Tous les articles par Gael GERARD

Trois cœurs pour un oiseau de nuit

Étrange composition
Au solstice d’été
Quand la lumière s’éprend du chemin creux
Près du mur de pierres sèches
À pointer l’espace d’un éclair
Le cœur et le cœur et le cœur
Trois cœurs pour un oiseau de nuit
Qui viendra nous ensevelir
Au couchant du furtif passage
Vif encore de flammes virevoltantes
Pour nous dire adieu
Par delà la nostalgie du germe.

Creusant les plaies
De qui entend les mots en échos
Lancés comme chant du loriot
D’appels arrachés à la pointe du couteau
Alors que une à une
Se pétrifient les ombres
D’un douloureux voyage
Acheminant vers le fond du miroir
Promesse de sang
Où brûler les serments
De l’autre côté de l’horizon.
À point nommé, gémissements.

Ils écossaient les petits pois du jardin
En présence de l’impensée vie terrestre
Dans la gloire de l’été
À embraser les lucioles de la mémoire
Égarées là en fidèle compagnie
Des ancêtres, point de mire
Signifiant neuve partance
Creusée à mains nues
Dans l’humus, source inviolée
D’un panier en osier
Bougie allumée sur le pas de porte
Où bercer la veillée de paroles échangées.

1588

Le cœur à bout de bras

Ne me dis-tu pas qu’il soit mort hier
De frayeur
De manquement de soins
D’allers-venus en bord de précipice
À se fendre d’amour d’échancrure en échancrure
Le cœur à bout de bras
Jusque dans l’embrasement des choses dites.

Plus bas dans une démarche immémoriale
Plus haut dans le vide
Avons-nous investi les résonnances qui prophétisent
Bien au-delà des possibilités
Alors qu’il suffit d’avancer
Entre les deux rives
D’une plaie ravivée.

Marcher doucement sur les pierres de la source
Aux serrures du ciel, j’ai préféré le ciel
À la clé des énigmes, les vibrations du lendemain
À la brûlure, la brise des souvenirs
À la tornade, la feuille qui tombe
À la nuit, le jour d’ouverture
À l’unique dignité, le clapotis infini des vagues.


1588

L’allée d’Allagnat

Un faisceau de souvenirs soutient la futaie
J’ouvre les bras
Et me viens
Gentil ami
Dans l’alignement des exvotos
Le désir d’une fête
Guirlande de branche en branche
Marouflant la ramure
De mille feux
Corps s’accordant
Âmes refluantes
Du parterre de feuilles sèches
Pour que vie s’élève
Au grand festin des intimités
Flammes et larmes
Du fond de la frondaison
Tracer la sente faisant chant
Du bruissement des pas
Dans l’immense éclair des grains de poussière
Pulvérisant la beauté du lieu
Aux noces mémorables
Pour qu’advienne
La douce pluie
Crédence tintinnabulante
Offerte à l’inapaisable fontaine.

1586

Trois fébrilités


Trois fébrilités de l’ombre diamantaire
Ont paru au bow-window
Consacrant par le pareil
Le fin du fin de la navrance.

Le fils paré de grâce juvénile
Grappilla quelques instants de vie
Sans que n’aille au bout du bout
L’œuf des attentes.

Écouter Oser Répondre
Agissent pipeau d’argent
Sur le miel environnant
De tes yeux endormis sous rayon de lune.

Fibres singulières
Accrochées aux patères de l’entrée
Feront papillons de lumière
En hommage aux gambades imaginées.

Pierre d’angle
Je désire plus ample connaissance avec vous
Pour conduire de concert
La chasteté voler sur un air de biniou.

Va à tire d’ailes
Parmi les oies sauvages
L’âne du mariage
Accroché sur le dos de la parentèle.


( Œuvre de Pierre-Sylvain GERARD )


1585

Sang bleu sur le pavé

Sang bleu du remugle 
Le pavé cogne au cœur de l’allée
Un alléluia de pacotille
Venu de l’errance piétonnière.

À contretemps
Les plateaux de la balance pèsent néant
Infraction plus légère que la fable
Quand la foi tue la foi.

Paysage gorgé de bleu de Mytilène
Cerises grasses déversant le kirch des abysses
Il fallut que les lèvres se tendent
Pour piqueter de peste le corbeau de la haine.

Passage gardé par des bêtes féroces
Même la biche traversa le gué
D’une légende l’autre
La passementerie faisant ouvrage de dames.

Mille fleurs aux alentours
Courtisent le ciel en courroux
Pétrissant d’une blondeur fadasse
Le coucou gris et son plain-chant.

Nulle larme baigne la musique des sphères
L’aimable portant fines lanières
Écope de ses bas nylon
L’allongé d’une grêle de serments.


1584

Nuit sèche à la corne de cerf

Nuit sèche à la corne de cerf
Juliette à sa fenêtre
Précieuse marchandise
Disposée au balcon
Ne savait que faire
Myriades de lucioles à l’entour
Grosse de l’œuvre à venir.

Ne pas l’expédier
L’accueillir en amie
Le dessous de chaise y pourvoira
En écho avec le petit cœur
De Roméo
Au charivari de l’indécence
Enfant perdu et retrouvé.

Elle vivait là
Signalant la direction à prendre
Nuisette en satin
Sans laitance
Jumelle solitaire
Veillant par le travers
Le loup aux trousses disposé.

Douceur reconnue
Le doigt hésitait
Par la fente perçue
D’échancrer le slogan
Fausse couche offerte à l’esprit
Contre son visage
Contre sa barbe.

Instant fatal
Casse-croute sorti du sac
Une fois la main empoignant l’ourlet
Toujours logé et nourri
Le numéro tatoué se mis à luire
Vers luisant dans sa coquille d’œuf
Œuvrant au silence des lieux.

Tenir il faut tenir
Par delà le râle des vieillards
Dans la terreur partagée
Les huis des wagons plombés
Raclant jusqu’en enfer
Les rails rouillés de la souffrance
Fripée par le hibou criard.


1583

Nuage ultime

Incognito
Un tantinet rigolo
Nuage s’effaçe devant Grande Journée.

Sans gaspiller ses traces
Le kérosène ourlait d’une douce dentelle
La paréidolie des alpages.

L’Ultime était là
Vagabond hilare
Troquant le sabre contre l’habit de lumière.

Rimant à la perfection
Désespérant même de ne pas être compris
Il engageait le poème vers le mystère.

Un tantinet prêcheur
Il rattachait le coup d’œil
Aux cintres du bel et bien.

Par nécessité
La Vouivre coulait des jours heureux
Ventre contre terre.

La grue blanche
Caresse sur la neige givrée
S’éthérifiait pour devenir Souffle.

À mi-flanc de l’abrupt
De vieux sapins
S’occupaient des affaires du monde.

L’immortalité se garait
Sous le tryptique des réalités
À hue et à dia de l'humour.

Nuage nuage
Au risque de se perdre
J’embellissais la chanson d’une douce contrainte.

Chemin et But
Dans l’azur infini
Filaient doux devant ce qui alors se passa.


1582

La pierre promise

Déchirer le bloc
Avec pattes de guêpes et de libellules
Mène au partage des origines.

L’une sera la démarche immémoriale
L’autre le regard étonné en perpétuelle offrande
Comme prévu.

D’irradiants filagrammes se formeront
Pain béni pour l’âme aérienne autant que charnelle
Joie nue devant le vacarme des perce-neiges.

Bien sûr
La plaie à ce prix
Fera strophes sages sur la pierre promise.

Personne ne m’attend
Avons bien tout le temps
Nous les passants trop pressés.

L’oracle brise l’élan du soleil buvant rosée
Un geste décrit la lancinante énergie
Du migrateur égaré que nous sommes.


1581

En effet

En effet
J’ai continué de vous avouer
Qu’un tourbillon a explosé les repères terrestres
En sortie du corps
Juste le temps d’une absence
Et que cela dura deux secondes.

Nulle sensation
Dans la connaissance du pur objet
Forme en accéléré
Mais qu’est-ce que j’en sais
Moi
De votre jeunesse votre innocence.

À même le minéral
En expansion de conscience
Qu’une masse appuyait sur le bas-ventre
Avons pleuré les eaux venues
Impénétrable tristesse
Dévolue à la continuité du chemin.

Sur la palette des émotions
La vie ses rires et ses risques
S’est amorcée de subtile manière
La coulure atypique
Entre ciel et terre
L’émergence spirituelle.

Elle ne provient pas des cieux
La bague souveraine
À sertir le point du jour
Passé le pont de nos amours
Sous la dictée d’une présence invisible
Mini-poème glissé dans la petite enveloppe.

Il n’est d’hier et de demain
L’outil qui remplace la main
Et trop tard
Pour faire des histoires
Au rythme d’un train
S’estompant peu à peu comme dans un tunnel.



1580

Gertrud

Le soleil était levé depuis bon temps.
Les brumes de l’Artière disparaissaient.
J’attendais la prochaine volée de cloches de notre Sainte Église.

Là dans la roselière les femmes travaillaient.
Près du ruisseau elles cardaient le chanvre.
Elles frappaient les tiges à coups de battoir.
De fines gouttelettes s’échangeaient à contre-jour.
Dans les buées du canal de dérivation.

Échange dextre et senestre au rythme régulier.
Le grand peigne de bois passait et repassait sur les tiges rêches.

La prairie fleurait bon.
Les herbes étaient lourdes de rosée.
Elles se levaient soudainement dans un cliquetis.
Comme grains de chapelet giclant dessous l’ongle.

Assis sur la pierre des couleurs je t’écrivais.
« Belle femme de l’Artière.
À peine arrivé au bas du monastère.
Brouette vidée.
J’ai su que je devais le faire.
Mes pensées vers vous.
Gertrud il me semble.
Déjà là depuis lever du jour.
Cheveux serrés dans le foulard.
Vous avez illuminé mon cœur.
Et depuis je vous observe.
Là-bas avec vos compagnes.
Bras nus sous l’orbe d’un arc-en-ciel."

Les cloches sonnent.
Il sera bon temps de poser l’ouvrage.
Pour monter la côte vers le réfectoire.
Là près de la croix des Anges.
À croupetons dans un fourré.
Je jaillirai à votre passage.
Chère Gertrud.
Pour mettre dans votre main sur un morceau de chanvre.
Ces mots.

« Me voulez-vous.
Gertrud.
Comme homme de maison.
Pour vives saisons à venir. »


1579