Pūranga Kāwai: Hōngongoi 2021

Que n’a-t-on voté Akhenaton

     Que n'a-t-on voté Akhenaton   
le dispendieux   
l'organiste de la cathédrale   
le flot tumultueux.      
 
A son visage aiguisé   
le marbre de l'autel faisait pendant   
l'étole au vent   
du côté de chez Swan.      
 
Les chiens allaient venaient   
perforant de leurs aboiements   
les nuages ascendants de la vallée   
sans que le berger soit perturbé.      
 
J'ai couru   
et ils m'ont rattrapé   
je me souviens    
de la règle.      
 
Ma main est à la droite de la gauche   
et la gauche est mienne   
vraiment mienne   
à même le sol   
contre les linges souillés   
la mère de mon enfant   
la bassine de sang entre les jambes   
bouche bée yeux révulsés.      
 
 
828

hêtres et peupliers

Roc éclaire la hêtraie   
de si majeures entailles   
que se glissent langues et papilles   
au frétillement acidulé.      
 
Le vent morigène   
par la fluidité de ses ourlets   
la parole sagittale   
des danseurs de l'aube.      
 
Trilogie élégante   
de l'arrivée des druides   
par la coursive des fontaines   
en robes de couleurs parés.      
 
Il n'est de regard posé   
sur le bruissement quincaillier   
du feuillage peuplier   
que celui du silence.      
 
Mains bleutées   
contre ta poitrine blanche   
aux vaines tendances à l'arasement   
n'augure de bon   
que le souple émoi des âmes et des saisons   
au pas camarade   
de cet élan de bon aloi   
dont nous ferons la paire.      
 
 
841

Le communicant

Laisser sa marque sur le monde  
modeler les nuages le soir venu  
à pleines mains de parousie éteinte  
alunir en l'orage menaçant.      
 
S'engageant sur le chemin   
nous avons assagi les rêveries   
pour manduquant le feu de la déraison   
cambrer les reins devant l'espoir.      
 
A qui le chuchotis des basses embrassades ?   
A qui la vie pour un quignon de pain ?   
A qui le givre scintillant de l'embarquement ?   
il est tant de se tenir coit sur la montagne.      
 
Exister n'est plus de mise   
par ces temps de lune sèche   
à deux pas des convenances   
que le babil des ombres épouvante.      
 
De souffrir de la tête   
des genoux et des reins   
rend le jour plus seyant   
au retour des vagues d'antan   
en la poussée mélodieuse   
des murmures de l'azur   
à contempler le milieu du ciel   
comme s'il allait apparaître.      
 
 
840

Les enfants obstinés

Au coin du feu   
le barde aux cheveux roux   
s'est mis à chanter   
l'histoire des enfants obstinés.            
 
Ils étaient jeunes   
et finirent ligotés et morts   
par noyade sous le pont de Nantes   
à leur arrivée dans la vie.      
 
Mai, l'aube s'est levée maintes fois   
et nous avons été jetés de par le vaste monde   
pour voir s'entre-tuer les amants de la veille   
au coutelas vous dis-je et sans baisser les yeux.      
 
Niché dans l'anfractuosité du mur   
un chien s'est étiré baillant fort  
et sa gueule ensanglantée   
laissait paraître deux glandes inamicales.       
 
Sagesse vernissée   
au nez en trompette   
le masque sanitaire   
arraisonne la croix et la bannière.      
 
Des bougies sur le rebord de la fenêtre   
marquent le retour de l'esprit   
passe-murailles des mots pour se dire.
   
Nous ramassâmes les âmes   
à pleines brassées   
sans rebrousser chemin        
en picorant les grains dorés     
des poules d'alentour 
caquetant de plaisir.      
 
 
839

Le torrent farouche

 

 Le torrent farouche
 d'une trace bruissante et continue
 masque l'immobilité des sommets
 ceints de sapins silencieux.
  
 Du tranchant de la main
 les crêtes et vallons
 inspirent expirent d'un vert naissant
 le cœur épicéa de la transparence.
  
 Entre la gentiane et le lys martagon 
 la marmotte enfume 
 de son coulis de petits cris 
 la gerbe des herbes fraîches.
  
 Pieds paquets et repas assumé
 nous arrosons de vins de Loire et de bons mots
 le roulé-boulé des galets du Drac
 sous le choc des boules de pétanque.
  
 La rosée
 perles de lumière offertes aux feuilles franches
 déploie sa respiration irisée
 d'un rai de grâce germinatif.
   
 En sa munificence consacrée
 dans la mangeoire des étreintes
 au cul des marmites de fonte noire
 culbutées dans l'âtre des merveilles
 par les génies du miroir
 la guirlande des éclats de voix
 œuvre en catimini
 à l'établissement du Sans-souci.
   
  
  
 838
  
   

Par-ci par-là

 

      Par-ci par-là   
 l'auriez-vous vu   
 le furet du bois joli   
 l'homme à la parure gris-souris.      
  
 Par-ci par -là   
 comme de bien entendu   
 un jour de bourgeons verts   
 ils ont trouvé le paradis.      
  
 Par-ci par-là   
 Ka rite ki te kore i tupu   
 se sont embarqués en justice   
 sur le canapé des principes.      
  
 Par-ci par-là   
 en retour de baguenaude   
 les rires de sunnamite   
 ont occis le qu'en dira-t-on.      
  
 Écume des jours fastes   
 au carnaval des apostrophes   
 ils ont clopiné sur la sente aux herbes odorantes   
 à pousser devant eux le caddie des offrandes   
 les rois et les reines   
 ces fifrelins à la cornemuse gaillarde   
 alors que dehors il faisait froid   
 à fendre pierre au pré de Lacombe.      
  
  
 836
   

Entre chien et loup

Entre chien et loup
à la bougie discrète
tendre la main
vers ce voile ténu.
 
Entre chien et loup
dans la lumière des anges
ça bouge là-bas
à l'église de la Nature.
 
Entre chien et loup
sans avoir à qui parler
lécher son pouce
comme carotte en mai.
 
Entre chien et loup
la fuite ne va pas sans blessure
juste un peu de baume
sur le cœur en ses cicatrices.
 
Dans ce demi-jour
sur la couenne du temps venu
montent les bourdes et jérémiades
d'antan mes douces nuits passées
à séquencer les parties bonnes
d'une vie menée
à s'ébrouer et s’élancer
sur la crinière épaisse des nuages.
 
 
836

L’amante éternelle

 

 Se délie l'infamie   
 pour qu'aille à vaut l'eau   
 la plainte et le bon mot   
 que le regard aiguise.      
  
 Partir est souvenir étrange   
 en ce lieu où l'orage éclate   
 le ventre des mésanges s'ouvre   
 sous le cimeterre de l'ordre plumassier.      
  
 Ne plus se retenir   
 sur la pente des pleurs   
 à dessein d'être contaminé   
 je chéris la vigueur des abers.      
  
 Mille paroles n'y pourront rien   
 à cette tête ballante sous le coutil   
 la frayeur exorbite nos yeux   
 sans que le jugement soit honnête.      
  
 Marcher le long des rives   
 amène brise à disposer de soi   
 et quand passe un vol d'oies de mer   
 la voix des abysses souffle 
 sourde voix pour menterie extrême   
 s'accaparer l'étoile   
 au front des causeries    
 de l'amante éternelle.      
  
  
 835  

 
 
 

Outre Rhin

 
 
 Outre Rhin   
 il y a le mien du tien   
 l'accord mélodieux   
 de l'errance et du lieu.      
  
 Par dessus la margelle   
 j'ai croqué le cœur des salamandres   
 comme craquantes airelles   
 découvertes sous la cendre.      
  
 En souvenir d'avoir été   
 le doute est en chemin   
 de ses frasques passées   
 plane l'ombre du destin.      
  
 Puce à l'oreille   
 poil au menton   
 de gouleyantes merveilles   
 n'avaient point encore prit nom.      
  
 Ne morigénons plus   
 ces hommes aux couvades lasses
 soyons à la fenêtre   
 à recueillir l'haleine des poulbots    
 d'un lichen aigre-doux   
 s'exhalant à s'y méprendre   
 tel le son des souliers ferrés   
 crève l'œil du maraudeur.      
  
  
 834 

Il est venu, Il est ici

 
 
 En bordure de la forêt   
 il y avait litière commune des festivités de la veille   
 et nous attendions en gradins  
 que cela vienne.      
  
 Des pins en grand nombre   
 filtraient la lumière   
 sur le chemin déjà foulé   
 et nous étions en silence.      
  
 Je suis sorti du rang   
 j'ai descendu les marches   
 mon torse revêtu d'une peau légère   
 et le bas du corps alourdi d'un paquet de hardes.      
  
 Disposé devant l'assemblée   
 à la gauche du dispositif   
 j'ai levé les mains devant mes bras tendus   
 en formant la coupe des offrandes.      
  
 Et je me suis avancé   
 le cœur de liens arrimé  
 poitrine ouverte   
 en disant : " Il est venu, Il est ici ".      
  
 J'enlevai une pièce de vêtement   
 et répétai : " Il est venu, Il est ici, Lui "   
 et l'assemblée répétait après moi   
 " Il est venu, Il est ici ".      
  
 Et j'avançai lentement   
 en disant les mots sacrés et me dévêtai   
 à mesure de mes pieds que j'enfonçai dans le sable   
 j'affirmai ce pourquoi j'étais.      
  
 " Il est venu, Il est ici "   
 et l'air était doux   
 avec une brise chaude par le travers   
 et la caresse d'être là où je me porte.      
  
 J'ai été rejoint   
 et l'assentiment du groupe m'enveloppait   
 et la femme que j'avais tiré du marais   
 m'accompagnait dans la joie du grand Récit.      
  
 Entre mes doigt le texte s'effaçait   
 quelques signes manquaient   
 pour laisser paraître les petits fruits des origines   
 ces pommes de pin ouvertes par l'écureuil.      
  
 J'étais transporté   
 guidé et j'allai nu   
 pour que le groupe mute d'un même élan   
 dans l'Unité avec Lui.      
  
 Je me retrouvai alors dans la grande chambre des familles   
 et je fouillai dans l'armoire au miroir   
 pour prendre le gilet des anciens   
 et j'étais en sabots.      
  
 Et l'air était doux   
 du devoir accompli   
 l'air était mon sang   
 et le sang de mes compagnons   
 le Léthé retrouvé   
 mes lèvres avaient goût de mots sacrés   
 et nous étions dans la Paix   
 en pays d'éternité.      
  
  
 833