le doigt posé sur l'icône
 au gré des allégories psalmodiées .

 D'un côté montent les connaissants
 de l'autre atterrissent les vivants
 conduites de l'esprit
 sujettes aux occasions de croissance .

 Filtre à la croisée du transept
 en relation du cœur brisé
 ce puissant désir d'aimer et d'être aimé
 en accomplissement du grand saut promis .


 255 

Passent les errants de la cause ontologique

 Passent les errants de la cause ontologique
 le long de la longère aux pierres blanches
 s'arrêtent , se saluent , puis se quittent
 certains portent sac à dos
 d'autres traînent la roulette
 au soleil point de plantes aux feuilles ternies .

 Il n'est de passage
 que l'entre-deux des fleurs des champs
 en trilogie
 marguerites , coquelicots et bleuets
 près du fossé où poule blanche morte
 dans un reste d'eau
 attendre la dent du renard .

 Bleu est le ciel
 aux tulipes de sang
 une femme boit son thé 
 à petites lampées
 sans que luisent
 sous le reflet de lune 
 les doigts de Viviane .

 Creuse l'errance
 des chaises en plastique blanc 
 au hasard d'un entretien sollicité
 sur la pelouse douce 
 piquetée du roussi des feuilles mortes.

 Faut-il qu'il m'en souvienne
 de rendre hommage
 à ce qui nous est donné
 mon âme
 mon autre vie
 ma romance .


 254 

Le nouvel être

 Ce mur de sable durci  
d'une luminosité déliquescente  
aux ridules enchevêtrées  
cachant une ville entière  
et je suis à ses pieds  
ombre sans corps  
inscrit dans l'instant .  

Tout autour de moi  
un paysage désolé  
pas de végétation  
la terre à nu  
des roches éclatées  
une lumière sans relief .  

L'horizon troublé  
un sfumato de Léonard de Vinci  
sans codicille  
rien de repérable  
rien ne sachant rassurer l'œil
d'avant la catastrophe .  

Je suis seul  
point de vie alentour  
pas de vent  
un souffle rauque en continu  
au loin  
le bruit d'une foule en marche .  

La bête est là  
immense derrière moi  
et je suis comme anéanti  
devant elle .  

Elle passe sa main sur ma tête  
je n'ai plus de cheveux  
ses doigts sur mon visage  
et je n'ai plus de visage .  

Irradié  
je suis anéanti   
et néanmoins toujours en vie  
et me montre à la tombée du jour  
me nourrissant de débris alimentaires  
tombés du haut du mur .  

Ai-je été rejeté ?  
Suis-je définitivement écarté de la cité ?  
Une trappe ne va-t-elle pas s'ouvrir  
au détour d'un rocher  
et cet être énigmatique m'enjoindra-t-il de le suivre ?  
Je le suivrai  
dans le labyrinthe  
éclairé par une lumière venue de nulle part .  

Hâtant le pas
je trébucherai sur les aspérités du sol  
craignant de le perdre de vue .  

Longtemps très longtemps  
nous avons marché  
le long des collines renouvelées  
sans cesse  
telles des vagues de dunes  
pour au détour 
percevoir la cité des élus  
son enceinte d'acier  
luisante sur son promontoire  
par dessus la plaine ourlée d'un crépuscule .
 
Mon amour !  
ne retiens pas tes larmes, 
pleurons .
 
" Tu sais  
c'était le temps passé  
et maintenant il y a l'enfant,
le Nouvel Etre . "  


253

Au feutré de l’imagination

 Assagi, cage ouverte
de ma poche tombe le petit carnet, page ouverte .

Au feutré de l'imagination
au lendemain d'un train retardé
à la vaillance d'idées à transmettre
au déclenchement d'une oeuvre .

Lorsque définitivement entré en rébellion
s'inscrire dans la différence
sans presser le pas
de petit boulot en petit boulot .

Et qu'en réponse
à court de souffle
enchanter de traces convenues
une poignée d'oreilles disertes .

Cette plaine implicite et lointaine
faite de faim et d'épuisement
sans nous ôter la vie nous plonge en dépendance .

Devenons l'être humain
contre les démons de la permanence
aptes à faire irruption et se déchaîner
dès confiance revenue .

Outre l'enfermement dans la démesure
au bord du gouffre de la démence , dansent
l'ennui , la nausée , le marasme , la réitération
toutes bestioles endimanchant la conscience .

Soyons la bonne pensée
en liant l'épreuve nommée 
son processus reconnu avec l'émotion suscitée par l'ouverture .

Hors de l'enchevêtrement des chemins de traverse
évitons le doux chant crépusculaire
sortons de la cage des quolibets
soyons les enfants de l'huîtrier au long bec .


252

Des tensions viennent

 Des tensions viennent  
 d'éléments émotionnels  
 la chape de béton  
 écrase l'épi de blé.  

 Des tensions viennent  
 des nouvelles réalités  
 au creux des vagues  
 une mousse superbe.  

 Des tensions viennent  
 au plus profond de soi  
 un appel  
 à davantage d'égards.  

 Des tensions viennent  
 lors des cycles de la nature  
 une fraîche nuée  
 témoigne des migrations.  

 Des tensions viennent  
 quant à s'entourer d'amis  
 ne constitue que le germe  
 de la mal-gouvernance.  

 Des tensions viennent  
 quand les barrières du cœur  
 cèdent et déversent  
 l'absurde  et l'indifférence.  

 Accueillons ces tensions  
 qu'elles prennent place  
 ces chevaux du désordre 
 venus du styx.   
  
 Tendons la nappe  
 sur la table des fêtes  
 couronnons de vrais instruments économiques  
 le fourmillement productif.
  
 Soyons la mèche  
 de la rencontre des uns avec les autres  
 en sagesse  
 soyons le grand livre des continuités.  

 Soyons l'appel  
 le regard ouvré  
 l'impossible devenu possible 
 le mariage de nos dispositions profondes.  

 Soyons de traces et de lumière  
 en atteinte de nos buts  
 la juste quotité disponible  
 à notre vie quotidienne.  


 251 

Je coupe l’herbe et le feu

 Mon corps s'effrite à mesure   
 des pastilles de lumière   
 effaçant la fin du parcours.   
   
 Je crois aux ficelles de l'immatériel    
 je me maintiens.      

 J'engrange trotte-menu   
 les noisettes , les amandes et les baies   
 dans les forêts de l'esprit. 
    
 J'accueille sourires et remuements de lèvres   
 Je fais de tendres rencontres   
 un collier qui se voit la nuit autour du cou.   
   
 Je coupe l'herbe et le feu   
 d'une caresse de cœur et d'âme   
 la merveille en pendentif   
 je calme les intempestifs   
 et nourris les vautours.   
   
 Je suis concerné par une filiation   
 moi le maillon d'entre les berges   
 j'observe l'inconcevable oubli   
 des paradoxes et des mythes.  
    
 Ma vie est capacité à croire   
 en l'être supérieur   
 sans que le jour s'adjoigne.   
   
 Devant les pensées timorées   
 je propose la subversion radicale   
 en singulière intimité avec les persécutés.   
   
 Il n'est de message pertinent   
 que renvoyé à sa libre décision   
 pour peu que le démineur opère.    
  
 Le marché du dimanche n'a plus cours   
 les étals remisés    
 entre les trognons de choux-fleurs   
 demeure l'eau vive du nettoyage.  
      
 La page est tournée   
 précautionneusement nous montons   
 au petit matin    
 frère Soleil   
 dans la gerbe des instincts   
 vers le vif éclat de la métamorphose. 

     
 250 

j’avance et je crois





 Se mirent à l'écart
les chansons de nos grand'mères
aux limites stériles n'existent que la limite
hors des basses œuvres de la déréliction
un chien même ne trouverait pas à redire .

Il avance et croise
fente mobile devant le chemin 
qui défile
illusoire projection des ondées
du pourquoi de l'infini .

Cachée recluse dans l'ombre
une personne future personne
au gré de l'inexorable
accaparée et bruissante de vie
se pourvoit creuse sous les regards .

Elle poudroie et s'assume
masselotte du désir de possession
heurtant l'amuse-gueule
d'une lucidité tragique
au char de l'humanité  .


249

La présence à ce qui s'advient