Tous les articles par Gael GERARD

Les trois sœurs de la Tour

Les trois sœurs de la Tour   
Ont engagé leurs rires   
Face à l'inévitable élan.      
 
Avec comme caisse de résonance   
La nature d'une mémoire   
Qui se dit et espère.      
 
Des regards   
Du coloriage de la superbe aisance   
L'infinie bonté.      
 
De la chaîne des rires   
Sur l'horizon des sens   
La basse continue.      
 
Si simples   
Les souvenirs croisés   
De toute éternité.      
 
Fusion des âmes   
Comme le choc des pommes   
Dans le panier d'osier.      
 
Même séparées par l'éphémère   
L'envol est là   
Au-delà du souci stylistique.      
 
La pudeur du son et de la sensualité   
Exalte un chant de lune   
Dans chaque présence.      
 
D'être au recueilli instantané   
L'écho même   
De la fragilité de la beauté.      
 
Se croisent clôture et finitude   
Sans cesse relouquées   
Sur la vaste Vie.      
 
Où brûle l'essence de l'Être   
En leur légèreté   
Les mots calligraphiés.      
 
Murmure de la Lumière   
En cet instant de communion   
À l'évocation contemplative.      
 
1381

Hé hop !

Un trait d'humour  
Sur la parodie   
Hé hop ! le couvert est mis.      
 
Nul ne saurait calmer   
Cette infamie   
En sursaut de l'esprit.      
 
Crêpe au revers   
La canne cogne sur le pavé   
Des mots à couvert.      
 
La nuit je rêve   
Le jour je bêle   
Et les moutons se font la belle.      
 
De l'Ukraine à la Palestine   
La lie s'exprime   
À la santé de la bêtise.      
 
Petits hommes de rien   
En passant par la Lorraine   
N'avons-nous pas appris la haine.      
 
Vidons nos poches sales   
Saluons le soleil qui vient   
Un rien de rire en soutien.      
 
Remplie d'eau sale   
La bassine des remontrances   
Écume d'une dernière danse.      
 
Cette flèche traversant la nef   
A nourri le pas des chevauchées   
Vers l'abîme révélé.      
 
Un cadeau    
Hé hop ! à cheval   
Pour un ultime saut.      
 
Plus jamais ça   
Et pourtant ça recommence   
En se poussant de la hanche.      
 
Chère chair de mes ancêtres   
Au poudroiement des étoiles   
S'agglutine un nouveau rôle.      

( Œuvre de Hugo Receveur )
 
1380

Brève rencontre

Notre rencontre fût brève   
Étrange marouflage   
Des quatrains   
Auxquels le vide appartient.      
 
De près de loin   
Le futur se faisait petit   
Devant la prégnance d'un premier pas   
Dans la rosée du matin.      
 
Ça cogne et démesure   
De lichens astéroïdes   
En mésestime de soi   
Au lignage d'un dernier aboi.      
 
Même pas mal dira-t-on   
Pour que lumière obscurcie   
S'épanche la douleur   
Entre le clou et la poutre.      
 
Comme se faire   
De la rugosité du candélabre   
À même la fenêtre   
Le suppôt de Satan.      
 
À deux de près    
La partie aurait été gagnée   
Sans que les mécanismes stupéfiants   
Accèdent à la facilité.      
 
De s'arrimer      
Aux trois aspects de la manifestation   
Totalité   
Construction et destruction.      
 
1379
 

Le beau poilu

Envisager d'un mot   
Le calme à-propos   
Encore et encore   
À corps et à cris   
D'élever un poilu   
À la porte de l'église   
Ou devant la mairie.      
 
Souffle l'esprit   
Dans cette arène aux lions   
Qu'était devenu la joute   
Entre le maire et le curé   
Au privilège de choisir   
La part de manteau   
Objet de la déchirure.      
 
À distinguer la guerre et la beauté   
Nous avons prolongé   
L'heureuse odeur de sainteté   
Des âmes errantes   
Claquant guenilles   
En quête d'un séjour prolongé   
Au marché des mystères.      
 
Clignant de l'œil   
Dans quelque flaque d'eau   
À la périphérie d'un malentendu   
Avons inversé l'ordre des choses   
À l'occasion d'une fête patronale   
Seconde vie accordée   
Avant la traversée de la geste sanglante.      
 
Aux pentes dénudées de la colline   
Avons préféré la vérité de la vie   
Et ces occasions à contretemps   
Faisant semences fraîches   
D'une expérience existentielle   
Menée crûment    
Sous le tilleul du Têt Chô.      
 
Dialoguons jusqu'à point d'heure   
Soyons d'émouvante manière   
Les creux et les bosses de la Comté   
Au risque mesuré   
De garder bien au chaud   
Suprême élégance   
Quelque étincelle de beauté.      
 
1378

Le saut de l’ange

L'écriture c'est la tunique   
Que même le chat de la voisine   
Ne pourrait recouvrir de ses vibrisses.      
 
J'attends les oiseaux de décembre   
Mais où sont-ils donc ?   
Cachés dans les musées de la mémoire !      
 
Par le vasistas j'ai vérifié   
Que la montagne est belle   
Quand les nuages pommellent.      
 
Une phrase lue   
Et je bavarde   
Quatre à quatre d'étage en étage.      
 
J'attendrais bien le printemps   
N'empêche que c'est trop tôt   
Dit-on en Circassie.      
 
Le fripé du silence   
Dans les devantures de Noël   
Capte l'éloquence.      
 
Se défont les marrons   
De leurs bogues   
Bing bong ! Font-ils sur le sol.      
 
À pointer du doigt dans la direction   
Augure d'une demi-lune   
En érection vers Vénus.      
 
Légère et court vêtue   
L'innocence broie du blanc   
Et la condescendance du noir.      
 
En ballade   
Je lis et lisse   
Le corps de ma pelisse.      
 
À l'intérieur du nid   
Un rien de souvenir   
Sans penser à écrire.      
 
J'étiquette sur la porte de ma chambre   
Le plein et le délié   
De l'ombre du pommier.   
 
Confier les blessures d'enfance   
Au psy spi de l'empathie    
Module la souffrance.      
 
Que faire de la boîte aux lettres   
Si ce n'est claquer le bec   
À ce quai de gare.   
 
Sur mon carnet   
J'ai mis une date sèche   
Et prier le chameau de sortir par le chas de l'aiguille.      
 
À l'encre gris-souris   
Le papier s'offre   
À sa propre virginité.   
 
Des mains sur la rambarde   
Ont essuyé la pensée   
D'une remontée d'escalier.      
 
Emmailloté dans les langes des hôpitaux de Paris   
J'ai prié la mère-l'oie   
De m'extraire du puits.      
 
Pour boire   
Et pour manger   
Un petit sou Madame !      
 
Le lait chaud   
A coulé sur le bras de maman   
En évitant la tête de Muriel.      
 
Le temps est à l'orage   
Trois herbes folles    
Ont franchi le bastingage.      
 
Par la lucarne   
J'ai vu le cœur de Sœur Marie-Samuel   
Gravir l'escalier musical.      
 
Pour sûr   
Que la sainte couleur des braises   
Rend le poème plus seyant.      
 
Pour que le pas du gymnaste   
Précède la course   
Vers le saut de l'ange.      
 
1377

Le bouquet de la fraternité

Il est des bouquets   
Qui préparent la concorde   
Sans faire de l'ombre   
À l'insurrection des consciences   
Au temps du passage à la limite   
Du saut dans l'ouvert.      
 
Bien étrange étranger   
À qui je concède la fraternité   
Sur ce pont qui nous relie   
Cette arche d'Alliance   
Où règne la soif d'aimer le plus lointain   
Comme son prochain.      
 
Il est un temple   
Où accueillir toute forme   
Où chacun serait libre   
De prendre soin de l'autre   
Vers lequel se dirigeraient les caravanes   
Après la traversée du désert des singularités.      
 
Gardons-nous de la haine   
Passons par dessus les indifférences   
Résistons à l'onde de choc des agressions   
Pour nous rassembler   
À l'ombre du sycomore   
Et goûter les saveurs de la paix et de l'unité.      
 
Plus de pleurnicherie victimaire   
À parts égales la vie est là   
Avec ses obstacles et ses handicaps   
Auxquels l'effort et la persévérance   
Ourlent le drap de l'intégration   
La mise en demeure d'écouter son cœur.      
 
Il nous reste de grandes choses à faire   
Comme de tenir les enfants par la main   
Sans laisser s'effilocher nos mémoires   
Et par la convergence des sagesses de l'humanité   
Faire à autrui   
Tout le bien que nous voudrions qu'il nous fasse.      
 
( Photo de Julien Piedpremier ) 
 
1376

Voyage voyage

Voyage voyage   
En prévision de ce qui me précède   
Et m'habite au plus loin   
J'autorise l'automne   
De faire disparaître les feuilles du tilleul.      
 
La pluie et ses gouttes à contre-jour   
Noëlise le merisier   
À montrer ses pleurs   
Les pré-bourgeons de l'Avent   
Émerveillant les enfants.      
 
Obligé de prendre la sente   
J'ai roulé livre ouvert   
Vers le passé incontournable   
Justifiant par là   
L'embrasement des émotions.      
 
Le corps et la sueur   
Sous le soleil d'un matin persistant   
Ont modelé le palimpseste des éclosions   
Déterrant les racines généalogiques   
Accueillies comme missives précieuses.      
 
Dépassé par la production   
J'ai dû remettre à demain   
Mes tâches quotidiennes   
Pour me pencher sur le mille-feuilles   
De mon intention d'être vivant.      
 
Tout bouge   
Dans l'à-propos de l'instant   
Et passent les servants portant corbeilles   
De simples et de fruits   
Recueillis le long du chemin.      
 
1375

La lueur de la pierre de sel

Jazz   
Émis du soupirail   
Sept jours durant   
Par des mains fanées   
En quête de l'heure venue.      
 
Cortège    
Des voix ténues   
Jargonnant les amours mécaniques   
Au sortir de savantes années   
Passées à colporter les slogans de l'arrière.      
 
Naissance aux pieds brûlés   
Sur la terre des rudes conquêtes   
Homme des labours   
Aux prunelles solaires   
Au loin posé comme un phare.   
 
Demain   
Des champignonnières   
Rassembleront les pagaies de l'ombre   
L'iris des mourants   
Et la calme attente du lendemain.      
 
La lueur d'une pierre de sel   
Empagnera la soie des fichus   
Pour en faire calme affectation   
Du bruissement des âmes   
Contre la forge de la décision.      
 
Fou des grelots   
Attachés à la gorge des ours   
Le roi des fougères   
Foulera par le menu   
L'arc-en-ciel des nuances.      
 
1374
 
 

Du cœur la parole se pare

Du cœur   
La parole se pare   
Comme un chapeau sur la balancelle  
Et pourtant grave   
Par ses ajouts de secrets d'enfance.      
 
Les billes et les capsules   
Ont été torpillées   
Par l'inouï de l'apparition   
Du balatum entortillé   
Dans l'enfilade des rues.      
 
De la rue Gignoux   
À la rue Émeriau   
Par la rue du Théâtre   
Se mouvait le visage de Mère   
Au travers du couloir.      
 
Dessinant au crayon   
Les lignes de métro   
J'appuyais sur les touches du piano   
Innocent transbordement   
Vers la Liberté du pont de Grenelle.      
 
Thérèse la native   
Dans son cabas noir   
Ramassait les boulets de charbon sur le quai Mirabeau   
Âprement soutenue   
Par l'ouverture de Tannhäuser.      
 
Me voilà homme   
Par l'âge et la romance rimbaldienne   
À chercher l'enchantement simple
Alors que parole intraitable   
Le chat perd ses griffes.      
 
1373

L’oxymore compassionnel

Au zoo   
Y'a l'oxymore compassionnel   
La fente labiale   
D'un produit à l'état pur   
Le bleu du ciel.      

Le perroquet sensible   
Égraine les bulles   
Volées de longue date   
À l'enchantement divertissant   
Du slogan pascalien.      

Retirer le velum   
Calmera l'absence exaltation   
D'un petit bonheur   
En lieu et place   
D'une présence occurrente.      

Au théâtre   
L'habit fait le moine   
Comme l'oiseau des îles l'amiral   
Si peu si prêt   
Des rivières de lumière.      

De rejeter la tête en arrière   
En sifflotant un air d'opéra   
Fournit au hasard   
La perle nue   
Du culbuto des rêves.      

Je pense   
Donc j'arrive à tendre la joue   
Parole poétique adjuvante   
Pour que sardines à point   
Créer l'ordre à l'entrée du port.      


1372