Tous les articles par Gael GERARD

Voie libre

M'oblige et me contraint   
cette force du dessus   
à couvrir de ses réalisations   
l'abouti de l'ici et maintenant.      
 
M'agrègent terre à terre   
les solidarités et arpèges   
musique d'antan   
celle des ventres fumants.      
 
Pour plus de générosités   
me suis mis sur mon 31   
moi le craintif des conflits   
essence même de la société.      
 
Entre l'ordre et le mouvement   
en pointe toutes   
j'ai rivalisé d'analyses   
sans tomber dans le cauchemar.      
 
Les rails se sont rejoints   
vers la forme blanche du destin   
en passant par la Lorraine   
sans sabots ni dondaine.      
 
Marche à l'ombre des peupliers bruissants   
calme l'émoi des choses pures   
pour sagesse des contes d'autrefois   
évoquer déchirures à colmater.      
 
Ploie et me désire   
rose sans pourquoi   
à même la vie éternelle   
parsemer d'étoiles le ciel de notre ignorance.      
 
( Peinture de Frédérique Lemarchand )
 

1049

La poésie c’est tout

La poésie claque les é et les i   
sur le présent   
à pleines dents de ce qui est   
à portée de sens   
à portée de fusil   
tirée en rafales    
sur les cibles de l'imaginaire.      
 
Le poète farfouille   
farfadet de l'instant   
sur la terre noire   
des occupations malodorantes   
d'envahisseurs qui sur le tard   
ont amené le char à voile   
sur les plages du débarquement.      
 
Le poète ne rêve plus au grand soir   
il enquille les étoiles   
à la lueur de l'aube   
pour battre campagne   
avec les problèmes du jour   
la douleur des disparitions   
et faire chansons du mal-aimé.      
 
Parfois le poète range ses outrances   
pour se faire à l'idée qu'il n'y a rien à faire   
qu'on ne commande à la nature   
qu'en lui obéissant   
et qu'à tout casser   
cors et trompettes valent mieux   
que le silence des agneaux.      
 
Brave poète   
plein d'assurance d'être par ailleurs   
aigle maraudant en montagne   
fouilleur de la vie   
fomenteur de querelles entre le vent et l'âme   
abandonneur des tourniquets de l'instinct   
pour devenir passant discret du sans-souci.      
 
 
1048

La nurserie

Pomme séquoia   
devant la nurserie   
avons bu le thé   
au bas des escaliers.     
 
Phil et Mich   
tout auréolés par la bifurcation   
devant la lune   
le chêne avait ses druides.      
 
Quant à la haie du jardin   
se sont pressés les impétrants    
devant les verdures arborescentes   
des tableaux de Michel.      
 
Les candélabres allumés   
dans un ciel plein de sortilèges   
une odeur de chair brûlée   
au message inaudible.      
 
Un paysage un vrai   
pour le repos de nos yeux   
avec le rire de Dieu ou des hommes   
dans un linceul cousu aux deux bouts.      
 

1047


Petit bonhomme

Formellement recroquevillé   
dans l'allée centrale   
pour un aller simple   
sans affectation particulière.   
 
Il relevait de la parodie   
en mettant bas l'enfant lion   
moment carnassier   
de l'instinct en reproduction.      
 
Il s'en été aller   
LUI le petit bonhomme   
avec ses roues caoutchoutées   
sur la plaie béante de la vague.      
 
Plus de petit bonhomme   
la vie l'a happé   
et sa mémoire   
reconstruit l'ordre du passé.      
 
Un corps avec son sexe   
et le tour est joué   
pour un détour par la grand roue   
d'une aventure sans métaphore.      
 
Point d'exigence morale   
à la portée d'un couteau de cuisine   
il a tranché le hasard   
qui l'avait fait naître.      
 
Tout est histoire   
de l'écriture au souvenir   
les pas lents du poète   
retrouvent les sensations intimes.      
 
D'une honte l'autre   
le plus effrayant est de se croire seul   
quand on ne marche pas verticalement   
et que l'on pense vivre par images.       
 
Le premier choc passé   
pourquoi ne pas avoir demandé   
la Forme raisonnable   
de ne pas avoir été là.      
 
Dégager le trop plein   
fermer la porte du cabanon   
trouver sa place   
cette crainte de ne plus parvenir à écrire.      
 
Et si l'âme rencontrait le corps   
sera-t-elle encore le ciel de lit   
du livre d'heures   
des pensées endormies.      
 
Il faut de l'ordre   
et du désordre   
pour faire politique de contestation 
de ce qui est.      
 
Là, je ne peux pas faire mieux   
qu'être juste, là   
en acceptation de ma venue au monde   
alors que je ne cesse d'avoir un soleil dans le ventre.     
 
Se sauver   
traverser les générations   
porte Forme   
sans trace du Souffle.      
 
C'est que je devais être destiné   
d'aller jusqu'au bout   
mû par le désir   
de dire certaines choses.      
 
La rupture brutale d'avec le monde   
permet la sophistication   
élan discipliné   
pour une quête orphique.       
 
Je crois au hasard   
mais à celui de ce qu'on en fait   
afin que le reste vienne   
de surcroît.      
 
Les mots seuls   
peuvent convaincre la mémoire   
d'être le scandale   
à faire avancer les choses.      
 
Des éléments saillants   
font signes pour la liberté   
de retrancher la gens humaine   
après tant d'années passées à fuir.      
 
Vivre   
c'est mourir un peu   
quand les mots retrouvent   
la reconstruction vécue du passé.      
 
Je cède place   
à qui saura me dire   
qu'il vient de loin   
porter la parole interdite.      
 
 
1046
 

Enchevêtrement

Le monde de la nuit   
au tic tac de l'horloge   
draine le cœur   
des acouphènes   
paraphant les doutes et douleurs   
du pauvre laboureur   
dans un imbroglio de connections      
à dépouiller le son du dessous   
pour grapher le son du dessus.      
 
De ce monde inventorié   
au Guinness de l'art minimal   
subsiste en ouverture  
la présence des rêves   
brouillés par la clameur des bavardages   
aux vestes brunes de l'esprit   
enrubannées des satisfécits   
de la distribution des prix   
du temps de Jean-Baptiste.      
 
Il y avait    
la mer se retirant   
sur le sable   
les tresses de cheveux des tondues   
crinière chevaline   
disparue dans la déferlante    
au contact de l'air et des surgeons de l'éther   
rassemblés moitié mystère   
moitié perle sombre des écueils.         
 
Au levant le rose pointait    
d'une odeur d'algues vertes    
effet de langage   
tendant sa bouche pleine   
de bulles de méthane   
au raz des cabines de bain    
lors dérivait à l'horizon   
le véliplanchiste criant au loup   
devant la vague sublime.      
 
Lui répondaient   
les coups de sifflet de la sécurité   
histrions présumés de la Relève    
perpétuant aux portes de la cité   
la peur des envahisseurs   
clique claquant de leurs bottes ferrées   
les pavés humides des ruelles sombres   
aux odeurs pestilentielles   
à couper la gorge du sans masque.      
 
Pas loin de là   
sous les dorures de la raison   
en proie aux impatiences de l'attente   
Petit Pierre guettait   
les dernières palpitations de la bougie   
compagne des veilles tardives   
passées à tordre le cou des insanités de l'oubli   
hommage rendu à celui qui à fond de calle    
chérissait le petit caillou blanc de blanc.      
 
 
1045


Le Don de la Vie

J'ai baillé   
sans me la bailler belle   
là   
en cet instant d'après l'effort   
se trouver dans le Rien   
entre ciel et terre   
à contempler l'entre-deux   
entre l'avant et l'après   
cette pleine disponibilité à Soi   
en train de se faire   
mais pas encore
dans l'interstice de la vacuité   
sensible au Souffle   
face à l'inconnu, à l'innommable, à l'irreprésentable   
face au silencieux, à l'ombre, à la claire lumière   
cette approche de ce qui fait tourner le moteur   
au Don de la Vie   
entrer en Relation avec la Réalité   
cette Présence de l'entièreté   
de la montagne au coucher du soleil   
tout autant que celle du Visage de l'Autre   
non réductible à soi   
mais qui me projette dans l'Ailleurs   
dans cette Présence qui m'accompagne.      
 

1044

Balafres à tous les étages

Je suis fait d'os et de chair  
pour commettre soleil allaitant 
l'exploit de narrer
la douce illusion d'avoir vécu.      
 
Au fil ardent    
des filets jetés à l'encan   
ramenâmes sur la berge   
les sphaignes sèches de l'entendement.      
 
Des pages écrites   
dégageâmes sans soucis   
les perles de Sisyphe   
du cagnard des circonstances.      
 
Tard le soir   
avions gobé une à une   
les sucreries de la raison   
convaincus que le pire était à venir.      
 
Balafres à tous les étages   
le fer et le feu faisant rage   
cueillîmes les plantes premières
pour brillances nouvelles apparaître.   
 
Brûlures extrêmes 
au pandémonium des afflictions 
sous la véranda aux voiles d'aube fine 
déchirées par le vent du désert.

~ obsolescence aboutie.
 
 ( Dessin de Jean-Claude Guerrero )


1043
 

Fildefériste

Fildefériste de la voie étroite   
ma joie demeure   
petite boule de plumes   
au creux des mains   
les escaliers de la honte   
n'en finiront-ils pas
sous ce ciel de feu et de cendre   
de babéliser et se plaindre   
qu'après Pâques   
la longue année à construire   
comme fissure dans le mur de terre crue   
laissera paraître sourire en plein vent.      
 
Avec son ventre rebondi   
il se vautrait   
et ahanait de sueur et de grognements mêlés   
pendant qu'au paradis des horloges à balancier   
les soldats de la mauvaise heure   
étaient rendus aux familles   
à jamais écrasées de douleurs    
dans ces cercueils de bois blond   
telles boites à chaussures   
de photos ressorties en tremblant   
distribuant les souvenirs du temps d'avant   
hors le fléau des ordures de la guerre.      
 
A se mouvoir en silence   
à déplorer en pleurant   
la présence écrasée et perdue  
quand le petit faisait ses dents   
que les anciens frappaient en cadence   
leurs canes sans bout de caoutchouc   
sur les dalles d'ardoise   
sous le nez du bout de chou   
à la deux à la trois   
croix de bois croix de fer   
quand l'ennemi passera   
fermerons lumière et poste de radio.      
 
 ( Dessin de Jean-Claude Guerrero )


1042

Le matin pas encore là

Le matin pas encore là   
fait le malin   
comme de bien entendu   
derrière le tilleul   
dorment les gens de bien   
avant l'arrivée des merles tapageurs   
de leurs trilles rouges forge   
essayant d'éclabousser la coulée du silence   
qui sera mienne   
main dans la main   
avec les enfants
émergeant d'un passé pas loin du tout   
à la corolle fraîche    
de tant de bienfaits   
sitôt porte grinçante ouverte   
sur l'autel basaltique   
élever l'offrande en fin de partie   
alors que se bousculaient   
babil des poules mécontentes   
s'éparpillant devant la sortie   
des vaches de l'écurie   
Mareuille en tête   
bousant à qui mieux mieux   
sur les pierres rondes de la cour   
sermonnées en cela   
par Riquette aux jappements de lumière.      
 
 
1041


Roulent les émotions

Roulent les émotions   
sur la route des vacances
quand sautent les bouchons.         
 
Depuis le commencement elle était là   
l'immense obscurité   
à la barbe humide de varechs.      
 
Elle avançait   
comme un battement de cœur sourd et lent   
en ne pouvant faire que ça.      
 
Et ça prenait des années   
là où elle avait été   
à l'ombre des citronniers.       
 
Le temps des bordures horlogères   
clignait de leurs étoiles   
comme on fume un pétard.      
 
Sans us ni coutumes   
les lambeaux de papier peint   
faisaient sonner leurs clochettes.      
 
Graffitis de mes nuits   
scotchés sur les murs de la cité   
les ronds de jambe en plus.      
 
Confettis de lumière plein les yeux   
les mains croisées sur le ventre   
attendre les mots heureux.      
 
Sur le pont du nord   
un bal y est donné   
pour quelques doublezons.      
 
Petit homme des rêves   
aux jambes fines   
montreur d'ours   
à son corps défendant   
vers un bel horizon   
parti à reculons   
les nerfs en pelote   
en abstraction   
au pays des sphères   
telles gouttes de sueur   
tombant à déraison   
sur le couvercle métallique   
des heures creuses.      
 
Plein le ciel   
les yeux de Marylène   
inondèrent de pensées   
les sommets enneigés   
de tendres roucoulades   
d'étreintes et de choses écloses   
l'espace d'une nuit   
à parer le bouquet de flamboiements   
alors que le Verbe infini du poète   
effaçait l'objet de l'étreinte  
pour se dépouillant   
être une pincée d'herbes folles.      
 
 
1040