Tous les articles par Gael GERARD

A beaumont sur un poney blond

Beaumont sur un poney blond
j'ai épelé ton nom
ma sœur des eaux tumultueuses
reverdie sous le trait lumineux
des montées en vertige .

Variante passagère
sur le piano des auréoles
ton songe et ta neige mêlés
aux arêtes travesties de nos ancêtres
m'ont fait carène fière sur les flots amers .

Feuilles maternelles
époque mensongère
vous vous êtes épuisés
en caresses lentes
sur un tas de carcasses embouties .

Pleure ma fleur
souffle le silence
sur le crépon de nos plaies
l'avenir en signe de reflet
mon amour
ma force
mon humilité .


239

des mots sous le regard des échoppes fermées

 Des mots sous le regard des échoppes fermées   
tels des hirondelles sur un fil de départ   
silence de l'homme qui se tient aux limites du territoire   
proférant d'illusoires mirages   
messages bravaches   
collusion d'avec le désert .   

Les mots   
ces enveloppes émettrices   
ces orgues guerrières   
en passe de devenir ombres de la lumière   
sont le creux d'un vallon pour l'enfant recroquevillé de douleur .  
 
Les mots profèrent le sens   
chez les cœurs éveillés   
que le temps éparpillent    
pour   
les jours ensoleillés   
détruire les idoles extérieures .   

Les mots de paix   
sont la semence de l'arbre de nos attentes   
dont les branches s'élèvent jusqu'au ciel de l'âme   
ces bras que mes nuits appellent   
dans ma disposition à te recevoir    
intime au plus profond de moi .
  
Ô toi mon ami mon secret   
que de signes ai-je rassemblés   
pour toi   
faits de cire molle, de matière putrescible, de rage enamourée   
à en faire saigner les nuages du doute   
Ô mon ami   
ils furent paroles de sage   
un grand mystère devenu puits de science    
la calme contemplation de la finitude .   


240

la sincérité, un envol vers soi

   Il est un secret   
aux marches de l'illusion   
dans l'ombre cristalline d'une source   
oblique errance   
que nul ange ou démon ne pourrait altérer   
mémoire immémoriale   
hors les murs   
des collégialités de la peur .   

La sincérité ,   
un envol vers soi ,   
un envol vers le vrai ,   
le vrai de la grâce   
ne cherchant pas l'embellissement   
dans une énergie à contre-courant .   

La source au cœur des ténèbres est vérité .   
Débarquons à pleines bennes les images de soi ,   
faisons se lever l'étrange spectacle   
de l'homme initié par son ombre .  
 
Aux eaux de l'esprit point d'accoutumance ,   
rien que les vestiges d'une sagesse ancienne    
à l'aube des commencements .   

Dans la farandole des illusions reste le noyau des origines .   
Tourner sans hâte   
la meule de l'esprit   
entrer en collision avec soi-même   
et partir en voyage ,   
hors voile   
vers les portes    
où l'homme ne vivrait plus de son image .
  
Aimer les créatures hors de soi .
  
Articuler la vérité avec le cœur .   

Ton âme ne sera plus divisée ,   
œuvres et paroles formant l'unique .   

Hors du théâtre d'ombres   
la vie n'est pas spectacle ,   
elle est aventure   
à celui qui sort de la caverne du cyclope .  
 
Le secret de la sincérité insuffle   
la vie aux œuvres et aux formes .  
 

241

La voie au plus proche de soi

œuvre de Sylvain GERARD
   Trop souvent , entend-on , que :
 " Suivre la Voie, le rêve d'être humain, de
pouvoir redresser la sinuosité du cœur est
intention essentielle . Et pour cela ne faut-il
pas partir, s'extraire des chaînes du monde " .

Cela est fausseté !

Là n'est point la vie ,
partir c'est éviter la recherche de la Vérité .
Les chaînes n'existent qu'en soi-même .

Plutôt que d'être attiré par des mirages
extérieurs, 
protège-toi de tes propres ruses .

Cesse de te réfugier derrière une fausse
humilité .

Jette-toi dans l'océan de la providence .

Préfère ce que tu ignores , ignore ce que tu
connais.

Ne crains pas l'inconnu .

La Vérité n'est pas voilée .

Ce sont tes yeux qui portent voile .

Tes yeux ,
des voiles que tu dois ouvrir .

Le sage , lui , rompt d'avec ses habitudes .

Les miracles du monde sont d'une effarante
pureté ,
la seule voie est la rectitude intérieure .

La lumière en bout de corridor ,
l'ultime de la voie ,
un au-delà au plus proche de soi.


243

Où aller ?

 Où aller ?   
 Face à face .   

 Etre à l'écoute de l'autre .  
 
 Cheminer à trace commune . 
  
 Jeter , comme par hasard   
 un regard sur les côtés ,   
 juste ce qu'il faut pour ne pas nuire   
 et faire danser la compagnie ,   
 tel aux veillées passées   
 trier les cailloux dans le plat de lentilles .  

 Le temps éternellement recommençant,   
 sous la plume ,  
 à l'octroi d'une pluie battante ,   
 déployer sa panoplie   
 porte ouverte ,   
 sur les accolades chantées   
 des gouttes d'eau souvenantes.      
  
 Il n'y aurait ,   
 de propre , écrit   
 sous le boisseau ,   
 que le sourire qui prête à dire . 
  
 Il est un étroit passage entre l'intérieur sécuritaire
 méthodiquement édifié aux crédences de la connaissance
 et la ronde des enfants de la joie .

 Il est des contrées
 d'entremêlement des acquits
 où filtre la révélation .

 Il advient que
 la pomme qui tombe de l'arbre est une merveille .

 Allons recueillir le fruit ,
 l'essuyer avec le linge
 de toile écrue ,
 portons à hauteur d'yeux ,
 le grain de peau ,
 l'enveloppe gracieuse
 l'infinie expansion du germe
 de son extension ,
 jusqu'à sa plénitude
 jusqu'à son extinction .

 Au palais des viscosités de l'esprit,
 la pomme à pépins
 croquée
 permet le plaisir du goût
 par l'ensevelissement
 des sucs rétrospectifs .

 La cloche de l'église retentit .

 Il est quatre heures ,
 l'heure du goûter
 que le coucou psychédélique égrène .

 Faire savoir qu'à bon entendeur , salut ,
 avec la pincée de jugeote
 appropriée au principe de normalité .


 238 

si la charrette ploie

 Si la charrette ploie  
et que pièces à terre  
se dispersent  
les dérisoires brassières de l'esprit .  

Il y aurait ce regard  
traverse de l'absence  
des catéchumènes en son enfance éteinte  
ma mère l'ordre de la mère morte  .  

Il y aurait prégnantes  
des caresses sous la toile  
que jamais n'ai cru  
souples à mon encontre .  

Il y aurait des herbes sèches  
recouvertes d'un givre cristal  
sous la burle sévère  
d'un passement de jambes dansé .  

Qu'on dirait l'affliction   
des tendres et tendres années de perdition  
à coopter les passants du sans souci  
sans cris ni repos .  

Mon cœur s'est éteint  
il a navré le cours du temps  
de bulles fragiles  
sous le rêche du souvenir .  

Les sillons se sont fait crème  
au café des solitudes  
la cuiller ourlant tournante  
le reflet des nuages .  

Remettre les choses en place  
avec chaises et tables  
verres et couverts   
et ronds de serviette à l'avenant .  

Vivre en illusion  
entre la poire et le citron  
d'oraisons  
et de jours à venir  
finissant en tranches de potiron .  

Sur le départ  
posée à même le sol dénudé  
courait la vermine saxifrage  
des orateurs sans parole .  

Se confrontèrent du menton  
les accordéons de la raison  
à éviter le tien du mien  
positionnés en dérobade .  

Silhouette affaissée  
les lunettes en bout du nez  
corrigèrent les fautes d'orthographe  
nos petites mains passagères .  

Segmentés à courte échelle  
les chevaux de la verticale  
dernière levée d'un sourire  
par la fenêtre entrouverte .
 
Sortilège sorti tout droit  
d'une tendre apostrophe  
les lèvres purpurines figèrent  
le son des églises .
 
Faussement accaparé  
dans un tombereau de fumier  
le corps à corps des corps pensants  
d'étreintes désespérées .  

Se glissèrent sous la ramure  
les champignons de l'automne  
à creuser les tranchées d'une guerre  
dont nul ne revient .  

Fil à fil le pull s'allonge  
les aiguilles passent puis repassent  
le fragile des doigts  
s'expose sans que je m'interpose .
 
Face contre terre  
soyons le roulage des galets du torrent  
sous la feuillée d'un saule encalminé  
par le qu'en-dira-t-on des prosopopées .  

Ma plume  
sans le cal d'antan  
se fait entendre jusqu'à l'orient  
de coups secs sur la peau des sollicitudes  
le creux des reins en jouissance  
son heure et puis la mienne  
toutes choses confondues  
se rebellant ma belle  
dans l'offrir de la resquille  
à ne plus entendre les barbelés  
crisser sous la mitraille .  


237

Sa cage d’oiseau sous le coude

 Sa cage d'oiseau sous le coude
 et la croupe en carême 
 un cheval passe 
 la cavalière à queue de cheval .

 L'âne braie
 les moutons bêlent
 un bruit de tôle 
 cadenasse l'espace
 j'appelle
 au carrefour
 des senteurs d'herbe mouillée
 le lever de lune .

 Sans prendre le temps
 de maigres appendices
 se joignent
 aux remontées de laine pelotée
 un quart plus bas
 des ailes en ordre de marche .

 S'enquérir
 finement ciselé
 du crépuscule
 en retombée lasse du jour
 fièvre amère
 qu'un doigt de miel
 rehausse
 tendre application
 de la flûte
 aux notes réjouies
 du rire des enfants .


 236
 

Ne pas être le « bravo »

 Ne pas être le "bravo"
qui brave le silence
être la racine sèche
la mousse assoiffée
le champignon rabougri
être l'accueil
pour soupe offerte 
lentilles et lard
être la main tendue .

Etre l'homme
le petit
le prêt à vivre
la danse des femmes
nos initiatrices en amour
amulettes d'avenir
semailles tendres
aux flancs des collines vertes
un vent chaud
fricassée d'étoiles
sous une lune partagée
nous les errants 
les mange-cœurs
vifs en remontrances captatrices
dolents en espérance
les fauconniers du beau .


234

Dieu, une évidence

 Ne pas éviter
 les crocs de la raison
 plantés sur le râble des choses connues
 fractale blessure
 à la mesure des choses dites .

 La divergence
 canaille souple
 d'entre les roseaux de l'évitement
 rassemble les coques vides du festin .

 Un grain de riz
 peut nourrir
 les gendarmes du désenchantement .

 Du bol
 la multitude asservie
 sera jetée
 sur les couronnés du mariage assumé .

 Evider ,
 faire le creux sous les yeux
 du démiurge reconnu ,
 excaver à la barre à mine ,
 à la Barabas ,
 les alcôves de l'oubli ,
 rassembler, puis danser
 une évidence
 entre matière et esprit
 le long des golfes clairs
 la vérité apparue .

 Et que de choses advenues en cette inconnaissance 
 Dieu
 Dix yeux de merveille .

 Le cadre des enchâssements de la logique . 

 Le point de fuite
 d'où tout vient et tout converge .

 Le toit des masures de l'homme
 en construction de lui-même .

 Les mains de la rencontre
 au petit matin mutin
 des " bonjour comment ça va  ?" .

 La plaie à lécher
 convergence de l'algue avec la langue
  mer et terre confondues .

 Le réglisse noir
 au feu racinaire
 des obligations d'une discipline .

 Le crissement rêche
 du calame sur l'argile sèche .

 Le creux des songes
 en amenée tendre
 sous l'amulette du chamane .

 L'arc en ciel
 des coloriages de l'enfance
 en quête de reconnaissance .

 La levée du regard
 vers des cieux intenses
 au crâne de l'ultime .

 Absence d'explication ... Instance de présence ...
 Dieu , cette évidence . 

 ( photo de François Berger ) 

 232

Des cris

 Des cris
 l'appel des mots de miel
 l'ultime comme roc
 sur lequel retentir .

 Le claquement sec de l'orage
 dégoupille ses vasques d'eau
 au caravansérail des rencontres .

 Femmes 
 en coursive haute 
 le regard musique 
 les pieds dans le dur du granite .

 Elles chantaient
 clameur gutturale
 montée des désirs
 puisant une énergie de louve protectrice
 sous l'amoncellement des feuilles mortes .

 Transe en sous-bois
 les trompes racolèrent les défaits de la nuit
 chiens battus recroquevillés
 au dévers des choses dites à la va-vite .

 Il inventa la ronde danse 
 L'infinie lumière éperonnée
 à l'avant du charroi
 les jambes flageolantes
 aux portes du temple .

 Mon âme
 élevée d'un léger signe de la main
 à l'aplomb d'une joie vespérale
 vers l'envol de l'oubli .

 S'alignent les sourires
 les hochements de tête
 sous les cintres de la scène
 sans applaudissement
 au juste silence en soi
 coquillage vermeil
 retenu par la respiration .

 Nous nous mîmes en marche
 devant l'inconnaissable
 cherchant la clé de la cité
 de niveau en niveau
 comme pour être là
 le cœur en fête
 dans d'improbables anfractuosités .

 L'homme vert sortit du bois
 la chevelure lichens
 le souffle dragonesque
 l'allure souple
 l'appareil photo en bout de bras .

 Il suffisait ...
 et pourtant
 les hardes ne nous couvraient plus
 la moue aux lèvres
 les yeux piquetés d'ardentes échardes
 le pourtour de nos suggestions
 en limite de rupture
 les chevaux éructèrent
 il y avait tant à faire
 le sable coulait de l'écarté des doigts
 un petit tas se forma
 nous y mîmes notre espérance
 notre joie
 notre peine même
 à l'arrivée d'un enfant faisant château en bord de mer
 en reflux des vérités .

 L'ultime en un claquement sec
 rompit les amarres d'avec l'illusion .

 Tout s'écroula
 il y avait à vivre .


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